08/05/15

Les crises sanitaires nécessitent une communication en temps réel sur les bonnes pratiques

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Crédit image: Flickr/Army Medicine

Lecture rapide

  • Des crises telles que la fièvre Ebola nécessitent des communications adaptées ‘sur le terrain’pour réagir
  • Saisir le bon sens des mots est important, mais les messages non-verbaux le sont aussi
  • Des systèmes d'échanges d'information, sont nécessaires pour partager rapidement les bonnes pratiques et les nouvelles connaissances

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Un système pour partager rapidement les nouvelles connaissances serait un pas de géant en matière d’intervention d'urgence, selon Rosamund Southgate.


"Nous nous sommes simplement arrêtés au milieu du village et avons eu une conversation", m'a dit notre coordinatrice de la promotion de la santé, parlant de sa journée de travail.

C’était en novembre 2014 et nous étions assis dans le bureau de Médecins Sans Frontières (MSF), au Centre de gestion de la fièvre Ebola, à Bo, dans l'Est de la Sierra Leone, discutant des nouvelles activités de sensibilisation.

Mais plus de six mois après l’éclatement de l’épidémie, elle trouvait, avec une certaine inquiétude, que ses équipes étaient les premières à apporter des messages sur la fièvre Ebola à de nombreux villages.

Et pour chaque lacune dans les informations, les gens développent leurs propres explications: ‘Ebola, c'est de la magie noire’, ‘la fièvre Ebola se propage à travers la pulvérisation du chlore utilisée par les équipes  chargées  des enterrements’, ‘MSF ne conduit les gens à l'hôpital que pour recueillir leur sang et leurs organes’, et ainsi de suite.

Le  gouvernement  et de nombreux organismes étaient à pied d’œuvre dans la région, alors qu’est-ce qui avait mal tourné?

Les raisons semblent inclure un manque de fonds pour des choses simples comme l'essence pour les motos des mobilisateurs sociaux, un manque de véhicules et le simple fait de en pas accorder la priorité aux activités de sensibilisation par les structures locales de coordination  — en particulier pour ce qui est des collectivités éloignées, rurales.

Une  sensibilisation imaginative, des messages évocateurs

Bien que les méthodes de communication puissent être aussi simples qu’une conversation informelle, mettre au point un bon contenu est plus délicat.

MSF a a fait preuve d'imagination en matière de sensibilisation communautaire, comparant par exemple la propagation du virus à la façon dont le ‘shine-shine’ (mot local pour désigner les paillettes) se répandrait si vous l’aviez dans les mains.

Tout le monde semblait savoir exactement ce qu’était le 'shine-shine' et comment il se répand partout.

Mais il y avait des problèmes plus importants.

Dans ma première semaine en Sierra Leone un mobilisateur social local m'a expliqué: "Nos croyances sont les suivantes: si ma tante meurt, je dois me coucher sur son corps pour montrer à son esprit que je ne l’oublie pas et qu'elle peut partir en paix. Si je ne fais pas cela, alors je mourrai sûrement bientôt ".

Ses propos ont mis en évidence une difficulté majeure: le message officiel qui était de ne pas toucher un cadavre, mais d’appeler les autorités de venir dans leurs ‘combinaisons spatiales’ pour le laver à grande eau et l'emporter, était incompatible avec les croyances et les pratiques culturelles de la population.

MSF et d'autres organismes avaient besoin d’anthropologues, et de personnel Sierra Léonais, pour travailler avec les communautés afin de comprendre les concepts locaux en  matière de santé, de maladie, mais aussi concernant le virus Ebola et de la vie après la mort — et formuler des messages qui résonnent, afin que les gens décident de prendre des mesures pour se protéger.



Nous ne pouvions pas compter sur les supports de communication existants transplantés à partir d'un autre contexte. C’est un aspect qui doit être pris en compte dans de futures épidémies au-delà de la fièvre Ebola et de l’Afrique de l'Ouest.

La communication non verbale

Au-delà du contenu des messages, une large compréhension de ce qu'on entend par ‘communication’ est nécessaire si on veut que les intervenants travaillent avec les populations locales de manière efficace.

Les psychologues estiment que quelque 80 pour cent de la communication humaine est non verbale. La réponse à la fièvre Ebola m'a rappelé cela, en particulier dans les efforts de MSF pour lutter contre la stigmatisation que connaissaient de nombreux survivants .

Les seuls êtres humains que les volontaires de MSF ont été autorisés à toucher en Afrique de l'Ouest – sans porter des tenues de protection totale – étaient des survivants, quand nous les avons ramenés chez eux.

A ces occasions, on nous a dit que nous devions les serrer dans nos bras! Après des semaines à éviter même le moindre contact physique avec une autre personne, c'était étrange.

Mais cette étreinte était comme une déclaration forte à l’intention de la communauté.

Elle démontrait que les survivants ne posaient aucun risque, qu'ils devraient être bien accueillis et qu'on devait leur faire la fête parcequ'ils avaient survécu, et ne pas les ostraciser.

Les problèmes de coordination

Une communication bien coordonnée est également essentielle pour une réponse efficace à la  maladie.

Un jour, j’ai reçu un courriel d'un promoteur de la santé de MSF de l'autre côté de la Sierra Leone, demandant des nouvelles de deux jeunes enfants d'une même famille qui étaient tombés malades et avaient été emmenés dans une ambulance deux mois plus tôt.

C’était la dernière fois que la famille les avait vus ou avait entendu parler d'eux.

Personne n’avait contacté leurs proches pour leur dire si leur maladie était la fièvre Ebola ou non, si les petits avaient survécu ou s’ils avaient été emportés par la maladie.

J’ai fréquemment entendu des histoires similaires.

Ce manque de coordination doit avoir eu un impact majeur sur les familles et leur volonté de contribuer aux efforts d'intervention.

Cependant, nous avons bien identifié les lacunes et amélioré nos pratiques. Lorsque le 200ème  survivant  a quitté notre centre de gestion de l’Ebola à Bo, les coordinateurs de la réponse locale étaient consternés: ils ne savaient pas qu’il y avait un nombre si important de survivants.

Si ces coordinateurs, au cœur des activités de réponse à l'épidémie, ne le savaient pas, alors les communautés ne le savaient certainement pas non plus.

Quand ils s'en sont rendus compte, les coordinateurs, les travailleurs communautaires et MSF ont conjointement organisé des émissions radio  pour diffuser le message à travers le district.

Les modes d'apprentissage communautaire

Alors, comment pouvons-nous nous assurer que nous communiquerons mieux à l'avenir?

Tout d'abord, l'épidémie en Afrique de l'Ouest n’a pas encore cessé. Il ya encore un travail urgent à faire, en particulier la lutte contre la stigmatisation que connaissent les survivants – des recherches anthropologiques rapides sont nécessaires ici pour comprendre la nature du problème, le comment et le pourquoi.

Les résultats doivent ensuite être utilisés pour façonner les méthodes et le contenu de nos communications.

Il n'y a pas de temps à perdre. Ce problème n’est pas théorique ou académique: les survivants en Sierra Leone sont confrontés à la discrimination, au manque d’abri et à l'isolement au moment où vous lisez ces mots.

Ensuite, nous pouvons nous tourner vers de futures épidémies.

On pourrait parvenir à une meilleure participation de la communauté en mettant en place des moyens pour partager rapidement les bonnes pratiques et les nouvelless connaissances acquises, aux niveaux local et national.

Cela permettrait d’améliorer la situation non plus à petits pas mais à pas de géants.

En Sierra Leone, les districts transmettent régulièrement des données sur les épidémies jusqu'au niveau national où elles sont analysées, résumées et ensuite rapidement diffusées de nouveau à tous les districts et aux organismes sur le terrain.

Un canal parallèle pour les communications et la diffusion de nouvelles connaissances en matière d’action communautaire serait faisable, en temps réel.

Il nous faut juste la volonté de le faire.

Rosamund Southgate est une chef de service de santé publique  du NHS détachée à l'Unité de Manson de Médecins Sans Frontières (MSF, R-U).

Cet article fait partie de notre Dossier intitulé  : La gestion des crises sanitaires après la Ebola.