04/03/09

Changements climatiques: il faut impliquer l’Afrique

Climate change With Agriculture
Le MDP ne soutient pas la technologie de la thermie solaire Crédit image: Flickr/CGIAR Climate

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Selon Araya Asfaw, pour que l'Afrique s'adapte efficacement aux changements climatiques, il faudra revoir les règles du jeu à Copenhague.

L'Afrique est le continent le plus affecté par les changements climatiques, or il n'a pas tiré grand chose des négociations précédentes sur les changements climatiques.

En théorie, le Protocole de Kyoto devrait offrir à l'Afrique sub-saharienne un moyen de sortir du piège de la pauvreté grace a la promotion d'un développement qui lui est propre et un minimum d'impacts sur l'environnement.

Mais les motivations financières qui lui permettraient de s'engager dans cette voie, en particulier le Mécanisme de développement propre (MDP), ne sont pas favorables à la situation qui prévaut en Afrique. Seule une poignée de projets sur le continent bénéficie, en effet, d'un financement du MDP et presque tous ces projets sont basés en Afrique du sud.  

Le MDP permet aux pays ayant pris l'engagement de réduire leurs émissions conformément au Protocole de Kyoto d'investir dans des projets destinés à réduire les émissions dans des pays en développement au lieu de rechercher des solutions locales plus onéreuses.

Ces projets peuvent également gagner des crédits de réduction des émissions vendables qui peuvent être utilisées dans le cadre des objectifs de Kyoto.

Il vise à stimuler le développement durable, tout en permettant aux pays industrialisés d'être flexibles par rapport au respect de leurs objectifs sur  les émissions.

Mais il n'encourage pas le bon comportement. Par exemple, il ne soutient pas la protection des forêts primaires, mais uniquement la reforestation et le boisement.

Il faut abattre les forêts et les replanter pour bénéficier du financement du MDP.
 

Etendre le réseau


Plus important encore, le MDP ne soutient pas les projets d'extension de réseaux électriques avec des sources d'énergie propres tels que le vent, l'énergie hydroélectrique, l'énergie solaire ou l'énergie géothermique –   prétendant que l'extension ne remplace pas le combustible sale.

Or, en Afrique, plus de 90 pour cent des approvisionnements en énergie proviennent du brûlage non viable de la biomasse.

“Des technologies viables tels que les vecteurs d'énergie renouvelables de pointe et les poêles : voilà ce dont l'Afrique a besoin pour satisfaire ces besoins fondamentaux.”

Araya Asfaw

Bien que de petite taille, le réseau électrique coordonné en Afrique est propre. Ici, l'électrification supplante en fait le combustible traditionnel qui est sale.  

L'Afrique possède un grand potentiel d'énergies propres – elle est abondamment éclairée par le soleil et recèle de nombreuses sources d'énergie hydroélectrique non exploitées.

Par exemple, le fleuve Congo qui représente presque 30 pour cent des réserves d'eau de surface de l'Afrique, pourrait générer potentiellement une puissance de 400 000 mégawatts.

La bonne association des énergies solaire et hydroélectrique pourrait satisfaire 80 pour cent des demandes d'électricité du continent. Mais pour l'exploiter, il faut investir dans les technologies et les infrastructures appropriées à cet effet. 

Les européens étudient actuellement la possibilité de produire de l'électricité avec la technologie de la thermie solaire en Afrique du nord, de l'importer et de la connecter au réseau.

Mais parce que le MDP ne soutient pas la technologie de la thermie solaire, l'Afrique ne peut s'engager seule dans cette voie.

Comme l'ont montré de nombreuses études, le vent et l'énergie hydroélectrique sont également complémentaires – lorsque les niveaux d'eau sont bas, les vitesses des vents sont grandes.

Les technologies qui associent les deux seraient efficaces si elles étaient connectées au réseau mais, une fois de plus, le MDP ne soutiendra pas les investissements sur ces technologies.

Il ne soutiendra pas non plus les centrales électriques de cogénération utilisant les biocarburants, si elles sont connectées au réseau.

En Afrique, la majorité de ces centrales sont situées très loin des lieux où la demande est réelle et ne sont utiles que si elles sont connectées au réseau.

De même, capturer le méthane issu des déchets municipaux solides ou liquides donne le droit de bénéficier des financements du MDP, mais l'électricité produite au moyen du méthane ne donne pas droit au financement si elle est connectée au réseau

Des huiles non comestibles comme le castoréum, l'huile de colza, l'huile de jatrophe ou l'huile de moringa pourraient être utilisées dans les zones rurales en  lieu et place des combustibles traditionnels pour répondre aux besoins des ménages en énergie pour la cuisine, l'éclairage ou même pour faire marcher les pompes à eau.

Mais le coût des technologies et des appareils actuels les met hors de portée des pauvres qui gagnent moins d'un dollar par jour. L'huile végétale est qualifiée pour les financements du MDP si elle est utilisée pour le transport à l'état brut.

Mais l'huile végétale à l'état brut ne satisfait pas aux normes américaines ou européennes du biodiésel et en conséquence personne ne va l'acheter.

Les huiles végétales pourraient permettre de tourner les combustibles fossiles vers l'industrie du ciment mais, une fois encore, elles ne bénéficient  pas du mécanisme de financement  du MDP.
 

Les technologies viables


Les ressources énergétiques nécessaires à l'Afrique pour satisfaire les besoins humains fondamentaux représentent à peine un dixième des besoins par tête dans les pays développés.

Des technologies viables tels que les vecteurs d'énergie renouvelables de pointe et les poêles : voilà ce dont l'Afrique a besoin pour satisfaire ces besoins fondamentaux.

Les scientifiques déterminent les limites jusqu'auxquelles la planète peut  sauver la race humaine de l'extinction.

Les prochaines négociations internationales sur les changements climatiques qui auront lieu à Copenhague en décembre fixeront probablement les objectifs globaux des réductions d'émissions à 20 pour cent.

Et le financement disponible pour les projets d'atténuation des impacts sur l'environnement et d'adaptation risque d'être quatre fois supérieur à celui présenté à Kyoto.

S'il est convenablement investi, il pourrait permettre à l'Afrique de se développer rapidement avec un minimum d'impacts humains sur l'environnement. C'est ce sur quoi devraient porter les négociations sur les changements climatiques.

Mais, à moins d'un changement de règles, l'Afrique sera laissée à l'écart une fois de plus

Araya Asfaw  est le directeur du Centre environnemental régional de la Corne de l'Afrique à l'Université d'Addis-Abeba, en Ethiopie.