01/10/18

Risque de stagnation dans la réduction de la pauvreté

Extreme poverty 2 - Main
Un garçon transportant un jerrican d'eau dans un ruisseau pollué du bidonville de Mathare, à Nairobi, au Kenya. Ce quartier abrite un demi-million de personnes dont la majorité vit dans la pauvreté - Crédit image: Panos

Lecture rapide

  • Les inégalités, en termes de niveau de vie, entre pays africains, s'accentuent
  • Le Nigéria et la RDC sont les plus touchés par l'extrême pauvreté
  • Ces tendances sont en grande partie liées à la croissance démographique

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Dans un rapport dont les conclusions s'appuient sur des estimations de la Banque mondiale et du World Data Lab, la Fondation Bill et Melinda Gates écrit qu'une extrême pauvreté se concentre de plus en plus dans certaines parties de l’Afrique subsaharienne.

Cette situation devrait faire de la réduction de la pauvreté sur le continent "la priorité à l'échelle mondiale, au cours des trois prochaines décennies", écrivent Bill et Melinda Gates dans le rapport Goalkeepers, publié dans la perspective d'une rencontre, le 26 septembre, avec des chefs d'État et d'autres invités, en marge de l'Assemblée générale des Nations unies, à New York.

Le message fait écho aux avertissements contenus dans le rapport 2018 sur la sécurité alimentaire, également publié le mois dernier par les agences des Nations Unies, qui font état d'un inversement récent de la baisse du nombre de personnes affectées par la faim dans le monde.

“Pour être franc, les effets des décennies de progrès remarquables dans la lutte contre la pauvreté et la maladie pourraient être sur le point de s'estomper.”

Bill et Melinda Gates

L'initiative Goalkeepers est une campagne de la fondation pour accélérer les progrès vers la réalisation des objectifs de développement durable.
 
Après un premier rapport optimiste publié l’année dernière, la campagne avertit à présent que l’extrême pauvreté – terme utilisé pour caractériser la condition de toute personne vivant avec moins de 1,90 dollar par jour, soit environ 1000 Francs CFA – pourrait commencer à augmenter d’ici 2050, une tendance qui sape les progrès vers les ODD.

"En d’autres termes, des décennies de progrès remarquables dans la lutte contre la pauvreté et la maladie pourraient être sur le point de s’estomper", déclarent Bill et Melinda Gates. "Si les tendances actuelles se confirment, le nombre de pauvres dans le monde cessera de diminuer et pourrait même commencer à augmenter", ajoutent-ils.

Les auteurs mettent cette situation sur le compte d'une croissance démographique rapide dans certains des pays les plus pauvres, en particulier en Afrique subsaharienne, et concluent que la solution consiste à investir dans la jeunesse. "Le sort du grand nombre de jeunes [en Afrique] sera le facteur le plus déterminant de la progression du monde vers les objectifs de développement durable."

Le rapport estime que cette situation est liée au fait que la population africaine est en pleine croissance, alors que celle du reste du monde se réduit, et les investissements en capital humain ont déjà fonctionné pour d’autres pays. Tandis que les jeunes gens peuvent avoir moins d'opportunités dans des pays en proie à une série de problèmes, de l'instabilité politique au changement climatique, en passant par les taux élevés de malnutrition, ils peuvent également stimuler la croissance économique. "Ce sont les militants, les innovateurs, les dirigeants et les travailleurs du futur", déclare le rapport.

Un ensemble différent de prévisions pour 2030, publié plus tôt cette année par le World Data Lab, a marqué la tendance générale. Son analyse montre que l’ODD No 1 – "Mettre fin à la pauvreté sous toutes ses formes, partout" – deviendra de plus en plus difficile à réaliser, en particulier en Afrique subsaharienne. "Dans notre modèle, à l’horizon 2030, le taux de [réduction de la pauvreté] est en train de baisser et il est presque au point mort", déclare Kristofer Hamel, directeur de l’exploitation du World Data Lab.

Martin Hofer, spécialiste des données au World Data Lab, affirme pour sa part que l’âge est un facteur important, tout comme le genre et l’éducation, et que l’investissement dans l’éducation des jeunes a un double impact. "Premièrement, cela améliore les taux de croissance d’un pays, simplement parce qu’un capital humain plus élevé est toujours favorable à la croissance. Et, parallèlement, l’éducation des femmes réduit le taux de fécondité."
 
Une mise à jour des statistiques sur la pauvreté de la Banque mondiale, également publiée cette semaine, fait état de tendances mondiales similaires jusqu'en 2030.

Elle explique ce changement par une baisse moins soutenue des taux de pauvreté, nourrie par un déplacement des points de concentration des personnes pauvres : des régions de forte croissance économique (Asie de l'est et Asie du Sud) vers des régions de faible croissance.
Selon les prévisions de la Banque, près de neuf personnes extrêmement pauvres sur dix vivront en Afrique subsaharienne d’ici à 2030.

Selon le World Poverty Clock du World Data Lab, qui montre comment la pauvreté change en temps réel, le Nigeria a déjà dépassé les plus pauvres du monde en juin et la RDC devrait dépasser l'Inde l'an prochain, avec plus de 60% de sa population vivant avec moins de 1,90 dollar par jour.

La République démocratique du Congo (RDC) et le Nigéria sont également sous le feu des projecteurs de la fondation Gates. Son analyse prédit que les deux pays hébergeront 40% de la population extrêmement pauvre du monde d'ici 2050.

Les deux analyses s'accordent également pour dire que l'Éthiopie est une réussite : un pays en passe de devenir le premier pays d'Afrique subsaharienne à atteindre l'ODD No 1 d’ici 2050 ou avant 2030, selon le modèle.

Parallèlement à d'autres réussites telles que la Tanzanie, cela témoigne de la diversité entre les pays du continent et au sein de ceux-ci.

Alors que les optimistes voient une Afrique en plein essor, évoluant vers la prospérité et attirant les entreprises, le contexte de pauvreté grandissante mis en lumière dans les avertissements de cette semaine laisse présager de profondes inégalités là où la croissance induite par l’exploitation des ressources naturelles n’a pas permis de réaliser des gains en termes de bien-être humain.