19/10/12

Les capacités maliennes de lutte contre les acridiens entravées par le conflit

Les criquets pèlerins risquent de détruire les cultures au Mali. Crédit image: Flickr/CGIAR Climate

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[ABIDJAN] Selon les experts, le Nord du Mali pourrait faire face, dans les semaines à venir, à de fortes invasions acridiennes. Les combats et l’instabilité récents ont en effet fragilisé la capacité de cette région à détruire les insectes.

Le Fonds des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a lancé le 12 octobre dernier une alerte contre les criquets du désert, affirmant que des essaims ont été repérés au Tchad et que d’autres pourraient bientôt commencer à se former au Niger et au Mali. L’on redoute que ces criquets ne deviennent une menace pour la sécurité alimentaire, avec des conséquences négatives pour le secteur éducatif déjà fragile dans la région.

Selon Fabaka Diakité, coordonnateur du Centre national de lutte contre le criquet pèlerin (CNLCP), les récents affrontements, avec des hommes armés fuyant la Libye, notamment les rebelles Touareg et les groupes islamistes, ont pratiquement réduit à néant toutes les capacités du Nord Mali à prévenir les invasions dévastatrices de criquets.

Les laboratoires et les stations de recherche ont tous été détruits, ainsi que les systèmes de prévention et d’alerte pour les invasions. La région est moins à même de distribuer les insecticides aux communautés locales, et l’instabilité a réduit la capacité d’action de la Libye, un pays qui arrête habituellement la migration vers le Sud des essaims de criquets pèlerins,

Selon le CNLCP et la FAO, le pays est sous la menace d’une nouvelle invasion depuis le début du mois de septembre. Des essaims ont été détectés dans la région de Kidal, dans le Nord Mali. L’alerte de la FAO indique que les essaims détectés au Tchad devraient prendre la direction du Nord et de l’Ouest à partir du Tchad, du Mali, et du Niger, pour atteindre les régions Ouest et Centre de la Libye, le Sud et le centre de l’Algérie et le Nord-ouest de la Mauritanie après la mi octobre.

Quelques essaims pourraient atteindre l’Ouest de l’Algérie, le Sud du Maroc et l’Ouest du Sahara. Le risque se présente aussi que quelques essaims se dirigent vers les régions agricoles du Centre et de l’Ouest du Mali.

Les criquets pèlerins, qui peuvent consommer chaque jour l’équivalent de leur poids en vivres fraîches, risquent de fragiliser davantage la sécurité alimentaire dans le Nord du Mali, où les pénuries alimentaires dues au récent conflit ont plongé des milliers de personnes dans la famine.

Le gouvernement veut collaborer étroitement avec les populations du Nord pour nettoyer les zones infectées, et acquérir de nouveaux équipements pour faciliter le processus.

Moussa Léo Sidibé, ministre malien de l’Agriculture, de l’élevage et des pêches, affirme qu’il faut 1,8 milliard de francs CFA (3,5 millions de dollars) à la région pour mener à bien cette opération.  

La dernière invasion de criquets qui a durement frappé la région, en 2004, a causé d’énormes pertes dans les cultures, rappelle le directeur du CNLCP, Fabaka Diakaté,

Et l’impact des invasions de criquets dépasse la seule sécurité alimentaire, selon un article publié récemment par les chercheurs de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et l’Institut national des statistiques du Mali (INSTA).

L’étude révèle que les invasions de criquets au Mali pendant la période 1987-1989 a eu des effets négatifs au long terme, dans les villages, sur les taux de fréquentation scolaire pour les enfants nés pendant la période d’invasion et que ces enfants-là ont étudié moins longtemps et obtenu des résultats médiocres.

Selon Seydou Moussa Traoré, Directeur général de l’INSTA, les filles ont été retirées des écoles plus tôt que leurs camarades garçons, et les taux d’inscription dans les écoles primaires des villages ont chuté de 25 à 18 pour cent pour les garçons, et de 15 à 11 pour cent pour les filles.

L’étude révèle également que les pénuries alimentaires résultant des invasions de criquets ont un impact sur l’état nutritionnel des jeunes enfants et des femmes enceintes, avec un effet d’entraînement sur les résultats scolaires. Les enfants des agriculteurs touchés par les invasions risquent aussi d’abandonner leurs études à cause de l’absence de moyens financiers qui réduit leurs chances d’être éduqués.