28/07/21

Une nouvelle voie pour contourner la résistance des microbes aux antibiotiques

Microbes
Crédit image: Berkeley Lab, CC BY-NC-ND 2.0

Lecture rapide

  • L’approche consiste d’abord à identifier les protéines qui déterminent la virulence des microbes
  • Ensuite, trouver le moyen de renforcer les cellules hôtes pour qu’elles ne soient plus vulnérables
  • Selon l’OMS, la résistance aux antimicrobiens pourrait faire 10 millions de victimes par an d’ici 2050

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[COTONOU] Des chercheurs du CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) ont identifié des protéines qui déterminent la virulence de toute une famille de bactéries ; offrant désormais un espoir pour la mise en place de nouvelles thérapies immunitaires pour lutter contre l’antibiorésistance.

« Déterminer comment les bactéries attaquent et avec quelles protéines, afin de mettre au point des boucliers adaptés aux cellules visées : c’est l’objectif de l’étude publiée dans PLOS Computational Biology », précise le communiqué de presse publié à ce sujet.

Pour identifier cette protéine, les chercheurs ont utilisé un logiciel développé au sein de l’équipe et qui a été testé sur différentes espèces de bactéries de la famille Anaplasmataceae qui comprend des pathogènes humains.

Ehrlichia ruminantium, une espèce de cette famille, est responsable de la cowdriose, une maladie mortelle chez les ruminants et qui entraîne de lourdes pertes dans l’élevage en Afrique subsaharienne et dans les îles de l’océan Indien et des Caraïbes.

“La voie d’approche que nous avons choisie permet d’imaginer des stratégies de lutte alternatives à l’usage des antibiotiques, surtout avec l’apparition croissante dans le monde des bactéries résistantes qui constituent une menace réelle pour l’humanité dans le futur”

Damien F. Meyer, CIRAD

Les chercheurs ont ensuite comparé les différents répertoires de protéines de virulence de chacune de ces espèces bactériennes afin de déterminer les particularités liées à chaque répertoire.

Ils ont enfin analysé la structure modulaire fonctionnelle de ces protéines, ce qui leur a permis en outre de prédire leurs cibles et leurs fonctions.

« La voie d’approche que nous avons choisie permet d’imaginer des stratégies de lutte alternatives à l’usage des antibiotiques, surtout avec l’apparition croissante dans le monde des bactéries résistantes qui constituent une menace réelle pour l’humanité dans le futur », confie Damien F. Meyer, chercheur au CIRAD et co-auteur de l’étude.

« L’idée est d’avoir une thérapie ciblée sur l’hôte, en renforçant les voies dérégulées par la bactérie (ce qui rendra la bactérie inefficace) et non en mettant une pression sur le pathogène avec une molécule (antibiotique) ; car c’est cela qui fait apparaitre les résistances », poursuit-il.

Ainsi au lieu de détruire les bactéries avec des antibiotiques, on va les laisser attaquer les cellules désormais « avec des balles à blanc ».Interrogé par SciDev.Net, Tokpanou Koudjo, spécialiste des maladies infectieuses et tropicales et chef de la cellule départementale du Conseil national de lutte contre le VIH/sida, la tuberculose, le paludisme et les épidémies (CNLS-TP) du Borgou (nord Bénin), estime que « c’est une solution de révolution. Toutefois, il faut disposer de toutes les informations pour savoir comment les cellules et aussi les bactéries vont se comporter dans cette interaction ».

Il trouve par ailleurs que l’étude représente une « opportunité vis-à-vis du contexte mondial actuel de résistance aux antimicrobiens qui se généralise de plus en plus et menace la survie de l’humanité ».

Ajoutant même que ses résultats « vont permettre de disposer de moyens innovants pour contourner la résistance bactériennes aux antimicrobiens ».

Prochaines étapes 

L’antibiorésistance se caractérise par le fait qu’un microbe qui était précédemment éliminé par un antibiotique utilisé en médecine, dans l’agriculture ou dans l’élevage, se trouve résistant à cet antibiotique.

Selon Tokpanou  Koudjo, l’antibiorésistance « est destructrice, ne donne pas le temps aux patients de réagir face à la résistance antimicrobienne et entraine une augmentation du séjour à l’hôpital et la surconsommation des frais de prise en charge ».

A l’en croire, la plus grande manifestation de l’antibiorésistance est que les maladies qui antérieurement  répondaient bien à un antibiotique, ne guérissent pas, même en cas de prise en charge par ledit médicament.

Selon des prévisions de l’OMS publiées en 2019, la résistance des microbes aux antibiotiques pourrait entrainer jusqu’à 10 millions de victimes par an d’ici 2050.Pour l’instant, Damien F. Meyer explique que « le seul moyen de contenir ce phénomène est de modérer l’usage des antibiotiques et d’utiliser les dernières générations d’antibiotique avec parcimonie et en tout dernier recours ».

Ce dernier souligne même qu’avec une utilisation modérée, certaines bactéries contractées à l’hôpital donnent déjà lieu à des échecs thérapeutiques et que ce phénomène pourra s’accentuer dans le futur.

A en croire les chercheurs, les prochaines étapes de leur travail « sont de valider les cibles de ces protéines afin d’identifier quels sont les points centraux critiques pour le développement intracellulaire de la bactérie. Ensuite, par une approche pharmacologique, de quantifier dans quelle mesure, le renforcement de ces voies apporte une résistance ».

Les chercheurs prévoient d’atteindre ces objectifs d’ici 5 à 10 ans.