11/04/17

Une application pour donner une existence légale aux enfants fantômes

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Crédit image: Adama Sawadogo

Lecture rapide

  • L'ONG Plan estime à 230 millions le nombre d’enfants sans état civil dans le monde
  • Au Burkina Faso, un inventeur a mis au point une application pour résoudre le problème
  • Plusieurs pays africains devraient l’adopter

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Adama Sawadogo, un ingénieur burkinabé spécialiste de la fraude documentaire, a mis au point une application pour enregistrer les naissances d’enfants dans les centres hospitaliers de son pays.
 
L’application iCivil est présentée comme une solution intégrée d’enregistrement des naissances et autres faits d’état civil.
 
Dès sa naissance, le nouveau-né se voit attribuer des données cryptées, à l’aide d’un scellé positionné sur un bracelet à bulles.
 
La sage-femme, grâce à un smartphone doté de l’application iCivil, flashe le code QR [Quick Response Code] sur le scellé à bulles.
 
Apparaît alors un questionnaire permettant de renseigner toutes les informations relatives à la naissance.
 
Une fois l’opération terminée, l’application iCivil envoie un SMS crypté vers un centre traiteur, où le certificat de naissance est délivré sur présentation du bracelet à bulles.
 
L'idée de la conception d'un système d'enregistrement des naissances germe dans l’esprit du concepteur d'iCivil vers la fin des années 2000.
 
Adama Sawadogo dit s’être rendu compte tôt qu’en Afrique, les contrefaçons et falsifications de documents (financiers, académiques, juridiques…) prennent en partie leur source dans les carences de l’état civil.
 

“Complètement absents de l’état civil de leurs pays, certains citoyens juridiquement invisibles aux yeux de la société, n’ont d’autres solutions que d‘accéder à de faux documents.”

Adama Sawadogo
Inventeur d'iCivil

"Complètement absents de l’état civil de leurs pays, certains citoyens juridiquement invisibles aux yeux de la société, n’ont d’autres solutions que d‘accéder à de faux documents (permis de conduire, carte d’identité, titre de propriété, carte santé, etc.) pour prendre part à la vie de tous les jours", explique-t-il à SciDev.Net.
 
Il dit avoir ressenti l’urgence d’agir, en 2010, lorsqu’il a touché du doigt la problématique des déficiences de l’état civil.
 
"C’était lors de l’ouverture d’une école que j’ai construite au profit des enfants d’un village reculé, celui de ma mère", se souvient-il.
 
"Je me suis rendu compte à l’occasion que moins de 5% des enfants avaient un acte de naissance !"
 
Puis lors de la conduite d’une étude commanditée par la Banque Mondiale sur les moyens de lutte contre la contrefaçon, Adama découvre l’ampleur du phénomène des "enfants fantômes" à l’échelle de l’Afrique.
 
Le cas de ce village du Burkina n’était en fait que l’arbre qui cachait la forêt, à l’échelle du continent.
 
Entre-temps, Adama Sawadogo fait la connaissance de la société Prooftag, spécialisée, entre autres, dans la sécurité documentaire.
 
L’inventeur prend alors langue avec le concepteur de Prooftag, Francis Bourrières, qui accepte de collaborer.
 
La solution Prooftag présente l'avantage d'offrir des garanties de sécurité essentielles pour assurer le succès de l’iCivil : unicité, authenticité, intégrité et traçbilité du document, tout au long de son cycle de vie.
 
Au bout de trois ans et demie de recherche et développement, le bébé est né et la solution iCivil est soumise au test dès 2015.
 
Féru de nouvelles technologies, le ministre burkinabé du développement de l'économie numérique, Nébila Amadou Yaro, a immédiatement saisi l’intérêt de l’invention, y percevant une opportunité pour résorber la question de l’identification des nouveau-nés.
 
Adama Sawadogo, pour sa part, espère convaincre plusieurs pays africains qui font face aux difficultés d’enregistrement des naissances, d’adopter sa solution.
 
"iCivil a été pensée pour toute l’Afrique car tous les Etats africains sont dans la même difficulté et ce qui est fait au Burkina Faso est transposable partout sur le continent", a-t-il déclaré à SciDev.Net.
 
Dans sa ligne de mire : l’ensemble des pays africains – des discussions devraient bientôt s’engager avec le Bénin, voisin du Sud, pour lequel l’invention présente un certain intérêt.
 
En visite dans une maternité bénéficiant du programme iCivil, la secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), Michaëlle Jean, a salué une invention susceptible de "mettre fin à une situation terrible qui grève lourdement toute velléité de développement."
 
Selon l’ONG Plan International, plus de 230 millions d’enfants fantômes errent dans les rues et hameaux du monde entier.
 
Au Burkina Faso, ils représentent, selon les autorités, 21% des enfants âgés de moins de cinq ans, soit environ 1 million de jeunes enfants.
 
Ces enfants naissent avec le lourd handicap de ne pas être officiellement reconnus par la société ; bien souvent, ils ne sont pas admis à l’école, n’ayant pas d’acte de naissance.