13/07/21

Un million de filles africaines « pourraient ne jamais retourner à l’école »

Schools in Kabkabiya
Une leçon dans une salle de classe surpeuplée. Crédit image: Albert González Farran, UNAMID, CC BY-NC-ND 2.0

Lecture rapide

  • Avant la COVID-19, les filles africaines étaient plus susceptibles que les garçons d'abandonner l'école
  • Mais la pandémie a en outre poussé plus d'un million de filles à abandonner l'école
  • L'Afrique peut perdre une décennie de progrès en matière de développement si le problème n'est pas résolu

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[NAIROBI] D’après un récent rapport, environ un million de filles en Afrique subsaharienne pourraient ne jamais retourner à l’école après être tombées enceintes en raison des fermetures d’écoles liées à la COVID-19. Une situation qui pourrait compromettre la croissance du continent.

Le rapport du Forum Ibrahim met en évidence les défis liés à la COVID-19 auxquels l’Afrique est confrontée, notamment une augmentation de la violence sexuelle et sexiste, une pression sur des services de santé déjà faibles, une instabilité croissante et des difficultés économiques.

Le rapport publié ce mois de juillet souligne que les fermetures d’écoles ont un impact négatif sur la socialisation des filles, l’accès aux services de santé sexuelle et reproductive et aux espaces sûrs.

Il indique que les filles deviennent vulnérables à la violence et à l’exploitation sexuelles, aux mutilations génitales féminines (MGF), au mariage forcé et aux grossesses précoces.

“Le rapport du Forum Ibrahim montre comment les fermetures d’écoles risquent d’élargir les inégalités d’apprentissage existantes”

Camilla Rocca, Fondation Mo Ibrahim

« Le rapport du Forum Ibrahim montre comment les fermetures d’écoles risquent d’élargir les inégalités d’apprentissage existantes », explique Camilla Rocca, responsable de la recherche à la Fondation Mo Ibrahim.

« Déjà en 2019, il y avait un écart de 3,9 points de pourcentage entre le taux de filles et celui de garçons non scolarisés en Afrique subsaharienne », ajoute-t-elle.

Cette analyse, explique Camilla Rocca, est basée sur des données telles que la scolarisation et les taux de grossesse chez les adolescentes.

Les appels à rester à la maison pendant la pandémie ont déclenché une augmentation de la violence contre les femmes et les filles à travers le monde, note la chercheure.

Ajoutant que « cela se produit à un moment où l’accès au soutien et aux services d’urgence pour lutter contre les violences basées sur le genre et le sexe ont diminué en raison de la pandémie et des restrictions qui y sont liées. »Camilla Rocca indique à SciDev.Net que dans une enquête menée auprès de 1 056 femmes au Burkina Faso, au Tchad, au Mali, en Mauritanie, au Niger et au Sénégal, près de 41% des personnes interrogées ont signalé des incidents de violence domestique avant la pandémie, alors que ce chiffre est passé à plus de 52% pendant la COVID-19.

Le rapport présente une feuille de route pour se remettre durablement de la COVID-19 en Afrique, notamment le renforcement de la collaboration, la priorisation des jeunes et la défense de la bonne gouvernance.

Tijani Salami, un médecin défenseur de la santé et des droits sexuels et reproductifs au Nigeria, affirme que les femmes subissent de plein fouet les conséquences socio-économiques de la COVID-19.

« Le mariage des enfants est répandu en Afrique subsaharienne », explique ce dernier qui est un bénéficiaire de la bourse Aspen New Voices.

« Environ 43% des filles au Nigeria se marient avant l’âge de 18 ans. Les impacts de la COVID-19 pourraient aggraver cette pratique avec des conséquences sur leur santé, dit-il.

La bourse New Voices de l’Aspen Institute est un programme non résidentiel d’un an qui offre une formation intensive aux médias et au plaidoyer pour les experts en développement de première ligne.Tammary Esho, directrice du Centre d’excellence d’Amref Health Africa pour mettre fin aux mutilations génitales féminines, affirme que la pandémie a exacerbé les pratiques néfastes consistant à couper ou à blesser délibérément les organes génitaux féminins dans des pays comme l’Éthiopie, le Kenya, le Sénégal et l’Ouganda.

« Les femmes et les filles constituent un énorme capital humain et cela aura un impact négatif sur l’Afrique qui pourrait perdre jusqu’à une décennie de progrès en matière de développement si la question des violences basées sur le genre ne sont pas traitées », dit-elle.

La pandémie appelle à des approches innovantes pour renforcer et soutenir les systèmes sociaux, économiques, de santé et de justice pour la prévention des urgences publiques et la préparation aux interventions, ajoute Tammary Esho.

Elizabeth Anne Bukusi, scientifique principale en recherche clinique à l’Institut de recherche médicale du Kenya, déclare pour sa part que la COVID-19 a démontré le manque d’attention aux services de santé promotionnels et préventifs qui sont essentiels pour atténuer la pandémie.

La reprise nécessitera un accès aux vaccins anti-COVID-19 pour lesquels l’Afrique est en queue de peloton, et un cadre pour aider à augmenter la capacité de la région à faire face aux crises futures, selon cette dernière.

« L’Afrique doit également repenser les priorités et les investissements dans les soins de santé de ses citoyens [et] dans la recherche afin de parvenir à la santé et au bien-être de ses citoyens », ajoute Elizabeth Anne Bukusi.

La version originale de cet article a été produite par l’édition anglophone de SciDev.Net pour l’Afrique subsaharienne.