20/04/21

Togo : se vacciner contre la COVID-19 ou perdre son emploi

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La mesure s'applique surtout au personnel des hôtels de Lomé, la capitale. Crédit image: SebEsteban (CC BY-SA 4.0)

Lecture rapide

  • La mesure s'applique au secteur hôtelier qui constitue une porte d’entrée du nouveau coronavirus
  • Soutenue par le Conseil scientifique, elle s’appuie sur des dispositions du code de la santé publique
  • Les défenseurs des droits de l’homme crient à la violation du caractère volontaire de cette vaccination

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[LOME] Dans une note rendue publique, le 02 avril 2021, le ministre togolais du Tourisme et de la culture, Kossi Lamadokou, invite les responsables d’hôtels et leurs personnels à se faire administrer le vaccin AstraZeneca pour lutter contre la COVID-19.

Kossi Lamadokou souligne le caractère à haut risque des contaminations dans le secteur hôtelier, qui, selon ses dires, constitue une porte d’entrée par excellence du nouveau coronavirus.

La décision a été prise au cours d’une réunion avec le Conseil scientifique. Komi Adjo, membre de cette institution, précise que la note du ministre se fonde sur le Code de la santé publique togolais.

“Si pour une vaccination qu’on dit libre et volontaire, on met des gens en congé technique parce qu’ils ne se sont pas vaccinés, je pense qu’il y a une contradiction”

Godwin Etsè, CDFDH

Interrogé par SciDev.Net, il affirme qu’il y a un article qui stipule qu’en période d’épidémie grave dans des zones à risques, l’Etat peut décider de rendre un vaccin obligatoire. »

A son article 66 en effet, ledit code dispose que « le ministre chargé de la santé rend obligatoire dans les zones menacées par une épidémie la vaccination contre l’affection en cause lorsqu’il existe un vaccin efficace. »

Et l’article 67 de renchérir : « Toute personne qui exerce une activité professionnelle l’exposant à des risques de contamination doit être obligatoirement vaccinée ».

Komi Adjo se défend dès lors en soulignant que « ceux qui travaillent dans le secteur hôtelier sont exposés. C’est des gens qui reçoivent des personnes, venant d’autres pays ; et avec les variants qui circulent, s’ils font la maladie, surtout la forme contagieuse, ils vont contribuer à disséminer d’autres variants, ce qui sera un gros problème de santé ».Aussi la note du ministre togolais du Tourisme et de la culture met-elle en garde les membres du personnel des hôtels qui ne se feront pas vacciner.

« Tout en conciliant le caractère libre et volontaire de l’acte de vaccination et l’obligation de rompre à tout prix la chaine de contamination et de diffusion du virus, je demande aux responsables des hôtels de mettre en congé technique jusqu’à la fin de la pandémie, tout agent qui refuserait de se faire vacciner », prescrit Kossi Lamadokou dans la note.

Le gérant d’un hôtel de Lomé, approuve l’idée du gouvernement. « Notre structure est très exposée à cette pandémie. Puisque c’est nous qui recevons les clients. Si l’Etat trouve un moyen de nous faire vacciner c’est une bonne initiative. Et nous devons respecter ce que la note dit. Tout agent qui refuserait de se faire vacciner devra être mis en congé technique », confie-t-il.

Contradiction

Par contre, les organisations de la société civile, les syndicats de travailleurs et les organisations de défense des droits de l’homme désapprouvent cette idée.

Kossi Ségbéaya, le secrétaire général du syndicat des tenanciers de bars et restaurant du Togo, soutient que cette décision remet en cause le caractère libre et volontaire de la vaccination.

« Quand on met quelqu’un en congé technique, c’est qu’on oblige la personne à se faire vacciner. Or la vaccination est libre et volontaire. Si nous nous basons sur ce fait, on dit donc de choisir entre ton pain quotidien et un licenciement. On te force à te faire vacciner. Parce qu’il y a ton travail qui est en jeu. La vaccination n’est plus libre et volontaire », analyse-t-il.Le directeur exécutif du Centre de documentation et de formation sur les droits de l’homme (CDFDH) partage cet avis. Pour Godwin Etsè, la note du ministre a une connotation obligatoire qui n’est pas directement exprimée.

« Le ministre a rappelé le caractère libre et volontaire de la vaccination. Si pour une vaccination qu’on dit libre et volontaire, on met des gens en congé technique parce qu’ils ne se sont pas vaccinés, je pense qu’il y a une contradiction », dit-il.

« Quand on analyse le concept de mise en congé technique, dans le code du travail, se faire vacciner ne figure pas dans les conditions de son application », ajoute Godwin Etsè.

Si le spécialiste en question des droits de l’homme reconnait que « nous sommes en période d’état d’urgence et qu’on ne peut pas exiger que les choses se fassent ordinairement », il pense tout de même qu’« il y a une contradiction qu’il faut dissiper ».

La vaccination contre la COVID-19 est effective au Togo depuis le 10 mars 2021. La cheffe du gouvernement Victoire Sidémého Tomegah Dogbé et ses ministres ont été les premiers à recevoir leurs doses du vaccin AstraZeneca.

La campagne de vaccination se poursuit avec les cibles prioritaires que sont le personnel soignant et les personnes âgées.