04/10/13

Edition en accès libre : la revue Science dénonce un ‘Far West’

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Crédit image: Wordle

Lecture rapide

  • Un article de la revue Science a exposé la faible qualité de nombreuses autres revues en libre accès
  • Plus de 80% des revues indiennes testent et approuvent des documents imparfaits
  • Ces avis positifs étant généralment axés sur la mise en page, le formatage et la langue du papier

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[LONDRES] Une enquête menée par la revue Science a donné ce 3 octobre le premier aperçu mondial de la mauvaise qualité de l’évaluation scientifique par les pairs dans les revues à accès libre, dont un grand nombre sont basées dans les pays en développement, notamment l'Inde, les qualifiant de "Far West émergent dans le domaine de l'édition académique."

Le journaliste scientifique John Bohannon a soumis des versions d’un même document fantaisiste publié par des chercheurs factices à 304 journaux à travers le monde, entre les mois de janvier et août. Il a constaté que "plus de la moitié des revues ont accepté le document, sans faire attention à ses graves lacunes."

"Tout critique avec un niveau de connaissances supérieur à celui d’une haute école de chimie et la capacité de comprendre une représentation élémentaire de données, aurait immédiatement repérer les lacunes du document", écrit la revue. "Les expériences auxquelles il se réfère comportent des failles tellement désespérantes que les résultats n'ont pas de sens", poursuit-elle.

Les revues ont été choisies parmi une liste de publications crédibles en libre accès recueillie dans  le Répertoire des revues en libre accès et une liste controversée des "éditeurs prédateurs" compilée par Jeffrey Beall, bibliothécaire à l'Université du Colorado à Denver, aux États-Unis.

Le faux document lui-même a porté sur une molécule qui avait apparemment été isolée à partir de lichen et aurait la propriété d’inhiber la croissance d'un certain type de cancer.

Les auteurs et leurs affiliations étaient issus du fruit de l’imagination des responsables de l’enquête et leurs noms soigneusement choisis pour leur donner une connotation africaine.

"Sur les 255 documents soumis au processus intégral d'édition en vue d’une acceptation ou d’un rejet, environ 60 pour cent des décisions finales ont été prises sans aucune indication d’une évaluation par les pairs", explique encore la revue Science. En ce qui concerne les études acceptées, ajoute la revue, "les documents ont probablement été entérinés sans être lus."

Même dans les situations où les documents ont été soumis à une évaluation par les pairs, le processus s’est concentré exclusivement sur la mise en page, le formatage et le niveau de langue. Seulement 36 des 304 soumissions ont reconnu l'un quelconque des problèmes scientifiques posés par les études – et 16 "ont été acceptés par les éditeurs, en dépit de critiques accablantes."

Environ un tiers des revues ciblées par l’opération sont basées en Inde, la capitale mondiale des éditeurs en accès libre. Soixante-quatre des titres indiens ont accepté le papier défectueux et seulement 15 l'ont rejeté, faisant de ce pays le moins performant en matière de contrôle scientifique, juste devant les Etats-Unis.

Même si, dans le monde en développement, les revues disposent de rédacteurs et possèdent des comptes bancaires, la société qui récolte finalement les bénéfices est parfois basée aux Etats-Unis ou en Europe, note encore la revue Science.
 
Toutefois, Hindawi, un éditeur en accès libre basé au Caire, en Egypte, avec une équipe éditoriale forte de 1000 personnes traitant plus de 25.000 articles par an à partir de 559 revues, a réussi le test. Deux de ses revues ont rejeté le document.

Plus tôt cette année, SciDev.Net avait écrit un article sur les pratiques douteuses de certaines revues à la recherche de gains faciles, plutôt que de la promotion d’une recherche scientifique soumise à l’évaluation par les pairs, qui ont pris pour cible les chercheurs dans le monde en développement.

"Les avantages – financiers et professionnels – obtenus grâce à ces publications devraient être retirées à leurs auteurs", a déclaré un expert à SciDev.Net.
Et d’ajouter : "Les gros poissons, en particulier, doivent être traduits en justice."
 
Lien vers l'article intégral dans la revue Science (en anglais)
 
Lien vers une carte interactive dans la revue Science (en anglais)