14/07/20

Quelle solution énergétique pour l’Afrique de l’Ouest ?

Hydopower plant Gui (Ghana)
La centrale hydroélectrique de Gui au Ghana. Crédit image: Sebastian Sterl

Lecture rapide

  • Des chercheurs suggèrent aux pays de la région d’adapter leurs réseaux à l’usage de ces trois sources
  • En réduisant la part des énergies polluantes, cela permet aux Etats de mutualiser leurs potentialités
  • Les experts de la sous-région trouvent cette approche peu viable sur le plan financier et opérationnel

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Une étude basée sur une modélisation informatique propose une association des énergies hydroélectrique, éolienne et solaire pour satisfaire les besoins énergétiques de l’Afrique de l’Ouest.
 
« Le potentiel de production d'électricité basée sur l'énergie solaire et éolienne, soutenue par une énergie hydraulique distribuée de manière flexible, augmente de plus de 30% lorsque les pays peuvent partager leur potentiel au niveau régional », écrivent les auteurs de l’étude.
 
Ainsi, les pays à climat tropical (Ghana, Côte d'Ivoire) qui ont un bon potentiel hydroélectrique et un rayonnement solaire assez élevé se complèteront avec les pays les plus secs (Sénégal, Niger) qui n'ont pratiquement aucune possibilité d'hydroélectricité, mais reçoivent plus de soleil et de vent. 

“Le conseil qui nous est donné d´aller au tout renouvelable n´est pas le meilleur. Il nous rendra toujours peu compétitifs ; car nos énergies seront toujours chères”

Vincent Nkong-Njock, université Cheikh Anta Diop, Sénégal 

Pour Sebastian Sterl, enseignant-chercheur au Vrije Universiteit Brussel (université libre de Bruxelles)  en Belgique et l’un des auteurs de l’étude, le fait que le réseau électrique soit encore en développement en Afrique de l’Ouest constitue une opportunité.
 
Selon ses explications, les énergies solaire et éolienne exigent que les réseaux électriques soient adaptés pour tenir compte de leur variabilité à l’échelle horaire et saisonnière et en fonction de la météo.
 
« Cela veut dire que l’Afrique de l’Ouest aurait l’opportunité de planifier l’expansion de ses réseaux en prenant en compte l’intégration des ressources solaire et éolienne dès le début ; une opportunité que l’Europe et l’Amérique du Nord n’ont pas eue », explique le chercheur.
 
Sebastian Sterl qui enseigne aussi à l'université KU Leuven en Belgique se félicite de ce fait de l’existence du « West African Power Pool » (WAPP), le système d’échanges d’énergie électrique ouest-africain (EEEOA), créée en 1999 et ayant son siège à Cotonou au Bénin.
 
Les questions que SciDev.Net a adressées à cette institution sont restées sans réponses. Mais, son site web indique qu’elle a pour ambition d’intégrer les réseaux électriques nationaux dans un marché régional unifié de l'électricité.
 

« Symbiose naturelle »

En revanche, Léopold Ruppert, spécialiste des énergies durables au département des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique à la Banque africaine de développement (BAD), reconnaît qu’il existe « une symbiose naturelle » entre les trois systèmes.
 
Il fait remarquer que la vitesse du vent atteint son maximum le matin et le soir tandis que l'irradiation solaire culmine à midi.
 
« Un certain rapport entre la capacité éolienne et solaire pourrait donc, dans certains cas, entraîner un alignement relatif de l'offre sur le profil de la demande en minimisant le besoin de capacité de production ou de stockage flexible », dit-il.
 
« L'hydroélectricité, avec un réservoir de taille appropriée, peut fournir la capacité flexible nécessaire pour combler les écarts entre l’offre et la demande », ajoute Léopold Ruppert. 
 

 
Cependant, il émet quelques réserves : « l'Afrique de l'Ouest a des vents relativement faibles, ce qui rend l'énergie éolienne financièrement moins viable ; car une plus grande capacité installée serait nécessaire pour produire une certaine quantité d'énergie ».
 
En outre, ajoute-t-il, « l'Afrique de l'Ouest est relativement plate, ce qui présente l'inconvénient que les centrales hydroélectriques inondent des zones étendues, ce qui doit être soigneusement étudié d'un point de vue environnemental et social ».
 
Enfin, relève Léopold Ruppert, les sources d'énergie renouvelables en Afrique de l'Ouest sont soumises à une forte saisonnalité. A tel point que certaines rivières n'ont en saison sèche que 10% de leur débit en saison des pluies.
 
« Il est donc plus difficile de dimensionner correctement le projet et d'obtenir une capacité élevée, ce qui aurait un impact direct sur la viabilité financière des centrales hydroélectriques », conclut l’expert de la BAD.
 

Difficultés

Pour sa part, Vincent Nkong-Njock, enseignant au département de physique de la faculté des Sciences de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar au Sénégal, trouve que si la complémentarité suggérée est « excellente sur le papier », elle va se heurter sur le terrain à des difficultés en termes d’investissement et d’opérationnalité.
 
En effet, explique-t-il, construire les trois systèmes à la fois revient à investir trois fois. En outre, dit-il, de longs réseaux nécessitent des énergies de masse qui sont soit fossiles (charbon, gaz, etc.) soit nucléaires.
 
« L´hydroélectricité peut y être introduite ; mais elle nécessite de très grands barrages. A part en Guinée, en Côte d´Ivoire, au Ghana et au Nigeria, où allons-nous trouver ce potentiel ? » S’interroge cet ancien haut cadre de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) aujourd’hui promoteur d’Ilemel, une société pourvoyeuse de services dans le domaine énergétique.

Solar Energy Niger
Eclairage public à l'énergie solaire au Niger
Crédit image: Sebastian Sterl.

 
En conséquence, « une complémentarité deux à deux est meilleure d´abord pour les petits et mini-réseaux. La mini-hydroélectricité, associée au solaire ou à l´éolien est une option très intéressante pour l´accès universel à l’énergie », préfère Vincent Nkong-Njock.
 
Surtout que pour lui, les énergies renouvelables ne sont pas adaptées au développement industriel, plus compatible avec les énergies fossiles et nucléaires. « Le conseil qui nous est donné d´aller au tout renouvelable n´est pas le meilleur. Il nous rendra toujours peu compétitifs ; car nos énergies seront toujours chères », conclut-il.
 
Et Sebastian Sterl de rassurer en affirmant qu’avec la forte baisse des coûts observée ces dernières années, il est fort probable que l’énergie verte coûtera moins chère que l’énergie fossile d’ici 2030.
 
« En dehors de réduire les émissions de gaz à effet de serre, cela permettra d’éviter les coûts de combustibles d’entrée des centrales thermiques (à l'instar du gaz naturel), car la soleil brille gratuitement, le vent souffle gratuitement, et un réservoir hydraulique se remplit gratuitement », conclut-il.