14/12/20

S’appuyer sur les communautés pour faire accepter le vaccin contre la COVID-19

Community health worker
Un agent de santé communautaire bénévole annonçant un nouveau vaccin dans le village de Derer Ebija en Ethiopie. Crédit image: UNICEF Ethiopia (CC BY-NC-ND 2.0)

Lecture rapide

  • Les agents de santé communautaires ont la confiance des populations et peuvent mieux les sensibiliser
  • Grâce à leur action, certains pays du continent sont déjà prêts à recevoir le vaccin contre la COVID-19
  • Mais, ces travailleurs communautaires doivent être rémunérés à la hauteur de ce rôle qui leur est reconnu

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[DOUALA] Des chercheurs et experts africains pensent désormais que l’implication des communautés est l’une des clés pour surmonter la méfiance et la résistance qu’affichent les populations d’un grand nombre de pays du continent à l’égard du vaccin contre la COVID-19.

A l’instar de celles de la République démocratique du Congo (RDC) où Jean-Jacques Muyembe dénonce l’effet négatif de groupes ou organisations basés en occident et qui propagent de fausses nouvelles pour discréditer les vaccins. « Ces nouvelles sont amplifiées quand elles arrivent en Afrique », regrette le directeur général de l’Institut national pour la recherche biomédicale (INRB).

Du coup, fait savoir l’universitaire, au-delà de travailler avec des relais communautaires qui servent d’intermédiaires entre les services de santé et les populations, il a été mis en place en RDC une commission comprenant des journalistes et des communicateurs qui vont dans les communautés procéder à la sensibilisation pour réduire la résistance des populations.

“L’engagement communautaire est la clé de voûte de la lutte contre les maladies qui n’ont ni médicament, ni vaccin”

Jean-Jacques Muyembe, INRB

Jayne Byakika Tusiime, épidémiologiste au Soroti University en Ouganda, croit d’ailleurs que c’est grâce ce travail d’implication et de sensibilisation des communautés réalisé dans le cadre de la lutte contre le VIH/sida que les populations de ce pays ont généralement confiance dans les vaccins.

« Dans nos communautés, on ne ressent pas d’anxiété. Au contraire les gens veulent même savoir quand est-ce que le vaccin contre la COVID-19 va arriver. Ils sont prêts à le recevoir. Et il existe une stratégie pour les informer lorsqu’il sera disponible », témoigne cette dernière.

Même son de cloche au Libéria où Mosoka Fallah, le directeur du Community Based Initiatives affirme que le taux d’acceptation de ce vaccin contre la COVID-19 est très élevé parce que les populations gardent en mémoire l’expérience de l’épidémie d’Ebola.

« L’inquiétude des populations ici se situe plutôt au niveau de l’approvisionnement. Car, nous craignons qu’avec les multiples brevets requis, ce vaccin n’arrive pas rapidement en Afrique », indique l’intéressé.

Ces experts se sont exprimés lors d’un webinaire organisé le 8 décembre dernier par le Centre de recherches pour le développement international (CRDI) qui inaugurait ainsi une série de conférences sur la COVID-19.

Un échange qui a permis à divers spécialistes africains de souligner une fois de plus le rôle central que doivent jouer les communautés dans la lutte contre la cette pandémie au moment où la quasi-totalité des pays du continent assistent à une soudaine augmentation du nombre des contaminations.

Pour Jean-Jacques Muyembe, « l’engagement communautaire est la clé de voûte de la lutte contre les maladies qui n’ont ni médicament, ni vaccin ».

Porte-à-porte 

Caroline Mbindyo directrice générale d’Amref Health Africa (une ONG basée au Kenya et qui se bat pour un accès équitable aux soins) justifie cette importance par le fait que « les agents de santé communautaires ont la confiance des populations et peuvent faire du porte-à-porte pour sensibiliser sur l’hygiène, la nutrition, etc. ».

Un pays dont l’exemple l’illustre bien est le Libéria. Mosoka Fallah décrit ainsi comment le pays a tiré profit de l’expérience de l’épidémie d’Ebola qui y avait sévi entre 2014 et 2016.

« Dès janvier et février 2020, nous avions commencé à nous préparer pour la COVID-19. En utilisant les réseaux communautaires mis en place à l’occasion de l’épidémie d’Ebola, nous avons mobilisé tous les leaders au sein des collectivités pour sensibiliser et encourager les populations au respect des mesures-barrières », explique-t-il.

Résultat des courses : le Liberia est l’un des pays les moins affectés par la pandémie sur le continent, avec 1 676 cas au total pour 235 cas actifs et 83 décès au 14 décembre 2020. Même si tous les panélistes s’accordent sur le fait que les chiffres de cette maladie en Afrique ne sont que la partie visible de l’iceberg du fait du faible nombre de tests effectués.

Dans les pays où l’engagement communautaire est bien réussi, l’une des principales préoccupations concernant ces travailleurs et relais communautaires est maintenant leur juste rémunération au regard de ce rôle central qui leur est reconnu. Car, un peu partout, ils ont un statut de bénévoles alors qu’ils consacrent une bonne partie de leur temps à cette activité.

« En Ouganda, nous envisageons de leur verser un salaire. Seulement, ils sont très nombreux et cela demande beaucoup d’argent. En conséquence, nous comptons y aller petit-à-petit, en payant par exemple un seul travailleur communautaire par village dans un premier temps. C’est peu, mais c’est déjà un pas », révèle Jayne Byakika Tusiime.