14/03/19

Q&R : Un plan climat à 400 milliards de dollars pour le Sahel

Bassiere
Le ministre burkinabè de l'Environnement, Nestor Batio Bassière. - Crédit image: Avec l'aimable autorisation du ministère de l'Environnement, de l'Économie Verte et du changement climatique - Burkina Faso.

Lecture rapide

  • Les chefs d’État du Sahel jettent les bases de la mise sur pied d’un fonds climat pour la région
  • Le mois dernier, ils ont adopté un plan d’investissement climat de 400 milliards de dollars d’ici 2030
  • Pour le ministre burkinabè de l’Environnement, il s'agit d'une réponse africaine au dérèglement climatique

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Au terme du premier sommet des chefs d’État et de gouvernement des pays membres de la Commission climat pour la région du Sahel (CCRS), qui s’est tenu le mois dernier à Niamey (Niger), les participants ont prescrit, entre autres, une étude relative à la création d’un fonds climat pour la région du Sahel.
 
Ce sommet procédait des engagements pris en 2015 à Paris, à l’occasion de la COP21 et à Marrakech (Maroc) lors du sommet africain sur la co-émergence, tenu en marge de la COP22, à l’initiative du Roi Mohamed VI.
 
Comme l’indique le communiqué final, le sommet de Niamey a adopté le Plan d’investissements climat pour la région du Sahel (PIC-RS) sur la période 2019-2030 et un programme régional prioritaire.
 
Doté d’un budget d’un peu moins de 400 milliards de dollars (220.000 milliards de FCFA) sur la période 2019 – 2030, le PIC-RS est accompagné d’un Programme prioritaire pour catalyser les investissements climatiques au Sahel (PPCI), estimé à 1,32 milliard de dollars (726 milliards de FCFA) pour la période 2020 – 2025.
 
« Ces plan et programme, rédigés de façon participative, tiennent compte de toutes les préoccupations des pays membres de la Commission climat du Sahel, notamment celles exprimées dans leurs contributions déterminées au niveau national (CDN) », a souligné le chef de l’État nigérien, Issoufou Mahamadou, hôte du sommet et président en exercice de la CCRS.
 
La conférence des chefs d’État a été précédée de la troisième réunion ministérielle de la commission climat pour la région du Sahel, et suivie d’une table ronde sur le financement du PPCI.
 
Après avoir pris part à ces différents travaux, le ministre burkinabé de l’Environnement, Nestor Batio Bassière, explique et analyse pour SciDev.Net le plan d’investissement climat qui vient d’être adopté.
 

Quelle est la pertinence du plan adopté à l'issue des travaux de Niamey ?

 
Le plan d'investissement que nous venons d'adopter – et surtout, réussi à financer à travers les bailleurs de fonds – est une réponse africaine aux effets du dérèglement climatique. Vous savez que les trois commissions créées par les États africains lors de la COP22 constituent un engagement fort de ces États à faire face et à prendre des engagements pour la mise en œuvre d'une stratégie contre les défis que pose le climat. Il est donc question, aujourd'hui, de voir comment capitaliser l'ensemble des énergies des pays africains pour que nous allions ensemble à la résolution des problèmes liés au climat.
 

Ces problèmes sont certes réels, mais très loin encore de ceux des grands pays pollueurs…

 
Vous savez qu'aujourd'hui, lorsque l'on comptabilise l'ensemble des émissions, nous produisons moins de 5% de gaz à effet de serre, mais nous sommes les pays les plus exposés aux effets des dérèglements climatiques.

Et vous estimez donc que la situation est préoccupante.

 
Elle est alarmante. Je prends le cas du Burkina Faso. Vous savez que le désert avance, l'agriculture ne peut plus nourrir l'homme. Nous avons des inondations, mais aussi des sécheresses chroniques et tout ceci a des conséquences, en termes de développement et en termes de migrations, qui se sont muées en migrations climatiques.  

“Ceux qui sont responsables de la dégradation de nos situations, pour une justice climat, doivent pouvoir nous accompagner.”

Nestor Batio Bassière, ministre burkinabé de l'Environnement

Nos États sont soumis à un certain nombre de problèmes réellement dus aux effets néfastes du changement climatique. Il s'ensuit que c'est pour face à cette situation que les États se sont réunis pour créer les trois commissions africaines.    
 

Vous tablez sur des investissements de l'ordre de 400 milliards de dollars. N'est-ce pas trop ambitieux ?

 
Non, je pense que le montant annoncé d'abord au niveau du plan d'investissement climat, c'est un agrégat des engagements des États. C'est une traduction de nos CDN en termes de programmes et au vu de l'ensemble de ce programme, c'est cela que nous avons évalué à presque 400 milliards de dollars. C'est vrai que c'est ambitieux, mais nous avons déjà au niveau des engagements de nos États, une somme évaluée autour de 48 milliards de dollars. Bien sûr, il reste 392 milliards à chercher. Nous pensons que normalement, ceux qui sont responsables de nos situations doivent, au terme des principes de la justice climatique, apporter les solutions afin de nous permettre de juguler fermement ces effets néfastes.  
 

On dit déjà que le G5 Sahel est à la recherche de quelque 400 milliards de dollars pour lutter contre l'insécurité dans le Sahel. En ajoutant les 400 milliards au titre du climat, ne vous engagez-vous pas dans une mission impossible ?

 
Non. Prenez le G5 Sahel et regardez ce que nous avons élaboré comme plan d'investissement – c'est complémentaire. Vous ne pouvez pas traiter la question sécuritaire en dehors des questions de développement. Donc sur le terrain, il ne s'agit pas d'avoir une autre structure opposée à G5 Sahel. L'objectif, c'est de conjuguer les efforts. Pour nous, en favorisant le développement dans le Sahel, on impulse un impact positif sur la population. Aujourd'hui, enrôler quelqu'un à coups de 100.000 ou de 200.000 Francs CFA, c'est vite fait, parce que les gens ont faim et ils trouvent que la solution la plus facile, c'est de se retrouver dans ce genre de situation. Donc pour nous, les actions du G5 Sahel et les actions en termes d'investissements climat sont complémentaires. Et c'est ensemble que nous allons pouvoir aller à la recherche de ces financements.
 

Il y a des fonds qui existent déjà, notamment le Fonds pour l'environnement mondial et d'autres fonds. Pourquoi ne pas essayer de capter ces opportunités ?

 
On nous avait annoncé à l'Accord de Paris 100 milliards de dollars par an. Mais quatre ans plus tard, on n'a même pas pu en mobiliser 20. Donc, c'est pour dire qu'entre ce qui est annoncé et ce qui est mis à la disposition des États et surtout le processus pour y accéder, il y a de la complexité. C'est pour cela que nous nous sommes dit pourquoi ne pas se retrouver entre pays africains, chercher des solutions, voir ceux qui sont prêts à nous accompagner et, surtout, élaborer des projets structurés.
 

Et quelles sont les contributions des États africains à ce fonds ?

 
Je suis optimiste au regard des projets présentés et également au regard de l'engagement des partenaires à nous accompagner. Bien sûr, nous devons aussi à l'interne, mobiliser nos propres ressources. Nous avons également en tant qu'États, nos contributions propres. Par conséquent, nos États doivent également mettre de l'argent dans la réalisation de nos propres projets, afin d'apporter notre part de contribution à la lutte contre le dérèglement climatique. C'est en cela que je dis qu'il faut certes attendre des partenaires, mais il faut d'abord compter sur nos propres forces. Mais nous disions tantôt que ceux qui sont responsables de la dégradation de nos situations, pour une justice climat, doivent pouvoir nous accompagner.