20/09/13

Sénégal : crise dans l’enseignement supérieur

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Crédit image: Flickr/Phillip Capper

Lecture rapide

  • Le syndicat du supérieur rejette certaines décisions de la réforme des universités, en dépit d’investissements de l’ordre de 386 milliards de CFA sur trois ans
  • Les enseignants du supérieur déplorent leurs conditions de travail, ainsi que la non-approbation des budgets des universités
  • Ils dénoncent aussi plusieurs décisions gouvernementales, dont le décret portant orientation des étudiants et la création d’une université virtuelle.

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Le Syndicat autonome de l’enseignement supérieur (Saes) rejette certaines décisions du Conseil présidentiel sur l’enseignement supérieur tenu le 14 août 2013 sous la présidence du chef de l’Etat sénégalais Macky Sall.

Les réformes approuvées sont basées sur certaines recommandations de la concertation nationale sur l’avenir de l’enseignement supérieur, lancée en avril 2013 par le ministre de l’enseignement supérieur, Mary Teuw Niane.

Mais le Saes, qui regroupe 80% des enseignants chercheurs, va à l’encontre de ces décisions car, selon lui, le gouvernement a violé un accord signé en mars 2011.

Il s’agit notamment de la mise en place de l’Université virtuelle et du décret sur l’orientation des nouveaux bacheliers.

 

Augmenter la contribution financière du gouvernement

 

Au terme d’un conseil présidentiel, le président sénégalais Macky Sall, a insisté sur l’engagement du gouvernement à promouvoir ce secteur.

Il a notamment déclaré qu’"un effort exceptionnel sera fait pour mobiliser 302 milliards de francs CFA sur la période 2013-2017".

Selon le plan de développement de l'enseignement supérieur et de la recherche, 235 milliards de francs seront investis pour l’accroissement des capacités des campus pédagogiques, 14,1 milliards seront alloués à l’amélioration de la qualité des enseignements, tandis que 26 milliards seront investis pour la gouvernance, la recherche bénéficiant quant à elle de 27 milliards de Francs CFA.

Ces propos ne sont pas anodins, au moment où les acteurs de l’enseignement supérieur accusent le gouvernement de maintenir volontairement les universités publiques dans l’asphyxie financière et le dénuement total, en refusant d’approuver leurs budgets.
 
Yankhoba Seydi, porte-parole du Saes, s’étonne : « Le gouvernement promet d’augmenter le budget, alors même que depuis 11 mois, les autorités n’arrivent tout simplement pas à exécuter les budgets des universités pour l’année scolaire 2012-2013, votés par l’Assemblée nationale. Il nous faut un budget de vérité. Voyez-le manque de sérieux dont nous parlons » !
 
Dans une correspondance en date du 22 aout 2013, il est clairement indiqué que le budget 2012-2013 de l’Université et la plupart des budgets des établissements qui la composent ne sont toujours pas approuvés. Désormais, selon l’agent comptable de l’Université, « pour éviter de tomber sous le coup de l’article 36 du régime financier de l’institution, seuls les salaires seront payés ». Les enseignants demandent que ces budgets soient exécutés pour permettre la réalisation des voyages d’études, avant la fin des vacances.

 

Grève et sit-in des enseignants

Le Saes a même suspendu toutes les activités académiques pendant deux semaines et a tenu trois sit-in devant le rectorat pour « dénoncer l’absence manifeste de considération pour l’université de Dakar, qui a formé un très grand nombre de cadres du Sénégal et de l’Afrique ».
 
Le recteur de l’Ucad était allé à la rencontre des protestataires lors du sit-in du lundi 09 septembre 2013 et avait tenté de les rassurer sur l’approbation prochaine du budget.

Le professeur Saliou Ndiaye a promis « de régler très rapidement les points de revendications comme les per diem de voyage, les primes de recherche et les bons de voyages. Ces retards étaient dus au récent remaniement ministériel (NDLR : le 02 septembre 2013)…. ».
 
Les syndicalistes restent dubitatifs face à ces propos : « Ils nous font des promesses qu’ils renouvellent toujours et toujours. Il y a une semaine, le rectorat nous avait déjà dit que les bons de voyage sont en place. Et deux de nos collègues sont même allés à l’aéroport pour leur voyage d’études. Ils ont fait les formalités et c’est au moment d’embarquer qu’ils ont été refoulés parce que, dit-on, leurs billets n’avaient pas été payés. Vous imaginez l’humiliation ?».
 
Outre la question des budgets des universités, le Saes désapprouve le décret sur l’orientation des étudiants qui, selon lui, est en contradiction avec la loi sur l’autonomie des universités.

«Si on permet au ministre d’orienter lui-même les bacheliers, les commissions d’orientation dans les facultés n’ont aucune raison d’être. C’est un décret grave qui fait du ministre un super recteur et c’est dangereux».

 

Créer une université virtuelle

 

Il apprécie encore moins la décision de mettre en place une « université virtuelle sénégalaise » et des « espaces numériques dans chacune des régions du Sénégal et au sein des universités publiques », parce que les conditions ne s’y prêtent pas et cela serait source d’instabilité pour l’enseignement supérieur.

«Nous devons expliquer clairement aux parents et aux bacheliers que les autorités se moquent d’eux en voulant mettre certains bacheliers dans l’université virtuelle sénégalaise. Comment peut-on dire qu’on va créer des espaces numériques pour connecter les bacheliers dans les universités publiques, dans un pays sans électricité ? ».
 
Le Sénégal, en particulier la capitale Dakar, souffre régulièrement de délestage…
 
Une autre pomme de discorde constitue l’absence de transparence et la mauvaise gestion reprochées au gouvernement.

Le Saes dénonce les conditions dans lesquelles certains marchés ont été attribués sans appel d’offres, notamment quand l’Etat a débloqué l’année dernière 3 à 4 milliards pour inscrire dans des établissements privés plus de cinq mille étudiants non admis dans les universités publiques.
 
Comme une illustration de ce manque de transparence, la Direction centrale des marchés publics et l’Autorité de régulation des marchés publics ont récemment opposé leur véto au ministère de l’Enseignement supérieur qui voulait faire passer un marché de gré à gré relatif à la démolition et à la construction de six pavillons universitaires.
 
L’Université Cheikh Anta Diop de Dakar est la quinzième université africaine, selon le classement des meilleures universités d’Afrique de 2013 publié par « International Colleges & Universities ».

Avec 80.000 étudiants pour 1329 enseignants, elle est largement débordée par les effectifs car ses capacités d’accueil réelles ne dépassent pas 50.000, selon certains responsables.