01/03/18

La podoconiose répandue au Cameroun et en Éthiopie

Leprosy
Crédit image: Kebede Deribe

Lecture rapide

  • La répartition géographique de la maladie est mal comprise dans les pays endémiques
  • Deux études montrent sa large diffusion au Cameroun et en Ethiopie
  • Les experts appellent à plus de surveillance et de volonté politique dans les pays africains endémiques

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[NAIROBI] Deux études montrent que l'éléphantiasis liée à l'exposition des pieds nus au sol argileux rouge des roches volcaniques est largement répandue au Cameroun et en Ethiopie.
 
Au Cameroun, une étude publiée en janvier dans la revue PLOS Neglected Tropical Disease montre une faible prévalence de la maladie – aussi appelée podoconiose, en raison de sa tendance à gonfler massivement les pieds et les jambes -, mais avec une distribution géographique étendue à travers le pays.
 
L'étude éthiopienne publiée dans le Wellcome Open Research du 15 décembre 2017 a pour sa part révélé que la podoconiose est endémique dans 345 districts (weredas).
 
Kebede Deribe, co-auteur des deux études et professeur assistant honoraire à l'Université d'Addis-Abeba, affirme que la répartition géographique de la maladie est mal comprise dans les pays historiquement déclarés endémiques.
 

“Les patients atteints de podoconiose perdent 45% de leur temps économiquement productif, en raison de la morbidité associée à la maladie.”

Kebede Deribe, Wellcome Trust Brighton et Sussex Centre for Global Health Research

Au Cameroun, les chercheurs ont recueilli des données auprès de 10.178 personnes âgées d'au moins 15 ans sur 4.603 ménages, 76 villages et 40 circonscriptions sanitaires, dans le cadre d'une enquête nationale, au mois de janvier 2017.
 
En Éthiopie, des données portant sur 141.238 personnes de 1.442 communautés et 775 districts ont été collectées de juin à octobre 2013.
 
La prévalence globale de la podoconiose au Cameroun était de 0,5%, mais elle a été constatée dans toutes les régions du pays étudiées, explique Kebede Deribe, épidémiologiste au Wellcome Trust Brighton et au Sussex Center for Global Health Research, au Royaume-Uni, qui ajoute qu'en Ethiopie, la prévalence était de 4%.
 
Kebede Deribe explique par ailleurs que la podoconiose se produit lorsque les minéraux pénètrent dans le système lymphatique par l'exposition des pieds et provoquent un grave gonflement.
 
Elle s'observe dans les sols couverts d'argile rouge des hautes terres, principalement dans les communautés agricoles pauvres dont les habitants vivent pieds nus, ou ne se lavent pas régulièrement les pieds avec de l'eau et du savon.
 
La maladie a également de graves conséquences sociales et économiques, telles que l'exclusion de l'école, des églises et des mosquées, et l'impossibilité de se marier avec des personnes non touchées.
 
"Les patients atteints de podoconiose perdent 45% de leur temps économiquement productif en raison de la morbidité associée à la maladie", explique Kebede Deribe.
 
La maladie est évitable si une hygiène régulière des pieds, notamment le port de chaussettes et de chaussures, est observée, poursuit-il.
 
"Les mesures visant à déstigmatiser [les personnes atteintes] de la maladie grâce à l'éducation du public sur la prévention et le traitement sont essentielles", affirme Kebede Deribe.
 
Les résultats des deux études, explique-t-il, aideront les décideurs aux niveaux national, régional et au niveau des districts, à "évaluer l'information pour la planification des programmes d'intervention et les décideurs politiques, aux fins de l'allocation de ressources et de la priorisation des zones les plus touchées".
 
La maladie, dit-il, devient un fardeau sanitaire majeur en Afrique et a été signalée dans dix-huit pays : Angola, Burundi, Cameroun, Cap-Vert, Tchad, République démocratique du Congo, Guinée équatoriale, Éthiopie, Kenya, Madagascar, Mozambique, Niger, Nigeria, Rwanda, São Tomé et Príncipe, Soudan, Tanzanie et Ouganda.
 
En Ethiopie, ajoute-t-il, on estime que plus de 1,5 million d'adultes souffrent de la maladie.
 
Christine Kihembo, épidémiologiste principale au ministère de la Santé de l'Ouganda, affirme pour sa part que les résultats sont en grande partie conformes aux études précédentes.
 
Une réponse du système de santé au fardeau de la podoconiose est cruciale, à travers la surveillance des cas et la gestion de la maladie, estime-t-elle.
 
Elle précise que la podoconiose est une maladie tropicale négligée affectant environ quatre millions de personnes, en particulier dans les pays d'Afrique orientale et centrale, citant l'Amérique centrale et du Sud et l'Asie du Sud-Est, comme autres régions où la maladie sévit.
 
Parmi les populations qui travaillent pieds nus sur des sols irritants dans les zones endémiques, en particulier en Afrique subsaharienne, 5 à 10% vivent avec la maladie, ajoute-t-elle.
 
"Nous devons donc faire plus pour améliorer le contrôle de la podoconiose dans les pays à haut risque, en multipliant les interventions qui ont fait leurs preuves, telles que le port de chaussures et le lavage des pieds", dit-elle.
 
L'éradication de la podoconiose nécessite une volonté politique et un engagement, la formulation de politiques et l'engagement financier des gouvernements des pays endémiques en plus du financement des donateurs, ajoute Christine Kihembo.
  
Cet article a été rédigé par le desk Afrique anglophone de SciDev.Net.