05/07/19

Paludisme : des réponses immunitaires naturelles chez des patients

Malaria SS Article
Une réfugiée sud-soudanaise enceinte de 23 semaines, atteinte de paludisme, se repose dans un centre de santé du centre de réinsertion de Bidibidi. Crédit image: Frederic Noy/Panos Pictures

Lecture rapide

  • Des chercheurs ont découvert des anticorps à la surface des globules rouges chez des personnes infectées
  • En multipliant ces anticorps, on réduit la transmission et la charge de la maladie
  • Cette découverte inédite ouvre des perspectives prometteuses pour la prévention du paludisme

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Une étude parue au mois de juin 2019 dans la revue Science Translational Medicine, révèle la présence de formes jusque-là inconnues de réponses immunitaires humaines naturelles à la surface des globules rouges infectés par le parasite du paludisme.
 
Menée sur des échantillons de plasma prélevés sur 500 patients au Burkina Faso, au Cameroun, en Gambie et au Malawi, l’étude a notamment focalisé son attention sur le développement dans l’organisme humain du germe du paludisme, le Plasmodium falciparum

“Cette étude montre qu'une immunité naturelle dirigée contre les stades sanguins de plasmodium se met en place chez les populations exposées en zones d'endémie et qu'elle permet de contrôler l'infection.”

Isabelle Morlais, chercheur à l’université de Montpellier

Question de voir dans quelle mesure empêcher sa transmission à l’anophèle femelle qui est le moustique distributeur de la maladie.
 
Selon le communiqué de presse publié à la suite de la publication de cette étude, les chercheurs ont précisément constaté que des antigènes se fixent à la surface du globule rouge à deux stades différents de la vie du parasite dans le corps humain : le stade réplicatif asexué et le stade transmissif de gamétocytes.
 
« Les scientifiques ont ensuite révélé que le corps humain produisait des anticorps naturels en réponse à ces antigènes et qu'une augmentation des taux de certains de ces anticorps était associée à une réduction du stade asexué et de la charge en gamétocytes au cours de l'infection palustre », peut-on lire dans ce document.
 
« L'utilisation d'un vaccin pour renforcer cette réponse naturelle peut constituer un moyen efficace de bloquer la maladie et sa propagation », indique le communiqué. Cette déclaration s’appuie sur le fait que les gamétocytes sont le seul stade parasitaire qui permet la transmission au moustique et sont par conséquent essentiels pour la propagation de la maladie.
 
A en croire Matthias Marti, professeur de parasitologie moléculaire à l’université de Glasgow (Ecosse) et l’un des principaux auteurs de cette étude, « il s'agit de la première étude visant à déterminer s'il existe des anticorps contre le stade de transmission du parasite pendant qu'il se développe dans le corps humain et avant sa transmission au moustique vecteur ».
 
Interrogé par SciDev.Net, le chercheur insiste sur l’originalité de ces travaux en ajoutant que « toutes les études précédentes portant sur l'immunité bloquant la transmission se sont concentrées sur la phase qui a lieu chez le moustique ».
 

Développement de vaccins

 
Pour Isabelle Morlais, chercheur à l’université de Montpellier, « ces résultats sont extrêmement intéressants pour le développement de vaccins visant différents stades du parasite ».
 
Parce que « cette étude montre qu'une immunité naturelle dirigée contre les stades sanguins de plasmodium se met en place chez les populations exposées en zones d'endémie et qu'elle permet de contrôler l'infection », justifie celle qui est aussi le chef de l’équipe de recherche sur le paludisme à l’Institut de recherche pour le développement (IRD).
 
La chercheure en profite pour rappeler le rôle que jouent les globules rouges dans l’infection et la transmission de cette maladie.
 
« Les parasites chez l'homme se développent dans les globules rouges. C'est à ce niveau qu'il y a une multiplication des parasites. La transmission peut se faire lorsque le moustique anophèle femelle pique une personne porteuse de gamétocytes âgés », explique Isabelle Morlais.
 
Selon son récit, la reproduction sexuée des parasites se fait ensuite dans l'intestin du moustique, d’où les parasites migrent plus tard vers les glandes salivaires pour être injectés à un nouvel hôte lors d’une autre piqûre du moustique.
 
« Les antigènes identifiés dans l'article sont exprimés chez des stades sexués et asexués de parasites ; et cibler ces antigènes pourra alors permettre de réduire à la fois le fardeau de la maladie et la transmission aux moustiques », conclut l’universitaire française.
 

219 millions de cas de paludisme en 2017

 
De leur côté, les auteurs de l’étude pensent d’ores et déjà à donner plus de consistance à leurs travaux qui, jusque-là, n’ont porté que sur une cohorte de patients souffrant du paludisme.
 
Par exemple, confie Matthias Marti, « il sera important de montrer que les niveaux d'anticorps augmentent avec le temps, alors que la charge parasitaire et le niveau des stades de transmission diminuent ».
 
Pour lui, parvenir à une telle démonstration suggérerait une activité protectrice pouvant ensuite être « testée fonctionnellement ».
 
Selon les données de l’OMS, 219 millions de cas de paludisme ont été enregistrés dans 87 pays en 2017, pour 435.000 décès, l’Afrique se taillant la part du lion, avec 92% des cas et 93% des décès.