30/11/20

Les vertus du dépistage communautaire des maladies

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Le dépistage communautaire pourrait renforcer la connaissance du statut sérologique des patients Crédit image: US Army Africa (CC BY 2.0)

Lecture rapide

  • Déplacer les agents vers les populations rend le dépistage accessible à tous et réduit les réticences
  • Il faut aussi considérer les agents communautaires de dépistage comme des travailleurs et les rémunérer
  • En 2019, 81% des personnes vivant avec le VIH/sida ont été dépistées, en deçà de l’objectif de 90%

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[DAKAR] A la faveur de la première édition de la semaine internationale du dépistage qui s’est tenue du 13 au 29 novembre 2020, Coalition Plus, un réseau international de lutte contre le sida et les hépatites virales, prescrit « une reconnaissance et une intégration du dépistage communautaire dans les politiques de santé publique » en Afrique.

Ce réseau invite à cet effet l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à formuler une recommandation sur la mise en place de l’autotest de l’hépatite C (VHC) et souhaite en même temps l’implication des acteurs de la société civile dans les politiques de dépistage de la Covid-19.

Au cours d’une conférence de presse organisée à Dakar (Sénégal) le 23 novembre, les représentants de cette coalition ont justifié leurs recommandations par le fait que le dépistage a longtemps été l’apanage des structures et des professionnels de santé, avec des résultats mitigés, par exemple dans le cas de la lutte contre le VIH/sida.

“la société civile a réussi non seulement à vaincre la réticence des communautés vis-à-vis du dépistage, mais elle a aussi apporté le dépistage dans les zones les plus reculées et les groupes les plus renfermés, rendant le dépistage accessible à tous”

Daouda Diouf, Enda Santé

« En 2016, la communauté internationale s’est engagée pour l’élimination du Sida en 2030 avec un objectif intermédiaire pour l’année 2020. Il fallait qu’en 2020, 90% des personnes vivant avec le VIH soient dépistées, mises sous traitement et que leur charge virale soit indétectable », explique Safiatou Thiam, secrétaire exécutive du Conseil national de lutte contre le Sida au Sénégal et présidente du conseil d’administration de Coalition Plus Afrique

A un mois de cette échéance, constate cette dernière, « 20% des personnes vivant avec le VIH ignorent encore leur statut sérologique. Alors que le dépistage est la porte d’entrée de toutes les stratégies de lutte. Car, avant d’être mis sous traitement, il faut connaitre son statut sérologique ».

En effet, selon l’ONUSIDA, en 2019, 81% des personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut.  67% des personnes vivant avec le VIH sont sous traitement et 59% de personnes vivant avec le VIH ont une charge virale durablement supprimée.

Ainsi, environ 7,1 millions de personnes dans le monde ignoraient leur statut sérologique en 2019 et, par conséquent, ne bénéficiaient d’aucun soin. Ce qui, d’après Coalition Plus, représente un enjeu crucial de santé publique, puisqu’une personne séropositive non diagnostiquée risque de transmettre le virus

Dans le cas de l’hépatite C, « la proportion est plus importante puisque 4 personnes sur 5 ignorent qu’elles sont porteuses du virus dont le dépistage et le traitement tardifs sont à l’origine de 60% des cas de cancer du foie dans le monde », peut-on lire dans un dossier de presse produit par Coalition Plus.

Langage accessible

Ces résultats en-deçà des objectifs s’expliquent par la façon dont est effectué le dépistage, croit savoir Daouda Diouf, directeur d’Enda Santé, une organisation internationale dont la principale mission est d’accompagner les populations- particulièrement les groupes vulnérables- dans la défense de leurs droits pour l’accès à l’information et à des services de santé adéquats.

Ce dernier déplore particulièrement le fait que « jusque-là, dans la plupart des pays, on ait eu des stratégies très généralistes qui visent tout le monde et qui ne ciblent pas les personnes ou les groupes les plus susceptibles d’être contaminés ».

En outre, les responsables de Coalition Plus disent avoir constaté que le dépistage a plus de succès quand les acteurs de la société civile et les associations s’impliquent et sensibilisent les communautés dans un langage accessible et leur offre la possibilité de se dépister sans se déplacer.

Cette approche qui déplace le dépistage vers les communautés a fait ses preuves et les organisations de la société civile ont ainsi « fortement contribué ces cinq dernières années à augmenter de façon significative le taux des personnes dépistées », soutient Daouda Diouf.

Pour ce dernier, « la société civile a réussi non seulement à vaincre la réticence des communautés vis-à-vis du dépistage, mais elle a aussi apporté le dépistage dans les zones les plus reculées et les groupes les plus renfermés, rendant le dépistage accessible à tous ».

Acteurs communautaires

Par ailleurs, l’autre frein à l’atteinte du premier des trois objectifs (dépister 90% des personnes vivant avec le VIH), c’est le fait que les acteurs communautaires ne soient pas rémunérés à la hauteur de leurs efforts, étant donné qu’ils ont souvent été recrutés comme des bénévoles.

« Il est temps de considérer que l’acteur communautaire fait un vrai travail au service de la communauté et de la santé publique et qu’en retour, il doit être payé de manière conséquente et juste », affirme Daouda Diouf.

La semaine internationale de dépistage a consisté à réaliser, dans les 52 pays d’Europe, d’Afrique, d’Asie et d’Amérique d’où sont issues les associations membres de cette coalition, des opérations de dépistage du VIH, des hépatites B et C, des autres infections transmissibles et même de la COVID-19…

A en croire le Sakho Mamadou Lamine, conseiller régional au bureau régional de l’ONUSIDA pour l’Afrique de l’ouest et du centre, explique que « la COVID-19 offre l’occasion de réorganiser les services portant sur le VIH pour que les personnes vivant avec le VIH puissent continuer à bénéficier de leur traitement malgré la pandémie ».

« Il nous faut aller vers la dispensation multi-mensuelle des antirétroviraux. C’est-à-dire qu’on donne aux malades une dotation de trois, voire six mois. Afin d’assurer la régularité du traitement et que ces derniers n’aient pas à braver des mesures de l’état d’urgence sanitaire pour aller au centre de santé ou autre lieu de prise en charge », suggère l’intéressé.