18/01/12

Les scientifiques égyptiens savourent l’année après la révolution

L'intérêt public pour la science, perçue comme outil de reconstruction, a connu un regain Crédit image: Flickr/Kodak Agfa

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[LE CAIRE] Alors que le premier anniversaire du soulèvement Place Tahrir en Egypte tombe la semaine prochaine (25 janvier), les scientifiques réfléchissent aux gains incroyables que la révolution égyptienne leur a procurés.

Au cours de l’année dernière, le budget de la science a augmenté de plus d’un tiers, les salaires ont augmenté et des projets pour une cité des sciences et des technologies ont été lancés.

Pour Maged El-Sherbiny, président de l’Académie de la recherche scientifique et de la technologie (l’organisme gouvernemental responsable du financement de la recherche en Egypte), "les changements ont commencé aux niveaux administratif et financier".

Ainsi, tous les centres de recherche affiliés aux différents ministères seront réunis sous le Conseil supérieur des centres de recherche, et le budget de la recherche scientifique, en hausse de 35 pour cent en 2011-2012, est susceptible connaître une nouvelle augmentation en 2012-2013, selon El-Sherbiny, qui affirme que l’objectif du gouvernement est de consacrer un pour cent du produit intérieur brut à la science.

Cette considérable relance du financement est le fruit d’une perception de plus en plus partagée, selon laquelle les investissements dans le domaine de la science sont capitaux pour l’avenir de l’Egypte.

Ashraf Shaalan, président du Centre national de recherche (CNR) — le plus grand centre de recherche en Egypte – se réjouit de cet élan de ferveur nationale pour la science, et de l’augmentation du financement, qui ont su motiver les scientifiques égyptiens.

Il cite pour exemple l’édition scientifique dans des revues internationales. La production a augmenté d’un quart, passant à peu près à 2 000 articles en 2011, a-t-il affirmé.

Le CNR a reçu environ US$ 13 millions du Fonds national pour la science et le développement technologique en 2011, pour financer 80 projets de recherche, explique-t-il. Pourtant, malgré des hausses de salaire, le centre a perdu 400 chercheurs avec la fuite des cerveaux l’année dernière, notamment au profit du Qatar et de l’Arabie Saoudite.

Après la révolution, le secteur privé ne s’est pas aussi bien porté. En effet, l’Université du Nil, la première université privée de recherche à but non lucratif du pays, a été menacée en raison de ses liens avec l’ancien régime déchu. L’université avait emménagé dans de nouveau locaux à la vielle de la révolution et s’est vu prié par le nouveau gouvernement de quitter les lieux, au motif que c’était un terrain public.

"De tels revirements sont à prévoir après les révolutions", tempère Tarek Khalil, président de l’Université du Nil.

"Après la révolution, nous avons commencé l’année sans savoir si nous allions pouvoir continuer, mais avant même la fin de l’année, le ministre de la recherche scientifique nous avait assuré que nous poursuivrions nos activités dans notre université".

L’Université du Nil fera à présent partie de la nouvelle cité Zewail pour les sciences et technologies.

Pour le Dr Hassan Abol-Enein, dirigeant de Science Age Society, une organisation non gouvernementale (ONG), le soutien gouvernemental accordé aux investissements dans la science a conduit à un regain d’intérêt public, notamment avec le lancement de la Cité Zewaildécrit comme le ‘premier fruit’ de la révolution, un projet national que tous les Egyptiens devraient soutenir.

"Nous avons remarqué une forte participation à nos conférences à laquelle nous n’étions pas habitués avant le 25 janvier", a-t-il dit.

Depuis la révolution, les ONG ont acquis la liberté de soutenir la recherche scientifique d’une manière inespérée. Une fatwa (décret religieux islamique) émise par le Grand Mufti d’Egypte en 2011 a ainsi déclaré que les dons à la recherche scientifique pouvaient être considérées comme faisant partie de l’obligation de faire don de 2,5 pour cent de ses revenus aux organisations caritatives.

Abol-Enein évoque l’idée de catalyser le nouvel enthousiasme du public en créant un fonds, auquel le public pourrait contribuer, pour financer les projets de recherche.

Pourtant, d’autres scientifiques de renom ont émis des réserves quant à la durabilité des changements scientifiques en Egypte.

Pour Alaa Idris, président du comité de recherche scientifique de la Fondation Misr El-Kheir, dont une des missions consiste à soutenir la science, "les Egyptiens sont aujourd’hui d’avantage préoccupés par des questions comme les salaires, les enfants des rues ou les bidonvilles".

Pour qu’un réel changement se produise, affirme-t-il, la nouvelle Constitution égyptienne devrait reconnaître l’importance de la recherche scientifique et une loi portant sur la science et la technologie devrait être promulguée.