17/01/11

Les pays en développement doivent se préparer à la biologie synthétique

Craig Venter : les pays en développement pourraient bientôt sentir les effets de sa percée dans le domaine de la biologie synthétique Crédit image: Flickr/Pennstatelive Craig Venter

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Les défenseurs de l’environnement exhortent les pays en développement à considérer la science de la biologie synthétique, actuellement en plein essor lors de l’élaboration de législation sur la biosécurité pour les organismes génétiquement modifiés (OGM). La biologie synthétique concerne la fabrication de nouveaux organismes grâce à des gènes utilisés comme des ‘briques’ biologiques.

Certains activistes sont inquietés par la possibilité que des produits biologiques synthétiques basés sur de nouveaux organismes puissent être développés et commercialisés, et ce avant que ne soit mise sur pied une règlementation les encadrant, et que la compréhension de leurs impacts environnementaux et sociaux ne soit suffisamment approfondie.

De nombreux pays sont aujourd’hui pleinement engagés dans l’adoption d’une législation pour encadrer l’arrivée des cultures GM. Pour Eric Hoffman, expert en biotechnologie auprès des Ami(e)s de la Terre (en anglais Friends of the Earth ou FoE), l’organisation militante environnementale, le moment est donc tout trouvé d’y inclure un volet susceptible de réglementer également les organismes synthétiques.

Il s’exprime après l’envoi par FoE d’une lettre adressée à la Commission présidentielle américaine pour l’étude des questions de bioéthiques, dans laquelle 58 organisations de 22 pays différents se plaignent que la Commission avait proposé, dans un rapport sur la biologie synthétique publié récemment, des mesures inadéquates de contrôle de cette technologie et ne se préoccupait pas du ‘principe de précaution’.

La lettre, datée du 16 décembre 2010, appelle à un moratoire sur la production et la mise en vente commerciale d’organismes synthétiques, mais elle accepte des recherches complémentaires aussi longtemps que la sécurité sera assurée.

Pour Hoffman, la législation est très en retard sur la technologie comme cela fut le cas pour les organismes génétiquement modifiés.

"Les pays devraient commencer à légiférer sur les produits biologiques synthétiques dès à présent et se préparer. L’ONU devrait jouer un rôle clé, mais l’adoption de la législation doit commencer à tous les niveaux et descendre jusqu’au niveau local".

La biologie synthétique a défrayé la chronique en mai dernier lorsque Craig Venter, le pionnier et entrepreneur américain du génome humain, a annoncé la première forme de vie artificielle.

La nature libre-service de la nouvelle technologie, couplée à l’accès bon marché aux matériaux via Internet, signifie que des particuliers pourraient commencer à produire des organismes synthétiques dans des infrastructures à faible coût, et ce sans une réglementation adéquate, explique Hoffman.

"Souvent, ces chercheurs sont des ingénieurs jouissant d’une faible formation en écologie, en biologie de l’évolution ou en bioéthique. Le fait d’obliger les individus à acquérir une licence pourrait permettre de s’assurer qu’ils reçoivent une telle formation et que leur travail soit réglementé de manière cohérente".

Le rapport de la Commission présidentielle américaine fut publié le mois dernier (16 décembre), et se focalise sur les principes pour superviser et contrôler la recherche sur la biologie synthétique. Sa publication a déçu ceux qui avaient espéré l’adoption d’un principe de précaution. La Commission propose plutôt une approche d’autoréglementation et de ‘vigilance prudente’.

Pour faire face à l’incertitude concernant les risques encourus, la Commission plaide pour une meilleure coordination et une transparence accrue, prônant l’analyse des risques en cours, la vulgarisation, et la formation renforcée aux questions d’éthique pour les chercheurs.

Pour Rob Carlson, le directeur de Biodesic, une société d’experts-conseils en biotechnologie basée aux Etats-Unis, les pays en développement ont l’opportunité de prendre un bon départ avec la biologie synthétique ‘de garage’.

L’expérience tirée de la participation d’étudiants internationaux lors de la compétition internationale de machines génétiquement modifiées (en anglais, International Genetically Engineered Machine ou iGEM), une compétition de biologie synthétique montre ainsi que "beaucoup de progrès sont possibles dans divers environnements". Lors de l’édition de 2010, des équipes venant de Chine, d’Inde, du Mexique, du Panama et d’Afrique du Sud ont remporté des prix.

Pour James Wagner, président de l’Université Emory et vice-président de la Commission, "le fait que cette technologie soit accessible et que des parties puissent déjà être mises en œuvre dans des laboratoires modestes indique qu’il est possible [à tous] d’être de véritables acteurs dans cette économie ".

Il tempère cependant, en notant que certains des travaux les plus importants nécessitent encore des infrastructures de haute technologie.

Les pays développés ont une responsabilité envers les populations qui n’ont toujours pas voix au chapitre dans le débat, poursuit-il.  Néanmoins, les avantages sont plus immédiats que les risques.

"L’espoir existe que nous puissions accroître le rythme et réduire les coûts de découverte et de production de produits biologiques, de vaccins et de médicaments, peut-être même au point qu’il devienne économique, voire rentable, pour l’industrie pharmaceutique de produire des médicaments pour traiter certaines des maladies négligées".

"Il faut un partenariat solide et la collaboration entre les pays pour décider sur la manière d’utiliser cette technologie".

Lien vers le rapport ‘Nouvelles orientations : l’éthique de la biologie synthétique et les technologies émergentes’ [3.95MB]

Lien vers la lettre rédigée par les Amis de la Terre [100 kB]

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