26/08/11

Les liens entre El Niño et les conflits civils dans les pays tropicaux

Les pays les plus pauvres sont les plus touchés Crédit image: Flickr/hdptca

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Une étude récente affirme que le risque de conflit civil serait multiplié par deux dans les pays tropicaux pendant les années où sévit le phénomène climatique El Niño, et environ un cinquième des guerres civiles ayant éclaté entre 1950 et 2004 auraient subi l’influence de son régime climatique.

El Niño – cycle climatique qui fait monter périodiquement la température de l’Océan Pacifique et modifie les conditions climatique dans plusieurs pays – aurait ainsi eu une influence sur 21 pour cent des guerres civiles dans le monde, chiffre atteignant presque les 30 pour cent dans les pays où ce phénomène a des effets considérables, notamment en Afrique tropicale, en Asie-Pacifique et en Amérique du Sud.

Ces conclusions ont été publiées cette semaine (24 août) dans le journal Nature par une équipe de chercheurs des universités de Columbia et de Princeton.

"Nous constatons que ce sont les pays les plus pauvres qui réagissent à El Niño par la violence," note Solomon Hsiang, auteur principal de l’étude et chercheur à l’Université de Columbia. Les pays les plus touchés sont l’Angola, le Congo, le Salvador, l’Erythrée, Haïti, l’Indonésie, la Birmanie, le Pérou, les Philippines, le Rwanda, le Soudan et l’Ouganda.

Hsiang et ses collègues ont analysé plus de 230 conflits civils survenus dans le monde entre 1950 et 2004.

El Niño se produit tous les deux à sept ans, mais Hsiang a relevé qu’il est maintenant possible de prévoir ce phénomène jusqu’à deux ans à l’avance, ce qui permet de prendre des mesures préventives.

Dans un entretien accordé à SciDev.Net, Nick Nutall, porte-parole du Programme des Nations Unies pour l’Environnement estime que "les gouvernements doivent considérer cette étude comme un signal d’alerte sur la nécessité de coopérer en matière de politique climatique et d’élaborer des stratégies efficaces de réduction des émissions".

Pour Halvard Buhaug, chercheur sur les conflits au Centre de recherches sur la paix d’Oslo en Norvège, "la corrélation constatée entre les cycles El Niño et le risque de conflit dans les pays exposés à ce phénomène est remarquablement forte".

Buhaug a pourtant critiqué par le passé une étude controversée datant de 2009 et dont le but était d’établir un lien entre le climat local en Afrique et les conflits. Il a également publié l’an dernier une étude montrant qu’aucun lien n’existe entre les indicateurs des changements climatiques et les guerres civiles en Afrique.

Il estime néanmoins que "l’analyse statistique [de cette nouvelle étude] est assez exhaustive et les résultats semblent solides".

"Tant que nous n’aurons pas établi de lien de causalité," a-t-il néanmoins ajouté, "j’estime qu’il serait sage de s’abstenir de penser qu’El Niño est un facteur de guerres civiles en zones tropicales".

Si cette étude ne révèle pas comment et pourquoi les changements climatiques participent à l’éclatement des violences, que le phénomène El Niño soit associé à des pertes de récolte, des catastrophes naturelles et la propagation des maladies infectieuses est désormais chose connue.

Ainsi, l’équipe émet une hypothèse selon laquelle les inégalités de revenus, la hausse du chômage, l’incapacité des gouvernements à faire appliquer la loi, et même les effets psychologiques de la chaleur pourraient contribuer à faire dégénérer des situations déjà explosives. Il est vrai que les changements climatiques peuvent pousser des conditions climatiques à des extrêmes, mais l’étude ne s’est pas intéressée à ses effets.

Pourtant Mark Cane, professeur des sciences de la terre et de climatologie à l’Université de Columbia et co-auteur de l’étude, affirme que la corrélation qu’ils ont établie peut aussi s’appliquer à un monde bouleversé par le réchauffement climatique.

Lien vers l’article complet dans Nature

Références

Nature 476, 438-411 (2011)