22/12/20

Les enseignements de la dernière épidémie d’Ebola en RDC

Ebola treatment center
Une équipe de prise en charge dans un centre de traitement d'Ebola. Crédit image: US Army Africa (CC BY 2.0)

Lecture rapide

  • Des médicaments et procédés nouveaux ont permis de limiter le nombre de contaminations et de décès
  • L’une des grandes préoccupations de la science est maintenant de déterminer l’animal intermédiaire
  • Les risques de réapparition d’une nouvelle épidémie d’Ebola appellent le pays à la prudence

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[KINSHASA] Le 18 novembre 2020, la République Démocratique du Congo (RDC) a annoncé la fin de la onzième épidémie d’Ebola qui a frappé la province de l’Equateur à l’ouest du pays entre juin et novembre 2020.

Avec un bilan de 130 cas (dont 119 confirmés et 11 probables), 75 guéris et 55 décès en cinq mois, cette épidémie aura été moins meurtrière que la plupart de celles qui l’ont précédée.

Guyguy Manangama, responsable de l’intervention contre Ebola chez Médecins Sans Frontières (MSF) met ces résultats sur le compte des « stratégies innovantes » déployées pour affronter cette énième épidémie, à commencer par la décentralisation des soins.

“Avant, la prise en charge se limitait à l’isolement des patients et aux traitements symptomatiques. Mais, maintenant, on prévient et on soigne Ebola”

Guyguy Manangama, MSF

« Au lieu d’amener tous les patients dans un endroit central, on a décentralisé les traitements en allant plutôt dans l’environnement du patient. Ainsi, dès qu’un cas était diagnostiqué dans une localité, on allait dans cette aire de santé pour installer une structure de prise en charge », explique ce chercheur qui est aussi le responsable médical de la cellule des urgences de MSF à Paris (France).

L’autre innovation aura été l’utilisation d’un algorithme de triage qui consistait à explorer l’historique du patient, les symptômes qu’il présentait, les contacts éventuels qu’il aurait eus avec des personnes suspectes, etc.

« Tout cela permettait de filtrer pour avoir les patients les plus probables au niveau des centres de traitement. Cela nous a amenés à mieux trier les patients pour éviter des contaminations croisées dans les centres de traitement », décrit Guyguy Manangama.

A en croire ce dernier, les vaccins et traitements évalués lors des précédentes épidémies ont également contribué à maîtriser cette énième flambée. « Ce qu’il est important de savoir est que nous avons désormais des outils nécessaires pour prévenir et traiter cette maladie. Avant, la prise en charge se limitait à l’isolement des patients et aux traitements symptomatiques. Mais, maintenant, on prévient et on soigne Ebola », dit-il avec fermeté.

Ces points marqués dans la prévention et le traitement de cette maladie n’empêchent pas les chercheurs de continuer à travailler pour une meilleure compréhension de cette pathologie qui est apparue en 1976 en RDC justement.

Animal intermédiaire

Enseignant-chercheur à l’université de Lubumbashi, la deuxième grande ville de la RDC, Éric Kasamba révèle l’une des principales préoccupations des chercheurs à ce jour.

« Nous sommes en train de chercher à identifier l’espèce-source qui héberge le virus avant que celui-ci n’entre dans la communauté », confie-t-il dans une interview accordée à SciDev.Net.

En effet, dans la chaîne de transmission de la maladie, la science pointe la chauve-souris comme réservoir du virus Ebola. Mais il faut encore déterminer avec exactitude et de manière complète le processus qui conduit à sa transmission chez l’homme.

Ce sujet intéresse aussi le virologue Michel Ekwalanga Balaka de l’université de Lubumbashi : « Que ce soit le coronavirus, le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) qui sont les cousins de la COVID-19 ou que ce soit même Ebola, le réservoir c’est la chauve-souris. », rappelle-t-il pour commencer. Avant d’ajouter que « il semblerait qu’ici chez nous, l’animal intermédiaire est le pangolin ».

Pour y voir clair, Michel Ekwalanga Balaka propose une approche comparative afin de déterminer si dans une région donnée, les mêmes espèces peuvent être réservoirs et animaux intermédiaires sans l’être dans une autre.

Pour ce dernier, il est concrètement question « de savoir, du point de vue génomique, quelle est la différence entre la chauve-souris chinoise et la chauve-souris du Congo, le pangolin chinois et le pangolin du Congo. Peut-être qu’on trouverait les parties du génome qui comportent l’épitope immuno-dominant, c’est-à-dire la partie du génome qui transporte la maladie. »

Résurgence

La découverte de cette variante deviendrait un tournant décisif dans la riposte contre Ebola, pense Eric Kasamba qui voudrait que le pays « reste aux aguets tant que les recherches n’auront pas résolu le mystère ».

Car, avait prévenu le ministre national de la santé, Eteni Longondo, au cours du point de presse qu’il avait organisé pour annoncer la fin de l’épidémie, « le risque élevé de résurgence des épidémies reste permanent et doit servir de signal d’alarme pour que le système de surveillance épidémiologique soit renforcé ».

Une éventualité qui n’inquiète pas outre mesure Guyguy Manangama pour qui le plus important était de se préparer pour qu’en cas de nouvelle épidémie, avec tous les outils désormais disponibles, qu’on puisse bien prendre en charge les patients.

En prévision d’une prochaine intervention, il pense qu’il faudrait décentraliser davantage, responsabiliser les aires de santé, former les soignants au traitement et à la vaccination, travailler avec les relais communautaires pour le volet sensibilisation afin d’obtenir l’adhésion des populations à la stratégie de prise en charge, etc.

« Tout cela réuni permettrait de vite maîtriser une éventuelle nouvelle épidémie », se convainc le chercheur de MSF.