21/07/14

La téléphonie mobile, nouvel outil pour la prévision météo

Africa_Mobile_598
Crédit image: Flickr/Milica Sekulic

Lecture rapide

  • Une équipe internationale de chercheurs a mis au point une technique permettant de dessiner avec précision la carte des précipitations, à l'échelle d'une région
  • L'une des applications pratiques de l'innovation, qui s'appuie sur le réseau de téléphonie mobile, sera de prévoir les régions exposées aux inondations
  • Les chercheurs jugent indispensable la participation des réseaux de téléphonie mobile des pays africains

Envoyer à un ami

Les coordonnées que vous indiquez sur cette page ne seront pas utilisées pour vous envoyer des emails non- sollicités et ne seront pas vendues à un tiers. Voir politique de confidentialité.

Des chercheurs ivoiriens et burkinabè du consortium Rain Cell Africa viennent de tester avec succès au Burkina Faso une nouvelle méthode de suivi des pluies à partir de la téléphonie mobile. Cette technique permettra de proposer des cartes des précipitations très précises pour ces zones à fort risque d'inondation.
 
Les travaux des chercheurs ont été publiés dans la revue Geophysical Research Letters, ce 17 juillet 2014.
 
Rain Cell Africa est un consortium de scientifiques issus de différents instituts de recherche et d'universités, dont l'université de Ouagadougou et la Direction Générale de la Météorologie (Burkina Faso), l'université d'Abidjan (Côte d'Ivoire), les universités de Yaoundé et Douala (Cameroun) et l'IRD (France).
 
Cette innovation  va contribuer à mieux gérer les ressources en eau dans la sous-région et,  surtout, rendre plus efficaces les systèmes d'alerte contre les inondations et la sécheresse qui font de nombreux dégâts humains et matériels en Afrique de l'Ouest.
 
Le suivi des pluies dans la sous-région se fait encore avec beaucoup de difficulté et des prévisions pas toujours exactes Les réseaux d'observation de la pluviométrie au sol  sont coûteux à mettre en place et à entretenir. Quant au suivi satellitaire et aux prévisions météorologiques, ils demeurent entachés d'incertitudes.
 
Selon Modeste Kacou, de l'Université d'Abidjan-Cocody, l'un des co-auteurs de ces travaux de recherche,  la méthode qui a été mise au point est "extrêmement innovante. Elle va permettre de suivre désormais de façon précise dans les pays d'Afrique de l'ouest les pluies à partir des données fournies par les opérateurs nationaux de téléphonie mobile", a-t-il confié à SciDev.Net.
 
Modeste Kacou explique que le principe mis au point consiste à tirer parti d'une propriété des pluies bien connue des professionnels de la télécommunication. "Les gouttes d'eau atténuent le signal radio transmis entre deux antennes. Deux phénomènes interviennent. D'une part, elles absorbent une fraction de l'énergie véhiculée par les ondes. De l'autre, elles diffusent ces ondes et les détournent de leur trajet initial. Ainsi, lorsqu'il pleut entre deux antennes-relais, l'intensité des signaux reçus chute", a indiqué le scientifique ivoirien.
 
Selon lui, les compagnies de téléphonie mobile  mesurent et enregistrent ces perturbations du signal hertzien, afin de connaître en permanence l'état de santé de leur réseau.
 
En prenant en compte toutes ces données, les chercheurs du consortium Rain Cell Africa ont amélioré le suivi et la spatialisation des pluies. "La méthode a une fiabilité de 95 % pour détecter les événements pluvieux", précise le scientifique ivoirien.
 
Dans le cadre de leurs travaux, les chercheurs se sont appuyés sur les données de l'opérateur burkinabé Télécel Faso sur l'atténuation du signal hertzien, enregistrées par la compagnie lors de la mousson de l'année 2012.
 
Eugène Yao, chercheur à l'Université d'Abidjan-Cocody, estime que la nouvelle méthode a fait ses preuves au laboratoire. Cependant dans sa phase de vulgarisation, elle reste conditionnée à la collaboration des compagnies nationales de téléphonie mobile, ce qui n'est pas gagné d'avance. "Il s'agit de mettre à la disposition des chercheurs l'ensemble des données brutes collectées et qui fournis aussi l'ensemble des informations stratégiques sur leurs entreprises",  a-t-il expliqué.
 
Selon lui, en plus de convaincre les opérateurs nationaux de téléphonie mobile de collaborer à cette mission d'intérêt général, il faut trouver un cadre formel qui garantit la confidentialité des données reçues. "Il faut tout mettre en œuvre, pour que ces données ne tombent pas aux mains des concurrents. Car il s'agit des sociétés qui travaillent dans un environnement concurrentiel, où chacun veut maximiser ses profits", a conclu Eugène Yao.