12/08/20

La conservation et la biodiversité, victimes collatérales de la COVID-19

Elephant
L'eléphant est l'une des cibles privilégiées du braconnage qui s'accentue du fait de la COVID-19. Crédit image: Alex Stra Alex Strachan de Pixabay chan de Pixabay

Lecture rapide

  • Les restrictions dues à la COVID-19 ont stoppé les opérations des agences de conservation et le tourisme
  • Privées des revenus que généraient ces activités, les communautés se ruent sur les ressources naturelles
  • Les chercheurs prescrivent le développement d’un tourisme local et d’un modèle africain de conservation

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Selon une étude publiée le 29 juillet dans la revue Nature Ecology and Evolution, les restrictions des mouvements de personnes dues à l’actuelle crise sanitaire provoquent de sérieux ennuis pour la conservation de la biodiversité en Afrique et pour les communautés qui vivent de ses retombées.
 
Selon les auteurs de cette étude en effet, la pandémie a occasionné l’effondrement du tourisme, la réduction des financements et la limitation des opérations des agences de conservation sur le terrain.
 
« L’arrêt du tourisme international compromet les modèles économiques basés sur le tourisme communautaire, mettant à mal des années d’investissements et d’efforts dans ce secteur et qui visaient à générer des bénéfices pour les populations locales », explique Alexandre Caron, chercheur au CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement ) et co-auteur de l’étude. 

“L’Afrique et sa nouvelle génération de chercheurs, de techniciens et de gestionnaires doivent aujourd’hui faire émerger des modèles africains de conservation, adaptés au contexte local et aux cultures africaines”

Alexandre Caron, chercheur au CIRAD

Par conséquent, ajoute ce dernier, certaines communautés en périphérie des aires protégées vont être obligées dans ce contexte économique dégradé, de se tourner vers l’utilisation de ressources naturelles, y compris la faune sauvage, pour survivre ; ce qui implique un risque pour les animaux sauvages…
 
Au Bénin, Is Deen O. Akambi, en charge des questions de biodiversité chez Eco Bénin, une ONG spécialisée dans l’écotourisme et le développement, partage les observations faites par les chercheurs dans leur étude et ses résultats.
 
Il dit au passage avoir noté sur le terrain une forte pression des communautés sur les ressources encore disponibles pour les besoins de survie en raison de la baisse de l’économie touristique nationale et locale.
 
En outre, l’augmentation des activités cynégétiques illégales s’observe déjà dans certaines localités d’Afrique. Ce qui, selon Alexandre Caron, « provoque une hausse des contacts entre hommes et animaux sauvages, et accroît les risques de transmission de nouveaux agents pathogènes, surtout en Afrique centrale ».
 
D’ailleurs, selon Christophe Bazivamo, secrétaire général adjoint aux secteurs productifs et sociaux, à la  Communauté de l'Afrique de l'Est (EAC), dans les pays comme le Kenya et l’Ouganda, depuis la survenue de la pandémie, « les espèces menacées et la criminalité transnationale à travers des frontières poreuses ont augmenté tandis que le braconnage de la faune pour la viande de brousse s'est intensifié significativement ».
 
Les chercheurs pensent que l’appauvrissement des communautés vivant à proximité des aires protégées et l’augmentation des activités de chasse en brousse à cause de la crise sanitaire constituent une véritable menace pour la conservation des espèces et la protection de la biodiversité.
 
« On ne peut plus aujourd’hui évaluer le succès de la conservation simplement en comptant le nombre d’animaux sauvages et les services écosystémiques rendus à la planète. Si les peuples qui entourent une aire protégée sont en insécurité alimentaire et restent pauvres, alors l’objectif n’est pas atteint », analyse Alexandre Caron.
 
Il illustre son propos avec le braconnage du rhinocéros en Afrique australe. « Tant que de jeunes mozambicains ou sud-africains seront prêts à risquer leur vie pour aller braconner un rhinocéros faute d’autres alternatives économiques, alors le succès sur le long terme de la conservation ne sera pas atteint », estime le chercheur.
 

Tourisme virtuel

Face à cette situation, Christophe Bazivamo pense que les gouvernements africains doivent accorder des soutiens directs au secteur de la conservation de la faune.
 
Pour Gauthier Amoussou, directeur exécutif d’Eco Bénin, « les Etats doivent sécuriser des espaces forestiers ou parcs à des fins de paiement de services écosystémiques et pas seulement pour le tourisme ou la chasse, tout en créant des produits locaux capables de booster l’économie locale. ».
 
Dans le même temps, « nous pensons qu’il faut développer des formes de tourisme virtuel, où le touriste peut payer des services sans se déplacer de chez lui », suggère pour sa part Is Deen O. Akambi.
 
A défaut, les chercheurs invitent les pays africains dans leur ensemble à développer le tourisme local et régional qui les rend moins dépendants du tourisme international. Sans oublier d’accompagner les communautés locales vivant autour des aires protégées dans leur adaptation aux changements globaux, notamment le changement climatique.
 
Mais, par-dessus tout, Alexandre Caron pense que « si les communautés locales sont maintenues dans un état de pauvreté extrême, elles n’auront pas d’autre choix que d’exploiter les ressources naturelles qui existent ».
 
Selon lui, le bien-être des communautés est probablement la clé de la conservation en Afrique. Car, elles reposent sur des systèmes de connaissances locales de la nature et de son fonctionnement que l’on doit valoriser.
 
« L’Afrique et sa nouvelle génération de chercheurs, de techniciens et de gestionnaires doivent aujourd’hui faire émerger des modèles africains de conservation, adaptés au contexte local et aux cultures africaines », précise Alexandre Caron.