15/02/19

Ebola : Les chauves-souris toujours pointées du doigt

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De nombreuses études mettent en cause les chauves-souris, considérées comme le réservoir naturel du virus Ébola - Crédit image: LeeYiuTung

Lecture rapide

  • Des études à grande échelle montrent que les chauves-souris hébergent le virus Ébola sans être malades
  • En revanche, un fort taux de mortalité a été observé chez les singes ayant contracté la maladie
  • Ces précisions sur le rôle de ces animaux permettent de progresser dans la compréhension de la pathologie

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Les chauves-souris tendent à s’imposer comme les véritables réservoirs du virus Ébola, tandis que les singes apparaissent de plus en plus comme de simples hôtes intermédiaires. C’est à cette conclusion que sont parvenus deux chercheurs de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) dans deux études dont les résultats ont été publiés le mois dernier.
 
Cette nouvelle étude intervient dans un contexte où les chercheurs et les spécialistes de la santé publique continuent de déployer des efforts pour venir à bout de l'épidémie d'Ebola, en République démocratique du Congo, qui a fait 521 morts, selon le dernier bilan établi ce 14 février par le ministère congolais de la Santé.
 
Selon le virologue Ahidjo Ayouba, qui a mené ces travaux avec sa collègue Martine Peeters, cela signifie que les grands singes sont sensibles au virus, au même titre que les humains, alors que les chauves-souris hébergeraient le virus sans être malades, avec la possibilité de le transmettre aux êtres humains ou à d’autres animaux.

“Cette étude ouvre des pistes de recherche, notamment vers une meilleure connaissance et potentiellement des actions sur les chaînes d´interactions entre la chauve-souris et l´Homme.”

Selidji Agnandji Todagbe – Centre de recherches médicales de Lamabaréné

Les deux chercheurs s’appuient sur des travaux antérieurs qui ont montré une forte mortalité de grands singes, notamment les gorilles, causée par le virus Ébola.
 
« Compte tenu de cette létalité élevée et de l’absence de détection d’anticorps chez ces grands singes, cela implique qu’ils ne peuvent pas être les animaux où le virus circule naturellement », analyse Ahidjo Ayouba.
 
Pour renforcer ces deux hypothèses qui n’étaient jusque-là que de simples évocations dans des études précédentes, les deux chercheurs ont travaillé sur un échantillon de grande taille : soit 4.022 chauves-souris et 4.649 primates non humains répartis dans quatre pays : Cameroun, Côte d’Ivoire, Guinée et République démocratique du Congo.
 
Selon un communiqué de presse publié par l’IRD, la force de ces deux études réside dans l’élargissement des zones géographiques considérées, le doublement du nombre de chauves-souris et le triplement de celui de primates testés jusqu’ici en une seule étude, l’unicité de la technique utilisée permettant une homogénéité des résultats, et la pluralité des espèces de virus testées.
 
« Finalement, explique l'IRD, huit espèces de chauves-souris ont révélé la présence d’anticorps réactifs (…) À l’inverse, les chercheurs n’ont trouvé de signe de contact que chez un seul singe, de la famille des cercopithèques et aucun anticorps réactif chez les grands singes ».
 
« Certaines espèces de chauves-souris, comme Eidelon helvum et Hypsygnatus monstruosus, largement répandues sur le continent, ont même montré des preuves de contacts avec deux espèces du virus Ébola, Zaïre et Soudan », précise Martine Peeters, citée par le document.
 
« Cela conforte donc l’hypothèse que [les singes] sont seulement des hôtes intermédiaires du virus, et non les réservoirs. Les preuves se multiplient ainsi pour assigner un rôle aux chauves-souris », conclut le communiqué.
 
Selidji Agnandji Todagbe, l’un des directeurs du Cermel (Centre de recherches médicales de Lamabaréné) au Gabon, n’est pas surpris par les résultats de ces travaux, du moment que l’hypothèse de chauves-souris comme réservoirs des virus est plausible depuis environ quinze ans.
 
« La taille des études récentes et la rigueur méthodologique vont en faveur de cette évidence », dit-il, ajoutant que cette étude « ouvre des pistes de recherche, notamment vers une meilleure connaissance et potentiellement des actions sur les chaînes d´interactions entre la chauve-souris et l´Homme ».
 

Transmission du virus à l´Homme

 
A ce propos, Ahidjo Ayouba indique qu’il existe plusieurs possibilités de contacts : « ils peuvent être directs, car en fonction des milieux, ces mammifères peuvent être chassés et consommés. Ils peuvent être aussi indirects via les déjections de ces animaux ou par la consommation de restes de fruits mangés par certaines espèces frugivores », dit-il.
 
Mais, Selidji Agnandji Todagbe reste convaincu que la transmission du virus à l´Homme se fait davantage par des hôtes intermédiaires du virus, notamment les singes et d´autres animaux. « D’où l´intérêt souvent d´agir sur la consommation de gibiers en périodes épidémiques et de sensibiliser tout le temps sur la prudence en présence de tout animal mort spontanément », explique-t-il.
 
Quoi qu’il en soit, « les mécanismes exacts restent à démontrer », souligne Ahidjo Ayouba. En attendant, la confirmation progressive du rôle des chauves-souris dans la transmission du virus Ébola agite déjà les idées des chercheurs quant à la conduite à tenir.
 
« La confirmation de l´hypothèse des chauves-souris comme réservoir n’a pas un impact révolutionnaire sur les stratégies de prévention et de traitement de la maladie », prévient Selidji Agnandji Todagbe.
 
Le chercheur du Cermel confie au passage que « sur un plan très spéculatif, certains évoquent l´idée de vacciner les animaux ; pas les chauves-souris, mais les intermédiaires entre les chauves-souris et les humains, tels que les singes ». Une éventualité que l’intéressé juge irréaliste.