03/09/21

Côte d’Ivoire : L’annonce d’un faux cas d’Ebola fait douter de l’Institut Pasteur

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Dans un laboratoire de test d'Ebola à Sinje au Liberia. Crédit image: UNMEER (CC BY-ND 2.0)

Lecture rapide

  • Les résultats des prélèvements envoyés dans un laboratoire en France se sont révélés négatifs à l’Ebola
  • Des syndicats de la santé doutent de tous les tests jusque-là réalisés par l’Institut Pasteur d’Abidjan
  • La mise en place et l’équipement d’instituts et centres de recherche ultra performants sont préconisés

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[ABIDJAN] Dans un communiqué publié le 31 août dernier, le ministre de la Santé, de l’hygiène et de la couverture maladie universelle, Pierre Dimba, précise que la jeune patiente de 18 ans, présentée comme un cas Ebola, le 12 août dernier, n’était finalement pas porteuse du virus Ebola.

En effet, les résultats des prélèvements envoyés pour une confirmation dans un laboratoire de référence accrédité pour les fièvres hémorragiques virales, notamment le laboratoire Bio-Mérieux de Lyon en France, sont revenus négatifs.

En conséquence, « le gouvernement a décidé de classifier cette patiente comme non-cas de maladie à virus Ebola, sortant du coup la Côte d’Ivoire de la liste des Pays à virus Ebola », annonce le ministre de la Santé dans son communiqué.

“Cela jette un discrédit sur tout ce qui est résultat qui est prononcé en rapport avec la maladie à coronavirus. On est en droit de se poser des questions sur tous les résultats alarmants, communiqués au quotidien”

Valentin Koulaï, MASSIP

Dans un autre communiqué rendu public le même 31 août, l’OMS confirme que cette patiente n’était pas porteuse du virus Ebola et précise que « de plus amples analyses sur la cause de sa maladie sont en cours ».

L’organisation rappelle aussi que depuis que la Côte d’Ivoire a annoncé la détection du cas d’Ebola, plus de 140 contacts ont été listés en Côte d’Ivoire et en Guinée. « Aucune autre personne n’a présenté des symptômes de la maladie, ni n’a été testée positive à Ebola », peut-on lire.

L’organisation indique qu’elle a pour cela décidé de rétrograder ses interventions en Côte d’Ivoire du niveau de riposte à celui d’état d’alerte.Si pour le moment le ministère ivoirien de la Santé n’a pas jugé utile d’expliquer ce qui s’est passé, le syndicaliste Valentin Koulaï, secrétaire général national du Mouvement des agents pour un système de santé ivoirien performant (MASSIP) s’indigne.

Il estime que ce diagnostic controversé a mis la patiente qui s’est révélée ne pas être un cas Ebola à la une des réseaux sociaux « et ce n’est pas fait pour honorer l’image du pays ».

Aujourd’hui, « cela jette un discrédit sur tout ce qui est résultat qui est prononcé en rapport avec la maladie à coronavirus. On est en droit de se poser des questions sur tous les résultats alarmants, communiqués au quotidien », ajoute-t-il.

Le porte-parole de la coalition des syndicats de la santé, Narcisse Koffi, pose quant à lui la question de la « confiance à l’Institut Pasteur ».

« Quelle crédibilité sur les tests qui en sortent ?» S’interroge-t-il, annonçant une rencontre des syndicats pour donner une suite à ce dossier. Car, soutient-il, « nous sommes tout autant acteurs qu’usagers du service de santé ».L’Institut Pasteur d’Abidjan qui avait réalisé les analyses et annoncé un test positif à l’Ebola a été approché par SciDev.Net ; mais, ses responsables n’ont pas souhaité s’exprimer.

Plus prudent, Albert Kouakou Yao, sociologue de la santé et enseignant-chercheur à l’université Jean Lorougnon Guédé de Daloa, pense que ce n’est pas forcément un mauvais diagnostic.

« Cela peut découler de la performance des outils utilisés pour faire le diagnostic. Cela pose plutôt la question de la qualité des équipements de nos instituts de recherche », analyse-t-il.

Non-regret

Rappelons que le 14 août 2021, la Côte d’Ivoire avait déclaré un cas de la maladie à virus Ebola (MVE) suite à l’analyse par le laboratoire de l’Institut Pasteur d’Abidjan d’un prélèvement effectué chez une patiente partie de Guinée le 8 août et arrivée à Abidjan le 12 août.

A l’annonce de cette information, « le gouvernement [avait] immédiatement entrepris toutes les actions de santé publique (surveillance, prise en charge des cas, vaccination des personnes à risque, prévention et contrôle des infections dans les structures de santé et en communauté etc…) pour répondre à cette épidémie, sécuriser la population et arrêter sa propagation », rappelle le ministre ivoirien de la Santé.

Des actions appuyées par l’OMS qui, en ligne avec la politique de non-regret qu’elle suit, avait mobilisé une douzaine de ses experts pour soutenir les efforts de la Guinée et de la Côte d’Ivoire et 5000 doses de vaccins contre Ebola, initialement destinées à la Guinée, ont été envoyées à la Côte d’Ivoire.

De plus, l’OMS avait débloqué 500 000 dollars US de son Fonds de réserve pour les situations d’urgence afin de soutenir le pays à initier une riposte rapide, précise l’organisation.

Si Albert Kouakou Yao apprécie la réactivité et le déclenchement de la procédure nationale qui démontrent que les autorités sanitaires nationales ne prennent pas à la légère les cas de menaces sanitaires, le sociologue de la santé soutient qu’à l’avenir, « l’Etat doit songer à doter nos instituts et centres de recherche de réactifs ultraperformants de dernière génération ».