15/09/21

Burkina : Le comité pour valoriser la recherche ne rassure pas les chercheurs

African researchers
Les chercheurs africains souffrent de la faible valorisation de leurs travaux. Crédit image: US Army Africa (CC BY 2.0)

Lecture rapide

  • L’observation montre que les résultats de la recherche et de l’innovation sont sous-valorisés dans le pays
  • Le comité entend remédier à ce problème en prenant le relais des travaux des chercheurs et innovateurs
  • Des chercheurs doutent de son efficacité au regard des structures similaires déjà existantes

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[OUAGADOUGOU] Les membres du comité interministériel de pilotage de la stratégie nationale de valorisation des technologies, inventions et innovations au Burkina Faso ont été officiellement installés, le 20 août 2021, par la ministre déléguée chargée de la Recherche scientifique, Aminata Coulibaly.

Ledit comité est composé de 25 personnalités issues du monde scientifique, des inventeurs, des innovateurs, des acteurs du secteur rural. Il aura pour mission d’organiser, de piloter et d’orienter les actions de valorisation des résultats de la recherche au niveau national.

L’objectif global est de promouvoir l’utilisation efficiente des résultats de la recherche, des inventions et des innovations pour le développement durable du pays.

“La valorisation des résultats de la recherche laisse à désirer. Ce qui fait que le chercheur est obligé de tout faire. S’il trouve, il doit encore valoriser, commercialiser… Cela bloque la recherche”

Sylver Salga, inventeur et innovateur

« La valorisation des résultats de la recherche et des innovations constitue un défi majeur à relever par le Burkina Faso au regard des résultats importants générés par les chercheurs et les innovateurs dans tous les domaines », affirme Harouna Benao, planificateur à l’Agence nationale de valorisation des résultats de la recherche et des innovations (ANVAR) et membre du Comité.

Constat

Selon le constat fait par Harouna Benao, les résultats de la recherche peinent à être valorisés. « Souvent les chercheurs et innovateurs ne savent pas que l’ANVAR existe. Or, il faut qu’ils informent sur leurs trouvailles pour qu’elles soient valorisées. Voilà pourquoi, cette stratégie a été élaborée », explique-t-il.

Pour Sylver Salga, inventeur et innovateur, ayant à son actif plusieurs inventions telles que le climax Z 1000 ou la chambre froide solaire multifonctions breveté à l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI), le problème de la sous valorisation des résultats de la recherche se situe au niveau de la chaine de valorisation des inventions qui est limitée voire non considérée.Conséquence : « La valorisation des résultats de la recherche laisse à désirer. Ce qui fait que le chercheur est obligé de tout faire. S’il trouve, il doit encore valoriser, commercialiser… Cela bloque la recherche. Il n’y a pas une politique claire et ambitieuse de la valorisation des résultats des recherches. Ce qui fait que beaucoup de travaux sont dans les tiroirs. »

Enjeu

Toutefois, Sylver Salga salue la mise en place du comité. Mais, il estime que l’enjeu, c’est ce que le comité fera concrètement pour la promotion des résultats de la recherche.

« Ce n’est pas des institutions du genre qui manquent. Nous avons l’ANVAR, le fonds national de la recherche et de l’innovation pour le développement…Mais, la question est qu’est-ce que le comité va faire de plus que ces derniers ? » S’interroge le chercheur.

Pour lui, le comité ne devrait pas se contenter d’élaborer des rapports et d’organiser des ateliers… « nous sommes à l’étape où il faut aller au concret ». « L’inventeur ne devrait pas être celui qui est en train de valoriser sa recherche. Il devrait pouvoir prospérer dans sa recherche pendant qu’il y a une chaine de valeur qui la valorise. Comme cette chaine manque, nous sommes obligés de valoriser nous-mêmes nos recherches. Il faut revoir la donne pour que le comité ne soit pas un comité théorique », martèle-t-il.

François Zougmoré, directeur du laboratoire matériau et environnement de l’unité de formation et de recherche en sciences de la vie et de la terre de l’université Pr Joseph Ki Zerbo de Ouagadougou, abonde dans le même sens. Il précise que le comité ne devrait pas être un instrument de plus.

« Il faudra qu’il apporte quelque chose de supplémentaire pour la valorisation des résultats de la recherche tout en faisant sortir les trouvailles des tiroirs pour qu’elles deviennent des outils de développement », préconise l’enseignant.

Utilisation des résultats de la recherche

Ce dernier rappelle que les chercheurs burkinabè produisent énormément. « Beaucoup de trouvailles sont faites dans beaucoup de domaines et ce qui manque c’est la valorisation », soutient-il.

Face à ces doutes, Harouna Benao se veut plutôt rassurant. Selon ses explications, avec la mise en place de ce comité, les résultats de la recherche seront plus visibles parce que dans le plan national de développement économique et social 2, les autorités gouvernementales demandent l’utilisation intensive des résultats de la recherche.

« Avant, les résultats n’étaient pas capitalisés et c’était difficile de montrer ce qui est fait et les résultats valorisés. Maintenant avec le comité et les activités sur le terrain, nous aurons des documents officiels qui prouveront qu’il y a effectivement une valorisation des recherches dans tous les domaines au Burkina », rassure-t-il.