04/03/22

Bilharziose : Vers un traitement pour les enfants de moins de 5 ans

Bilharzia
La bilharziose se contracte au contact des eaux douces où vivent ses parasites. Ici, des enfants dans l'eau du fleuve Zambèze. Crédit image: Mary Gillham Archive Project (CC BY 2.0)

Lecture rapide

  • Ce traitement montre un taux de guérison de près de 90% chez les enfants de 3 mois à 5 ans
  • Cette tranche d’âge était jusque-là exempte des traitements proposés contre cette maladie
  • Cette évolution permet d’envisager d’élargir la population-cible pour ce médicament

Envoyer à un ami

Les coordonnées que vous indiquez sur cette page ne seront pas utilisées pour vous envoyer des emails non- sollicités et ne seront pas vendues à un tiers. Voir politique de confidentialité.

[ABIDJAN] Un traitement de la bilharziose pédiatrique à base de Praziquantel chez les enfants de 3 mois à 6 ans, présente un taux de guérison de 82 à 89%.

Consistant en une dose retenue de 50mg/kg, ce traitement a fait ses preuves lors de la troisième phase d’un essai clinique mené à la fois en Côte d’Ivoire et au Kenya entre 2019 et 2021.

Eliezer N’goran de l’Unité de formation et de recherche (UFR) en biosciences de l’université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan-Cocody explique qu’il était question d’effectuer la « recherche pour la formulation et la dose la plus efficace pour le traitement des enfants d’âge préscolaire ».

“Si on met à disposition cette forme de la molécule, [on] pourra, avec les partenaires d’appui, élargir la population cible pour prendre en compte les enfants de 3 mois à 14 ans”

Norbert Djè, coordonnateur du PNLMTN

Car, le médicament jusque-là utilisé pour traiter les cas de bilharziose ne peut être administré aux enfants de moins de 5 ans ; ce qui est « source du réensemencement dans le milieu », soutient le chercheur.

Olivier Kouakou, préparateur en pharmacie au Centre hospitalier régional de Man soutient que le goût de ce médicament et son adaptation à l’âge des enfants sont les innovations de ce traitement.

« On arrive à 50 mg adaptable au poids de l’enfant sans incidence ; là où avant, c’était un gros comprimé de 600 mg qu’il fallait casser souvent en trois sans être certain d’avoir la dose conforme », explique-t-il.

En outre, « il est plus facile à administrer. Avant c’était amer. Et le troisième avantage est le caractère “dispersible”, plus facile à adapter au poids de l’enfant », relève Olivier Kouakou.Selon la fiche technique de l’étude supervisée par Eliezer N’goran, l’objectif recherché était de « démontrer l’efficacité / la sûreté de la formule et la dose retenue sur un plus grand nombre d’enfants âgés de 3 mois à 6 ans, infectés par l’une des formes de bilharziose : S. mansoni et S. haematobium ».

La troisième phase de ces essais cliniques a porté sur cinq cohortes (groupes). L’équipe ivoirienne a travaillé sur la bilharziose intestinale et celle du Kenya, sur la bilharziose urinaire. Sur 1405 personnes présélectionnées, 114 issues de 29 villages ont pu participer à l’essai en Côte d’Ivoire.

A l’arrivée, le taux de guérison de 82 à 89% est supérieur à celui de 70 à 80% généralement observé pour les autres médicaments.

Pour Norbert Djè, coordonnateur adjoint du Programme national de lutte contre les maladies tropicales négligées (PNLMTN), « l’étude arrive à un bon moment car, on avait cette tranche de 3 mois- 6 ans qui était à risque et qui pouvait contracter la maladie ».

« Avec la forme “comprimés” du médicament qui existait, on avait cette population qui nous échappait. Si on met à disposition cette forme de la molécule, le Programme pourra, avec les partenaires d’appui, élargir la population cible pour prendre en compte les enfants de 3 mois à 14 ans, étant entendu qu’on a la molécule sous 2 formes », projette Nobert Djè.

113 districts endémiques

A Kiélé, un des villages où les essais ont été menés dans la région de Man (Ouest), le chef Anatole Monsia, se réjouit de ces travaux qui ont permis la guérison des enfants traités.

« Nous ne savions pas qu’il y avait la maladie dans l’eau. Ils ont pris les enfants pour Man et ils sont revenus guéris. On sait maintenant qu’il y a la maladie dans l’eau et j’ai fait passer le message dans le village pour la surveillance des enfants », assure l’autorité traditionnelle.Encore appelée schistosomiase, la bilharziose est une maladie provoquée par des parasites qui vivent dans les eaux douces.

« Tout le territoire national est menacé avec une forte concentration à l’ouest, au centre, au sud-ouest et les facteurs sont les activités humaines en contact avec l’eau, la gestion du péril fécal », explique Eliezer N’goran.

Selon Nobert Djè, les 113 districts sanitaires ivoiriens sont endémiques à la bilharziose avec 5 districts hyper-endémiques (avec un taux de prévalence supérieur ou égal à 50%) que sont Touba, Koro, Ouaninou, Bangolo et Zouan-Hounien.

Selon les données de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 236,6 millions de personnes avaient besoin d’un traitement préventif contre la bilharziose en 2019, alors que le nombre des personnes traitées était de 105,4 millions.

Pour Eliezer N’goran, il « faut faire en sorte que le médicament parvienne à ceux qui en ont besoin ».

Mais avant, il faudra procéder à l’analyse des données du Kenya et de la Côte d’Ivoire, l’enregistrement du médicament, l’étude de mise en œuvre de la distribution de masse du médicament et l’intégration du médicament dans les campagnes de traitement de masse.