19/03/18

Tabac : l’Afrique doit redoubler d’efforts

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Jeune fumeuse - Crédit image: Peter Bernik

Lecture rapide

  • En Afrique sub-saharienne, la consommation de tabac a augmenté de 52% en 35 ans
  • En cause, la croissance démographique et le marketing agressif des industries du tabac
  • Les experts appellent à la mise en place de législations plus contraignantes

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La 17e Conférence mondiale "Tabac ou santé" (World Conference on Tobacco Or Health – WCTOH), qui s’est tenue du 7 au 9 mars au Cap, en Afrique du Sud, encourage les pays africains à renforcer les moyens de lutte contre le tabagisme, à un moment où l’industrie du tabac jette son dévolu sur les pays à faible législation.
 
D’après l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), près de 80% du milliard de fumeurs dans le monde vivent dans des pays à revenu faible ou intermédiaire.  
 
La dernière édition de "L'Atlas du tabac", publiée à l'occasion de la Conférence du Cap, estime qu’en Afrique sub-saharienne, la consommation de tabac a augmenté de 52% entre 1980 et 2016, en raison de la croissance démographique, mais aussi du marketing agressif des producteurs de cigarettes, qui visent les populations vulnérables d’Afrique, d’Asie et du Moyen-Orient.
 
Flore Ndembiyembe, médecin allergologue, présidente de la Coalition Camerounaise contre le Tabac, estime que "l’Afrique a parfois des problèmes fondamentalement différents comme le faible engagement des Etats, les obstacles et lenteurs à l’adoption des réglementations, le retard technologique et les barrières culturelles."
 
Ces problèmes pourraient être discutés lors d’une pré-conférence africaine en vue de permettre aux Africains de trouver des positions harmonisées à présenter au reste du monde, ajoute-t-elle.
 
Au Cameroun, où l’Institut National de la Statistique a noté en 2013 que 8,9% des adultes utilisent des produits du tabac, il y a des changements au sein de la population.
 

Avertissements graphiques

Un texte imposant les avertissements graphiques sur les emballages des produits du tabac a été adopté.
 
De plus, l’enquête de 2013 note que parmi les fumeurs actuels, 35,5% ont pensé à arrêter de fumer en raison de ces mises en garde sanitaires.
 
Les fumeurs sans aucun niveau d’instruction formelle (5,8%) et ceux âgés de 65 ans et plus (9,7%) sont proportionnellement les moins nombreux à penser à arrêter de fumer, en raison de ces mises en garde sanitaires.
 
La lutte progresse également au Sénégal, qui applique depuis quelques mois la loi anti-tabac votée en mars 2014 et portant interdiction de fumer dans les lieux publics, ou de faire de la publicité, de la promotion et du parrainage du tabac.
 
L’OMS a constaté en effet que ces genres d’interdiction permettent de réduire la consommation de tabac de 7% à 16%.
 
Lors de la conférence du Cap, le Sénégal a du reste été primé par l'organisation caritative Bloomberg Philanthropies pour ses mises en garde sanitaires qui couvrent jusqu’à 70% des deux faces des paquets de cigarettes, contre 60 à 65% pour la plupart des autres pays.

"Ces messages et images choc ont marqué tout le monde, les fumeurs comme les non fumeurs. Cela a fait arrêter certains fumeurs car ils ne veulent plus voir ces images", confie Djibril Wele, secrétaire général de la Ligue sénégalaise de lutte contre le tabagisme (Listab).
 

Deux milliards de cigarettes par an

Il s’agit de ne pas donner la possibilité à l'industrie du tabac d'utiliser les paquets de cigarettes comme un moyen de promotion ou de communication.
 
La prochaine étape pour la Listab est de faire adopter des paquets neutres, comme l'ont fait des pays comme la France, l'Uruguay et l'Australie et de mettre en place un numéro vert pour assister ceux qui veulent arrêter de fumer.
 
Le Sénégal est en effet un pays à forte consommation, avec 2 milliards de cigarettes par an, soit un chiffre d'affaires de 50 milliards de Francs CFA.
 
Selon la dernière enquête de l'Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd), le pays compte 500.000 fumeurs adultes réguliers.
 
D’autres enquêtes parcellaires effectuées en 2013 en milieu scolaire montrent que 23,5% des garçons de 10 à 14 ans fument régulièrement au collège, contre 13% des filles.
 
Selon Djibril Wele, l’industrie du tabac a fait beaucoup de lobbying pour que la loi ne soit pas appliquée et pour susciter des lenteurs dans la mise en place des signatures du décret d'application.
 
"Elle continue de taper à toutes les portes, mais… nous nous battons aussi. Nous avons une société civile très forte et bénéficions d’une réelle volonté politique manifestée par le gouvernement et les autres institutions".
 
A l’image de la Listab qui regroupe près de 30 associations et ONG membres, la plupart des organisations africaines anti-tabac bénéficient du soutien de la Fondation Bill et Melinda Gates, qui met à disposition de petites subventions à travers des partenaires comme the Campaign for Tobacco-Free Kids (CTFK) et the African Capacity Building Foundation (ACBF).