15/10/18

Une épidémie de choléra secoue le bassin du lac Tchad

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La mauvaise hygiène et l'insalubrité sont souvent les causes principales de la propagation de la maladie - Crédit image: Wollwerth

Lecture rapide

  • Trois pays exposent l'ensemble de la région à de graves risques sanitaires liés au choléra
  • Plus de 6 millions de personnes vivent dans les zones touchées dans la région
  • Les fortes pluies et les inondations, surtout au Nigeria, risquent de propager la maladie

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Le bassin du lac Tchad est confronté à la pire épidémie de choléra depuis 2010, avec au cœur du drame, trois pays : le Nigeria, le Cameroun et le Niger.

Selon les Nations unies, 38.000 cas et 845 décès ont été déclarés dans les trois pays depuis le début de l'année, soit 15 fois le nombre moyen de cas de choléra au cours des quatre dernières années.

Les régions touchées forment un bassin démographique de plus de 6 millions et d'habitants et les experts estiment qu'en raison des forts mouvements de population, une propagation vers d'autres pays n'est pas à exclure, d'où l'urgence d'agir à tous les niveaux.

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La maladie est endémique dans plus de 20 pays du monde, mais pour le seul compte du continent africain, plus de 40 millions de personnes vivent dans des zones à risque du choléra.

Selon Dominique Legros, chargé de la lutte contre le choléra au département pour les pandémies et les épidémies à l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), à plusieurs endroits, il s'agit d'une continuation d'épidémies en cours depuis plusieurs mois, voire plusieurs années.

Le responsable onusien explique, dans une interview à SciDev.Net, que les facteurs à l'origine des épidémies sont les changements climatiques, les migrations forcées, les conflits prolongés, l'insécurité alimentaire et le faible accès aux services de santé.

“C'est dans la même eau du Goulbi de Maradi que les gens se lavent, urinent, font leurs besoins, avant de la consommer. Il s'agit d'un véritable nid de choléra.”

Mossi Maïga Alhassane, coodonnateur santé et nutrition de la Croix Rouge nigérienne

Selon l'OMS, au 20 septembre 2018, les pays touchés à l'échelle mondiale par une épidémie de choléra (ou présumée de choléra) sont le Cameroun, la RDC, l'Éthiopie, Haïti, l'Inde, le Kenya, le Malawi, le Mozambique, le Nigéria, le Niger, la Somalie, le Soudan, la Tanzanie, le Yémen et le Zimbabwe.

Dans le cas de l'épidémie actuelle dans le bassin du Lac Tchad, son épicentre semble se situer dans le Nord du Nigeria, zone endémique caractérisée par l'absence d'infrastructures sanitaires de base.

La responsable de la communication du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU, Samantha Newton, révèle qu'il y avait eu 3.126 cas de choléra dans les États de Borno et de Yobe au mois de septembre. La maladie a touché 168 zones administratives locales dans 17 États du pays : Adamawa, Anambra, Bauchi, Borno, Ebonyi, Gombe, Jigawa, Kaduna et Kano, Katsina, Kogi, Nasarawa, Niger, Plateau, Yobé, Sokoto et Zamfara.

Elle a également touché certaines parties du territoire de la capitale fédérale, Abuja.

De plus, selon les experts du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU, douze États ont été touchés par de graves inondations depuis la fin août. La corrélation entre les inondations et le choléra augmente considérablement le risque d'épidémie plus étendue et pourrait facilement atteindre le centre du pays, estime l'ONU, dans un communiqué de presse.

Des chiffres récents publiés par le Nigeria Centre for Disease Control ont révélé qu'environ 517 Nigérians sont morts du choléra et que 27.927 cas suspects ont été enregistrés au 10 septembre 2018.

Au Cameroun voisin, selon un rapport de situation publié le 11 septembre dernier par le ministère de la Santé, 267 cas de choléra ont été notifiés, dont 22 décès et l'épidémie semble être sous contrôle.

En revanche, au Niger, la situation est toujours aussi préoccupante.

Selon des documents du ministère de la Santé publique consultés par SciDev.Net, au total, 3.711 cas ont été enregistrés dans douze districts, pour 69 décès, au 4 octobre dernier.


Selon le ministère de la Santé, 90% des cas sont importés du grand voisin du Sud, le Nigeria.

Toutefois, Mossi Maïga Alhassane, coodonnateur en matière de santé et nutrition à la Croix Rouge nigérienne, précise que la région la plus touchée est celle de Maradi, avec le district de Madarounfa, qui comptait 2621 cas à lui seul et 42 décès, à la date du 10 octobre.

Maradi est la deuxième ville la plus peuplée du Niger, après Niamey, avec 267.249 habitants.

Selon Mossi Maïga Alhassane, les épidémies de choléra dans la région trouvent aussi leur source dans une eau stagnante, le Goulbi de Maradi et dans des conditions hygiéniques qui laissent à désirer.

"C'est dans la même eau du Goulbi de Maradi que les gens se lavent, urinent, font leurs besoins, avant de la consommer. Il s'agit d'un véritable nid de choléra", explique le responsable nigérien.

Cet avis est corroboré par Dominique Legros, qui explique que "le choléra est intrinsèquement lié à l'approvisionnement en eau et à l'assainissement, car il se propage lorsque les gens consomment de la nourriture ou de l'eau contaminées."

"Plus de 2 milliards de personnes dans le monde boivent de l'eau provenant de sources contaminées par des matières fécales pouvant véhiculer la bactérie du choléra, et 2,4 milliards ne disposent pas d'installations sanitaires de base", rappelle Dominique Legros.

Le responsable onusien estime en outre que le secteur de la santé ne peut à lui seul prévenir et contrôler les épidémies de choléra, soulignant le besoin de partenariats solides et une réponse dans de nombreux secteurs, en particulier dans l'investissement et la maintenance des installations d'eau, d'assainissement et d'hygiène (WASH – Water, Sanitation and Hygiene) à l'échelle de la communauté.

Au Niger, la Croix-Rouge est aux avant-postes de la riposte. Elle a ainsi assuré la formation de 175 volontaires et 20 superviseurs, pour la sensibilisation des populations.

"Les volontaires se livrent également à des opérations de désinfection", explique encore Mossi Maïga Alhassane. "Dès qu'un cas est détecté, les volontaires se rendent sur place pour faire de la désinfection intra-domiciliaire chez les voisins du patient et assurent la sécurisation de ses objets personnels."

Au-delà de la situation dans ces trois pays, les experts redoutent surtout la possibilité que l'épidémie s'étende à d'autres pays. L'épidémie actuelle dans le bassin du lac Tchad suit en effet le même schéma que celle de 2010, qui avait touché 63.000 personnes et fait 2610 morts au Nigeria, au Cameroun, au Niger et au Tchad. Elle s'est poursuivie jusqu'en 2011 avec 64.000 personnes touchées et 2043 décès.

Dans un communiqué, l'ONU estime que de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest ont réalisé de grands progrès dans l’élimination du choléra au cours des dernières années (Burkina Faso, Guinée, Mali, Sénégal…), et l’épidémie en cours pourrait inverser considérablement les progrès réalisés, si elle n’était pas rapidement maîtrisée.