24/05/17

Recyclage des ordures en Égypte: gagner sa vie sur l’autel de la santé

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Il existe une pratique de recyclage standard dans de nombreux pays: les ménages trient leurs déchets avant de les jeter, avec des conteneurs séparés affectés, les uns, à des déchets solides de différents types et les autres, aux déchets organiques.
 
Mais en Égypte, les ménages produisent encore des déchets mélangés. Cela expose les agents de la voirie à de sérieux risques de santé.
 
Pourtant, les éboueurs du Caire se sont opposés à une décision récente du gouverneur de la ville de mettre en place un système encourageant les citoyens à trier et vendre leurs propres ordures.
 
La mise en place de kiosques à déchets est une nouvelle approche qui a été mise à l'essai dans certains quartiers de la capitale, en mars dernier. L'idée consiste à encourager les gens à trier leurs propres ordures, à vendre les matériaux solides récupérés dans ces kiosques et à faire don de l'argent aux organismes de bienfaisance de leur choix.

Mais les éboueurs de la ville, qui tirent des prébendes de la vente de déchets récupérés, se sont opposés à la décision, après une réunion tenue le 13 avril avec Shehata al-Moqadis, chef du syndicat des agents de la voirie.

Ils ont également exigé une augmentation du coût de la collecte des ordures dans les quartiers où ces kiosques sont déjà disponibles – de cinq à 30 livres égyptiennes par mois (160 à 970 Francs CFA).
 
La plupart des agents de la voirie du Caire vivent dans le quartier d'Ezbet El-Zabbaleen, encore connu sous le nom de Village des éboueurs.

Il est situé le long d'une route menant au quartier de Mokattam, où les véhicules déchargent des tonnes de déchets collectés par les résidents du quartier avant leur tri, leur traitement et leur recyclage.

Garbage 1

Dès que vous mettez les pieds dans le quartier, vous êtes accueilli par une odeur agressive et ne pouvez vous empêcher de vous demander comment les habitants peuvent s'y adapter.
 
"Tout comme je ne peux pas écrire comme vous, vous ne pouvez pas tolérer cette odeur comme moi", a déclaré Magdy Mosaad, l'un des récupérateurs, fier de sa capacité à tolérer l'odeur pestinentielle, alors que je me pinçais le nez pour parler. "C'est mon métier et c'est comme ça que je gagne ma vie".
 
Les déchets organiques sont déposés dans des décharges gérées par la ville.
 
Mohammed Bakri, 57 ans, est l'un des travailleurs qui séparent les matériaux solides, comme le plastique et le verre, avant qu'ils ne soient envoyés dans les usines pour recyclage.
 
"C'est mon métier, je ne sais rien faire d'autre et chaque profession présente ses dangers", a-t-il estimé, un chiffon autour d'une main blessée, tout en triant les ordures.

Garbage 2

J'ai découvert plus tard que Bakri avait été infecté par le virus de l'hépatite C – et pourtant, il ne souhaitait pas changer de métier.
 
Il avait atteint l'âge où trouver un autre emploi est difficile. "Dans cette profession, j'ai un revenu quotidien de 80 livres [égyptiennes] (environ 2580 Francs CFA), que je consacre à mes enfants", me dit-il, avec un sourire de contentement. "Que Dieu le préserve pour nous et éloigne les kiosques de déchets".L'idée de créer des kiosques est également rejetée par Sa'eed Kerolos, qui opère dans le secteur du tri des ordures avec sa femme et ses deux filles.
 
Sa'eed affirme qu'il se préoccupe des risques de santé qui peuvent affecter sa famille.
 
"Le plan du gouvernement a commencé avec 10 kiosques, avec trois personnes travaillant dans chacun d'entre eux, soit un total de 300 emplois", a-t-il déclaré. "D'autre part, cela affectera des milliers de familles travaillant [déjà] dans ce domaine".

Garbage 3
Al-Moqadis s'attend à ce que l'idée échoue. Il croit que cela rendra Le Caire plus pollué. "Qu'est-ce qui me motivera à rassembler des ordures si je sais que cela ne contient pas les matériaux solides que j'utilise?" s'interroge-t-il, en montrant des tonnes de verre qu'il compte récupérer.
 
"Cette odeur, que vous ne pouvez tolérer pendant un bout de temps, celui qu'il faut pour finir votre reportage, envahira toutes les rues du Caire si nous décidons d'aller en grève", ajoute-t-il, avec confiance.

Garbage 4

Selon Islam Jamal-Eddin, enseignant à l'Institut d'études environnementales et de recherche de l'Université Ain Shams, le problème ne concerne pas que l'odeur.
 
"Il y a également des gaz toxiques", a-t-il déclaré, qui peuvent infiltrer l'air à la suite de la décomposition des déchets organiques – le méthane, par exemple, les oxydes d'azote, le sulfate d'hydrogène et le dioxyde de carbone.

Garbage 5

Selon lui, l'Egypte a besoin d'un système intégré de recyclage des déchets.
 
Islam Jamal-Eddin croit que Shehata al-Moqadis et ses collègues éboueurs ont un rôle à jouer pour éviter une situation où les ordures de la ville ne seraient pas collectées.
 
Parallèlement, il se dit convaincu qu'un système intégré devrait être conçu, de manière à ne pas rendre les éboueurs vulnérables aux maladies transmissibles qu'ils peuvent contracter lors du tri des ordures.
 
Il souligne que la plupart des travailleurs sont infectés par le virus de l'hépatite C parce qu'ils sont en contact direct avec les déchets médicaux, tels que les aiguilles, qui peuvent contenir du sang infecté par le virus.

Garbage 6