13/11/17

Un atlas pour comprendre les mouvements migratoires en Afrique

Africa Bus Migrations
Crédit image: UNHCR

Lecture rapide

  • La plupart des migrations se font entre les pays du continent, voire dans un même pays
  • Les hommes sont partout majoritaires, sauf en RDC, au Burkina Faso et au Mozambique
  • Cet atlas peut aider les décideurs à saisir les opportunités qu’offrent les migrations

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Une vingtaine de chercheurs issus de différentes institutions de recherche, de groupes de réflexion et d’organisations internationales ont publié le 2 novembre dernier le tout premier atlas sur les migrations rurales en Afrique subsaharienne.
 
Intitulé "Rural Africa in motion" (L’Afrique rurale en mouvement), c’est un ensemble de cartes et de figures qui donnent un aperçu des principaux courants migratoires sur le continent et aident à en comprendre les dynamiques.
 
"La migration africaine est un processus complexe, avec plus de catégories de personnes en mouvement, allant vers un plus grand nombre de destinations, à la fois dans leur propre pays et dans d'autres pays africains, ou qui se déplacent par étapes, d'abord à l'interne et ensuite à l’étranger", observe Cristina Rapone, spécialiste en migration et en emploi rural à la FAO et co-auteure de l’atlas.
 
Néanmoins, on estime que 33 millions d’Africains vivaient hors de leurs pays en 2015, ce qui représentait alors 14% de l’ensemble des migrations à l’échelle mondiale.
 
Même si les migrations vers l’Europe font régulièrement l’actualité, l’étude a découvert que l’essentiel des migrations africaines se fait à l’intérieur même du continent.
 
Ainsi, 75% des Africains qui se déplacent restent sur le continent, tandis que les migrations internes sont majoritaires, avec par exemple la moitié des Kenyans et des Sénégalais et jusqu’à 80% des Nigérians et des Ougandais qui migrent vers une autre localité de leurs pays respectifs.
 
"Les migrants internes proviennent principalement des zones rurales, tandis que les migrants internationaux viennent principalement des zones urbaines", précise Cristina Rapone.
 
Par ailleurs, l’Afrique de l’Est et l’Afrique de l’Ouest apparaissent comme les régions les plus dynamiques du continent en matière de migrations intra-régionales, en partie du fait de la libre circulation.
 
A titre d’illustration, les chercheurs constatent qu’en Afrique de l’Ouest, les migrations se structurent autour de quatre grands systèmes : la vallée du fleuve Sénégal, l’axe Côte d’Ivoire-Burkina Faso, le Golfe de Guinée et le Sahel, dans son ensemble.
 
Parmi les facteurs explicatifs, l’Atlas cite la pression anthropique, la détérioration de l’environnement, du fait des changements climatiques et l’insécurité, due aux conflits au Mali et dans la région du lac Tchad.
 
En outre, complète Cristina Rapone, "la pauvreté et l'insécurité alimentaire, le manque d'emplois et de revenus, l'accès limité à la protection sociale, touchent plus souvent et plus sévèrement les zones rurales".
 
Interrogé par SciDev.Net, Félix Watang Ziéba, géographe et enseignant-chercheur à l’université de Maroua, au Cameroun, ajoute une autre clé à la compréhension du phénomène.
 
"L’Afrique au sud du Sahara est en pleine transition démographique, avec des taux de croissance qui dépassent par endroits 3%. Cette dynamique démographique se caractérise par des mobilités humaines qui s’intensifient depuis cinquante ans", dit-il.
 
"Après les migrations organisées par les jeunes Etats africains au lendemain des indépendances, dans le cadre des politiques d’aménagement du territoire, des migrations spontanées internes et internationales se développent dans les pays du sud", poursuit l’intéressé.
 
Si ces migrations concernent tout le monde, l’Atlas indique que les hommes représentent 60% des migrants en Afrique de l’Est et 80% en Afrique de l’Ouest.
 
"Cela peut s'expliquer en partie par des contraintes sociales spécifiques affectant les femmes rurales", commente Cristina Rapone.
 
Cette tendance connaît pourtant une exception au Mozambique, au Burkina Faso et en République démocratique du Congo (RDC), où ce sont les femmes qui se déplacent le plus, ce qui peut être dû à "une fréquence élevée de femmes, souvent des jeunes filles, travaillant comme domestiques, en particulier en Afrique de l’Ouest", estime encore Cristina Rapone.
 
Au-delà de ces détails, Félix Watang Zieba préfère surtout retenir l’utilité de l'outil. "La publication d’un atlas, estime-t-il, permet à la fois de mettre à la disposition des décideurs et partenaires au développement des données actuelles concrètes et précises sur les migrations rurales en Afrique et de rendre compte de la diversité des cas et modèles dans les différentes zones étudiées".
 
Pour le chercheur camerounais, les migrations à l’intérieur du continent constituent une opportunité à saisir, dans la mesure où "elles fournissent une main d’œuvre essentielle au développement des économies africaines et sont aussi source d’échanges et d’innovation".
 
"Leur régulation constitue tout de même un défi, notamment en zone rurale, afin de favoriser une gestion durable des ressources naturelles", souligne le chercheur.