17/08/20

Cameroun : controverse sur le vaccin contre le cancer du col utérin

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Une campagne de vaccination en Afrique. Crédit image: Sanofi Pasteur (CC BY-NC-ND 2.0)

Lecture rapide

  • Le pays prévoit de lancer en septembre une campagne de vaccination ciblant environ 400 000 jeunes filles
  • Mais, doutant de l’innocuité de ce vaccin, beaucoup de parents n’entendent pas y soumettre leurs enfants
  • Chercheurs, médecins et associations de promotion de la santé sont pourtant formels : ce vaccin est sûr

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[DOUALA] Le gouvernement camerounais prévoit d’introduire en septembre 2020 le Gardasil, vaccin contre le cancer du col de l'utérus et les autres infections génitales liées aux papillomavirus humains (PVH), dans le Programme élargi de vaccination (PEV) sur des filles de 9 à 13 ans , avec pour objectif de vacciner environ 400 000 jeunes filles.
 
Mais, les doutes concernant l’innocuité et la fiabilité de ce vaccin, en particulier la crainte qu’il puisse entraîner l’infertilité chez les jeunes filles, fait d’ores et déjà planer une menace sur le succès de cette campagne, de nombreux parents ayant déjà pris la résolution de ne pas y soumettre leurs enfants.
 
Cette méfiance est alimentée par certains leaders d’opinion, à l’exemple de Jean Marc Ngoss, le président national du Parti de l’Esprit d’Avril 48.
 
Dans une correspondance adressée au présidence de la République le 22 juillet 2020, il écrit : « Le Parti de l'Esprit d'Avril 48 par ma voix vient, via cette correspondance, dénoncer la campagne de vaccination prévue sur 339 908 fillettes de 9 ans (nos enfants) et qui se prépare sur l'ensemble du territoire, contre le cancer du col de l'utérus et autres infections génitales dès le 23 septembre prochain ».  

“Il serait bon de procéder au préalable à une bonne communication pour faire adhérer les populations afin de vaincre les préjugés et les idées reçues”

Jodelle Kayo, Positive Generation

Contacté par SciDev.Net, il fait savoir que ses enfants ne se feront pas vacciner. « Le peuple camerounais ne saurait nullement être un peuple de cobayes pour les grosses firmes pharmaceutiques », ajoute-t-il.
 
Il se justifie en affirmant que « plusieurs vidéos de mise en garde dont une du professeur Henri Joyeux, cancérologue et chirurgien français, circulent sur les réseaux sociaux pour dénoncer les effets secondaires de ce vaccin à base de Gardasil et de Cervarix ».
 
Et il conclut en disant que si un grand pays comme le Japon a arrêté de l’administrer, c’est qu’il est nécessaire de s’interroger sur l’efficacité de ce vaccin.
 
En effet, après avoir introduit ledit vaccin dans son programme de vaccination en 2010, le Japon avait dû le retirer trois ans plus tard du fait de certains effets secondaires observés chez certaines patientes.
 
Même son de cloche du côté d’Emile Toukam, un naturopathe bien connu pour ses réserves envers la médecine moderne. « Nous savons que le vaccin contient de l’aluminium et on a vu certains vaccins à base d’aluminium attaquer le cerveau », dit-il.
 
En conséquence, il conseille « aux Africains de ne pas accepter ce vaccin contre le cancer du col de l’utérus ; mais de faire plutôt les dépistages précoces et de se mettre sous traitement au besoin ». 
 

 
Point focal régional de la surveillance épidémiologie du ministère de la Santé publique dans la région de Douala, James Longsi estime que si la vaccination contre les HPV fait polémique au Cameroun, c’est parce qu’elle arrive juste à un moment où il y a une accumulation de préjugés sur la vaccination.
 
L’un de ces préjugés, à l’en croire, étant associé à la gratuité du vaccin. « Quand les gens voient que cette campagne est gratuite, ils pensent que c’est du poison qu’on va introduire dans l’organisme des enfants », analyse-t-il.
 
A cela, Positive Génération, une organisation de promotion de la santé et des droits humains, ajoute que certaines personnes ont peur de l’inconnu. Et que pour d’autres, c’est faute de connaissance parce qu’ils n’ont peut-être pas été suffisamment sensibilisés ou pas du tout sensibilisés.
 
« Les raisons sont assez variées, mais il serait bon de procéder au préalable à une bonne communication pour faire adhérer les populations afin de vaincre les préjugés et les idées reçues », indique Jodelle Kayo, responsable de cette organisation pour la région de Douala.
 
Au passage, Positive Génération, balaie d’un revers de la main les suspicions autour du vaccin contre le cancer du col de l’utérus et assure que ce vaccin contre les papillomavirus humains est efficace.
 
« Pour certains experts de la santé avec lesquels nous avons travaillé, ce vaccin protège la jeune fille à plus de 99% et à vie et ses effets secondaires sont très réduits », ajoute Jodelle Kayo.
 

40 ans d’études

Ce que confirme James Longsi. Dans un entretien avec SciDev.Net, celui-ci fait savoir que les projets de vaccination pilote menés en 2014 dans certaines villes du Cameroun, en l’occurrence Edéa et Foumban, n’ont révélé aucun effet secondaire sérieux jusqu’à présent.
 
D’ailleurs, « ce vaccin existe en pharmacie et il est prescrit par certains gynécologues. Il y a même des femmes qui viennent dans les formations sanitaires et qui demandent que l’on fasse vacciner leurs enfants », assène-t-il.
 
Il invite au passage ces personnes à faire des témoignages dans les médias pour rassurer les parents qui doutent encore de l’efficacité et de l’innocuité de ce vaccin.
 
Pour sa part, le cancérologue Blaise Nkegoum du Centre hospitalier universitaire de Yaoundé rappelle qu’un vaccin est mis sur le marché après de longues études. Concernant ce vaccin contre le cancer du col de l’utérus, il précise qu’il a nécessité des recherches pendant plus de 40 ans.
 
« Donc, si des gens restent à la maison et critiquent un travail sur lequel des milliers de chercheurs ont travaillé, je trouve que c’est trop léger. C’est un vaccin qui est sûr. Même s’il peut avoir des effets indésirables comme pour toute substance », tranche-t-il.
 
D’après les données officielles, le cancer du col de l’utérus représente la 2e cause de cancer chez les femmes au Cameroun. Avec une incidence de 30 pour 100 000 femmes au Cameroun contre une incidence mondiale de 15 pour 100 000 femmes, le nombre annuel de nouveaux cas et de décès dans le pays est respectivement de 2 356 et de 1 546.