06/08/18

Réduire les coûts ne suffit pas pour stopper l’hépatite C

HCV
Le virus de l'hépatite C Crédit image: Centers for Disease Control and Prevention

Lecture rapide

  • Les médicaments bon marché contre l'hépatite C n'ont pas encouragé les gens à se faire soigner
  • Les diagnostics lents sont coûteux et frustrent les patients
  • La stigmatisation liée à l'hépatite s'ajoute au test pour former des barrières au traitement

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[AMSTERDAM] Selon une nouvelle enquête, la fourniture de médicaments bon marché contre le virus de l’hépatite C (VHC) a eu un succès limité dans la lutte contre la maladie, en particulier en Asie du Sud-Est.
 
L'enquête, qui a coïncidé avec la journée mondiale contre l'hépatite, le 28 juillet, a montré que les personnes les plus exposées au VHC, y compris les consommateurs de drogues injectables et les personnes vivant avec le VIH / SIDA, sont moins susceptibles d'accéder au traitement malgré la disponibilité de médicaments bon marché dans la majeure partie de la région au cours des sept dernières années. En Malaisie, par exemple, le coût d'un traitement efficace est passé de 12 000 à 300 dollars.
 
Le VHC qui entraîne une insuffisance hépatique, est associé au VIH / SIDA. Les deux sont des maladies qui se transmettent de manière similaire par transfusion sanguine, par partage d’aiguilles souillées et par des rapports sexuels non protégés. De nombreux patients atteints du VHC sont infectés par le VIH, ce qui s'ajoute aux complications responsables de 350 000 à 500 000 décès dans le monde chaque année. 
 

“Il a été dit à beaucoup de patients de ne pas embrasser leurs enfants et de garder leurs vêtements séparés, parce qu’on pense que le VHC peut être transmis par la sueur”

Caroline Thomas, spécialiste de la santé publique, Persaudaraan Korban Napza Indonesias

 
Réalisée par Coalition +, un groupe d'activistes communautaires soutenant les personnes atteintes du VHC, l'enquête a identifié plusieurs obstacles aux soins, notamment le manque de centres de traitement ainsi que la faible sensibilisation des professionnels de la santé et de la population en général.
 
"Malgré de nombreuses politiques et programmes, l'accès au traitement reste un obstacle", explique Maria Donatelli, responsable du plaidoyer sur les hépatites chez Coalition +.
 
Cette dernière dit que le diagnostic peut durer jusqu'à 10 jours, une longue période pendant laquelle beaucoup de personnes ne peuvent pas se permettre d’être absentes au travail. "Techniquement, le diagnostic est gratuit, mais il y a des coûts cachés. Ce que les décideurs politiques ne comprennent pas, c’est que ce n’est pas le travail des gens d’être malades", souligne-elle.
 
Coalition + a interrogé 51 professionnels de la santé spécialisés dans le VHC et 240 personnes à risque en Inde, en Indonésie, en Malaisie, au Maroc et en Thaïlande. Ils ont constaté qu’en Inde et en Thaïlande, les gens étaient plus préoccupés par les coûts du traitement alors que les patients d’Indonésie, de Malaisie et du Maroc étaient davantage interessés par l’absence au travail. Les enquêtés thaïlandais craignaient que le coût du voyage et des soins supplémentaires à la famille ne les laisse sans argent.
 
Le VHC peut ne pas être détecté pendant des décennies, ce qui fait que les gens ne suivent pas de traitement pour ce qu'ils considèrent comme un problème de santé mineur. Quelque 55 à 85% des patients développent alors une infection chronique causée par le VHC, dont environ un tiers contracte une cirrhose du foie mortelle.
 
Selon le rapport mondial de 2017 sur l'hépatite de l'OMS, l'Asie du Sud-Est représente environ 10% des 71 millions de personnes vivant avec le VHC, mais à peine 1% d'entre elles savent qu'elles en sont atteintes. Un nombre encore plus restreint a commencé le traitement du fait de  médiocres équipements et d'experts en nombre insuffisant. Par exemple, les 250 millions de citoyens indonésiens ne peuvent compter que sur 130 médecins spécialisés dans l'hépatite… 

Stigmatisation

La stigmatisation, l'autre gros problème identifié par le rapport, est exacerbée par le manque de connaissances sur la maladie chez les professionnels de la santé.
 
Par exemple, "il a été dit à beaucoup de patients de ne pas embrasser leurs enfants et de garder leurs vêtements séparés, parce qu’on pense que le VHC peut être transmis par la sueur", témoigne Caroline Thomas, spécialiste de la santé publique chez Persaudaraan Korban Napza Indonesia.
 
Celle-ci a confié à SciDev.Net que les patients peuvent aussi refuser le traitement par peur d'être assimilés aux porteurs du VIH. "En raison de la longue attente et de la stigmatisation, beaucoup de personnes abandonnent le traitement en chemin", dit-elle.
 
L'objectif des Nations unies est d'éradiquer le VHC d'ici 2030. Le rapport d'enquête suggère que le traitement de l'hépatite soit intégré aux autres soins de santé pour réduire la stigmatisation. Il demande également aux gouvernements de renforcer l’éducation des médecins et du public sur la maladie tout en rapprochant les services de santé des patients, en particulier dans les zones rurales les plus pauvres.
 
Le mari de Caroline Thomas a été diagnostiqué comme porteur du VHC chronique en 2011. Le couple vit également avec le VIH, mais comme ils ont pu avoir accès à un traitement, leurs deux enfants sont nés sains. "Nous voulons que davantage de personnes aient accès au traitement pour que leurs enfants puissent être en bonne santé", affirme-t-elle.
 
Cet article a été produit par l'édition Asie & Pacifique de SciDev.Net.