18/10/13

Bénin : L’exploitation du beurre de karité dopée par de nouveaux outils

Benin Shea Butter
African Shea Butter Crédit image: Daveynin/Flickr

Lecture rapide

  • Le « complexe Alafia », composé d’un broyeur, d’un moulin et d’une baratte, a été mis au point par des chercheurs du ministère béninois de l’Agriculture
  • Ces outils visent à réduire la pénibilité du travail de traitement du karité, souvent laissé à la charge des femmes et à augmenter le rendement
  • Si les associations de femmes s’accordent pour saluer l’efficacité des machines mises à leur disposition, en revanche, elles déplorent leur coût élevé

Envoyer à un ami

Les coordonnées que vous indiquez sur cette page ne seront pas utilisées pour vous envoyer des emails non- sollicités et ne seront pas vendues à un tiers. Voir politique de confidentialité.

L’Institut national de recherches agricoles du Bénin (Inrab), avec la collaboration d’une structure locale spécialisée dans la fabrication de machines agricoles, a mis au point trois machines-outils (« le complexe Alafia ») pour faciliter le travail de traitement du karité dans le Nord du pays.

Cet ensemble de machines dont l’appellation évoque en langue locale la paix, le bonheur ou l’épanouissement, réduit considérablement le caractère fastidieux du travail de traitement du karité et accroit la productivité, avec à la clé, une meilleure rentabilité économique.

«C’est lors de nos recherches sur le terrain que nous nous sommes rendus compte de la pénibilité du travail pour les femmes qui sont presque les seules représentées dans le secteur. Nous avons donc pris l’initiative de créer des machines pour les soulager un tant soit peu », a confié à SciDev.Net Mme Pélagie Agbobatinkpo, chercheuse au Programme Technologies agricoles et alimentaires (Ptaa), une structure de l’Inrab. « Cela nous a pris plusieurs années de travail, mais nous y sommes parvenus à force de travail et d’abnégation », a-t-elle poursuivi.

La machine est composée d’un broyeur, pour réduire les amandes de karité, d’un moulin, pour remplacer l’opération de pilage au mortier et d’un moulin (à maïs ou à meules en pierre) pour remplacer la mouture à l’aide de la pierre à écraser.

Les trois machines sont tournées alternativement par un moteur diesel d’une capacité de 8 chevaux-vapeur et réduisent considérablement le temps de transformation des amendes de karité.

Avant la mise au point du « complexe Alafia », le travail du karité requérait beaucoup de temps et d’énergie.

Les femmes y passaient de nombreux jours pour un rendement qui ne leur permettait pas de répondre entièrement aux demandes sur le marché local. 

Les opérations de transformation, du ramassage des fruits au malaxage du beurre et au conditionnement, en passant par le décorticage, la torréfaction des noix et le barattage de la pâte, se faisaient à la main.

Le complexe Alafia en quelques chiffres
Le broyeur Le moulin La baratte
Capacité horaire de 370kg/h Capacité horaire de 50-60kg d’amandes Capacité horaire de 100kg de pâte
Consommation: 1,6 litre de gas-oil pour 1 tonne d’amandes Consommation: 1,6 litre de gas-oil pour 1 tonne d’amandes Taux d’extraction de 36-39 kg par heure

Ces opérations nécessitaient beaucoup d’efforts physiques et plusieurs jours de travail, pour un faible rendement. 

Les femmes, désormais réunies en coopératives pour acquérir la machine, se disent très soulagées.

« Auparavant, j’utilisais le pilon et le mortier pour broyer mes amandes, mais aujourd’hui, je réalise aisément cette opération à l’aide du broyeur fourni avec le complexe Alafia », explique ainsi Fatou, membre d’une mutuelle. 

« Il permet d’avoir des amandes broyées de tailles comprises entre 2et 5 mm », précise-t-elle.

A l’en croire, grâce à leurs nouvelles conditions de travail, pour le moins améliorées, les femmes arrivent désormais à mieux prendre en charge les besoins de leur foyer et ont plus de temps pour s’occuper de l’éducation de leurs enfants.

“Le défi est énorme. Mais grâce à la volonté politique dont l’Etat fait preuve depuis peu dans le domaine des recherches scientifiques et technologiques, l’espoir est permis.”

Paul Houssou, directeur du Programme "Technologie agricole et alimentaire"

Pour Mme Affissatou Bani, présidente de «Nassiara», une organisation non gouvernementale pour la défense des droits des femmes, c’est un pas important dans la marche vers l’autonomisation des femmes béninoises, qui représentent plus de 52% de la population.

Pour une meilleure prise en charge des femmes elles-mêmes, elle réclame une plus grande implication du gouvernement, afin de faciliter l’acquisition de la machine pour les groupements des femmes opérant dans le secteur.

 

Coût élevé

 
En effet, l’installation du « complexe Alafia» coûte encore trop cher.

A titre d’exemple, le moulin à maïs et le moteur coûtent 530.000FCFA, tandis que le broyeur sans moteur vaut 524.000FCFA.
 
De l’avis de Mme Affissatou Bani, d’autres joyaux plus novateurs et une meilleure organisation du secteur sont nécessaires pour bâtir une véritable filière, gage d’un avenir plus serein pour les milliers de femmes qu’il draine désormais.

Les responsables du Programme technologie agricole et alimentaire sont eux-mêmes conscients des limites de leurs inventions. «C’est un premier pas que nous venons de faire. Les recherches sont toujours en cours pour aboutir à des infrastructures plus performantes et plus accessibles pour des résultats efficients», a confié à SciDev.Net Mme Pélagie Agbobatinkpo.

Même espoir chez Paul Houssou, directeur du Programme "Technologie agricole et alimentaire". "Certes, le «Complexe Alafia», qui est une avancée pour les femmes dans la transformation du karité (26% de la filière) ne supprime pas entièrement le travail physique, mais l’avenir est très prometteur", a-t-il déclaré, se basant sur les bonnes perspectives des travaux en cours.

Par exemple, la recherche a pu aboutir récemment à la mise au point d’un appareil pour la torréfaction ainsi que des décortiqueuses. Elle travaille déjà pour mettre au point un filtre à huile et un déshydrateur. 

"Le défi est énorme. Mais grâce à la volonté politique dont l’Etat fait preuve depuis peu dans le domaine des recherches scientifiques et technologiques, l’espoir est permis", assure-t-il.