16/09/14

Afrique de l’Ouest: Ebola, une menace pour la sécurité alimentaire

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Crédit image: Flickr/CGIAR Climate

Lecture rapide

  • La production agricole a chuté dans plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest affectés par l'épidémie d'Ebola
  • En raison de la fermeture des frontières terrestres, décidée par certains Etats, les circuits de distribution de produits alimentaires ont quant à eux été fortement perturbés
  • La FAO a lancé un cri d'alarme et mis en garde contre les menaces à la sécurité alimentaire

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L'épidémie d'Ebola en Afrique de l'ouest fait peser une menace sur la sécurité alimentaire de la sous-région.

L'épidémie d'Ebola, qui affecte plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest, a des effets néfastes sur le secteur agricole dans la région.

Selon l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), près de 2300 personnes ont succombé à ce jour à la maladie.

En réponse, l'OMS a décrété, vendredi 8 août, que le virus Ebola représentait une "urgence de santé publique de portée mondiale" et les gouvernements de la Guinée, du Libéria et de la Sierra Leone ont pour leur part décrété l'état d'urgence et décidé de la mise en œuvre de mesures de prévention et d'éradication, dont des restrictions sur la circulation des personnes.

Si elle juge ces mesures nécessaires, la FAO estime en revanche que les restrictions sur les déplacements des personnes sont une source d'inquiétudes quant à la sécurité alimentaire dans la région. 
 
Deux semaines après le cri d'alarme de la FAO, la situation dans les zones affectées devient de plus en plus tendue.
 
Les récoltes les plus compromises concernent le maïs, le riz, le sorgho, considérés comme la base de l'alimentation dans cette partie de l'Afrique sub-saharienne.
 
La production fruitière est également touchée.
 

Fermeture des frontières

 
L'entrave à la libre circulation des biens et des personnes du fait de l'épidémie de fièvre Ebola, a eu un impact sérieux à Ecok, localité du sud-ouest camerounais qui fait frontière avec le Nigeria.
 
Dans cette zone où les produits de première nécessité se font de plus en plus rares, les prix des denrées alimentaires ont connu une hausse fulgurante.
 
Les commerçants déplorent un important manque à gagner, les populations dont les sources de revenus sont liées au petit commerce craignent pour leur part pour la viabilité de leurs activités, tandis que les personnes venant du Nigeria mises en quarantaine depuis plusieurs jours, s'insurgent contre leurs conditions d'isolement.
 
Dave Jonke est chauffeur de camion. Il transporte du maïs et des bananes plantain. 
 
Joint au téléphone par SciDev.Net, il explique avoir été mis en quarantaine à Ecok dans le sud-ouest du Cameroun.
 
Dave se plaint des conditions de son isolement côté camerounais où, dit-il, les personnes mises en quarantaine sont confinées à sept, voire dix par chambre.
 .
Selon ses dires la plus grande conséquence est l'immobilisation de son camion de 45 tonnes, de l'autre côté de la frontière.
 
"Nous sommes ici depuis six jours déjà et chaque jour qui passe, une importante quantité de marchandises transportées pourrit. Une semaine cloués ici nous fait perdre plusieurs millions de Francs CFA".
 
Il y a des dizaines de gros porteurs de l'autre côté, dont les chauffeurs sont bloqués.
 
Dave déplore aussi la promiscuité dans laquelle vivent les personnes mises en quarantaine.
 
"Vous imaginez bien que si quelqu'un souffrait d'Ebola parmi nous, nous ne pourrions rien faire", se plaint-il.
 
Assiatou est quant à elle vendeuse d'ignames et de bananes plantain.

Dans un anglais approximatif, elle explique avoir été mise en quarantaine depuis cinq jours.
 
Ses produits commencent à pourrir.
 
Son petit commerce, dit-elle, est sérieusement compromis.

"Qui va nourrir mes cinq enfants restés de l'autre côté au Nigéria ? Où trouver l'argent ? La rentrée des classes approche à grands pas", fait-elle remarquer.
 
L'autre facteur important est lié au fait qu'en raison de la propagation du virus, la mobilité des populations a nettement diminué.
 
Ibrahimou Khalifa, de la région de Nzérékoré en Guinée, révèle que depuis l'apparition de la maladie dans cette région, à cause de l'exode massif de la population, les champs sont laissés à l'abandon.
 
"Les gens ont très peur de respirer le virus. Donc de plus en plus de personnes restent à la maison. C'est la saison des pluies, mais déjà on sent que cette année, les récoltes ne seront pas comme celles des dernières années".
 
En plus de la crainte qu'ont les populations de se déplacer, les fermetures des frontières compliquent davantage la situation.
 
Un douanier en poste dans la localité de Mora, dans le nord du Cameroun, près de la frontière avec le Nigeria, affirme ainsi que le gouvernement a donné instruction de ne pas laisser passer les biens et les personnes en provenance de ce pays où opèrent les militants du mouvement islamiste Boko Haram, et où plusieurs cas de personnes infectées par le virus Ebola ont été recensés.
 
Ici, l'armée veille donc au grain pour maintenir les frontières fermées.
 

Hausse des prix

 
Au Libéria, suite à la fermeture des frontières, la pénurie alimentaire s'installe.
 
Le taro, tubercule alimentaire des régions tropicales très prisé dans le pays et qui provenait de la Guinée, ne se trouve plus à Redlight, le plus grand centre commercial de la capitale.
 
Le piment, la pomme de terre, l'oignon, des produits traditionnellement importés à partir de la Guinée, se font de plus en plus rares. 
 
Dans la capitale, Monrovia, où la plupart des denrées alimentaires sont importées, les populations ne comptent pour l'heure que sur leurs stocks.
 
Samuel Pergaud, le porte-parole de la FAO, explique fait état d'une flambée généralisée des prix.
 
Ainsi, le prix d'un sac de 25Kg, qui coûtait 1.300 dollars libériens, se vend aujourd'hui entre 1.500LD et 1.600LD.
 
"Le demi-sac de farine qui était vendu à environ 25 dollars américains se négocie aujourd'hui à 45USD", note le responsable onusien.
 
Dans la région de Lofa, épicentre de la maladie, les populations vivent en majorité de l'agriculture.
 
Ici, des villages entiers ont été décimés. 
 
Selon un journaliste local, certains villageois ont dû abandonner leurs habitations. 
 
A Foya par exemple, une préfecture à une heure de la frontière guinéenne, "on ne trouve plus le sel et le prix du pain a presque triplé", déclare un habitant de la province.
 
"La miche de pain qui se vendait à 40LD coûte aujourd'hui 150LD", précise Michel, un habitant de Nbolahun, village de la même région. 
 
"Nous ressentons terriblement les effets de la fermeture des frontières", dit François, un résident de Voinjaima, la capitale provinciale de Lofa.
 
D'après lui, le poisson importé écoulé à Monrovia est devenu extrêmement cher et l'oignon ne se voit plus sur le marché local.
 
"Le sac de 25KG de riz se vend à 1750LD; il coûtait 1.400LD avant la fermeture des frontières", a-t-il expliqué. 
 
Dans la région de Nimba, la ville de Ganta est considérée comme le foyer de l'épidémie.
 

Exode

 
D'après les informations, les habitants ont abandonné ce chef-lieu de préfecture et se sont enfuis dans leurs villages. 
 
Le porte-parole de la FAO, qui compte visiter la région, a conclu que les populations de Ganta vivent seulement de produits locaux. 
 
Dix jours après le cri d'alarme de la Fao, la situation en Guinée n'est pas meilleure.
 
Dans ce pays, où Ebola a emporté près de cinq cents vies humaines, la flambée des prix est une réalité sur tous les marchés.
 
Pire encore, nous confie un habitant de Conakry, les prix des produits pharmaceutiques ont suivi, ce qui empêche les paysans malades de se soigner.
 
Bangoura Boucar est diabétique.
 
"Aujourd'hui, déclare-t-il, le prix de l'insuline qui coûtait entre 30 et 35 mille francs guinéens, est passé à 75 mille francs."
 
A ces facteurs qui ne plaident pas en faveur d'une exploitation optimale des terres, s'ajoute le déplacement massif des populations, à cause des conflits armés dans le nord du Mali, des activités du groupe militant nigérian Boko Haram, des fortes précipitations qui ont dégradé des sols fertiles dans les régions de la Mano River, mais aussi la cherté des intrants agricoles pour des paysans à faibles revenus dans leur grande majorité
 
La Guinée, la Sierra Leone, le Liberia et le Nigeria ont été les premiers pays touchés par la maladie depuis son apparition en début d'année.
 
Le Sénégal quant à lui, a enregistré un cas, un étudiant guinéen dont la situation s'est considérablement améliorée ces derniers jours.
 
Mais ici aussi, les circuits traditionnels de distribution de produits agricoles ont été fortement perturbés par l'épidémie.