29/08/22

L’Afrique doit se préparer à affronter la maladie à virus Marburg

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Le virus Marburg est transmis aux êtres humains par les roussettes. Crédit image: Tambako the Jaguar (CC BY-ND 2.0)

Lecture rapide

  • Les pays voisins sont en état d’alerte après une flambée de maladie à virus Marburg au Ghana
  • C’est la deuxième flambée en Afrique de l’Ouest après la confirmation d’un cas en Guinée en 2021
  • Les spécialistes de la santé estiment que les pays africains doivent collaborer pour endiguer la maladie.

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Les spécialistes de la santé demandent une surveillance et une coopération accrues pour prévenir de nouvelles flambées du virus Marburg.

L’Afrique doit améliorer son infrastructure de surveillance et de détection suite à une flambée du virus mortel Marburg au Ghana. C’est l’avertissement lancé par des responsables de la santé publique.

Le mois dernier, le Ghana a enregistré sa première flambée de maladie à virus Marburg après que des tests ont confirmé que deux hommes sont morts des suites de la maladie.

Patrick Kuma-Aboagye, directeur général du Ghana Health Service (GHS), a indiqué que les tests ont été réalisés à Accra au Noguchi Memorial Institute for Medical Research et confirmés par l’Institut Pasteur à Dakar, au Sénégal.

“L’Afrique, le Ghana et la RDC doivent collaborer en matière de prévention. Dans les pays où l’on constate une flambée, c’est la meilleure approche”

Emily Lebughe Nzimo, hôpital général de Kinshasa

Le 2 août, un représentant de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a indiqué qu’un enfant qui avait contracté la maladie est également mort. Un quatrième cas a aussi été recensé.

Patrick Kuma-Aboagye a précisé que des volontaires chargés de la surveillance dans les communautés ont été déployés pour détecter et recenser des cas de la maladie à virus Marburg qui a déjà couté la vie à trois personnes dans la région d’Ashanti au Ghana.

Franklin Asiedu-Bekoe, directeur de la santé publique au GHS a expliqué à la presse que 98 personnes avaient été placées sous stricte surveillance et que 39 individus ne sont plus considérées à risque.

Lors d’une conférence de presse au mois de Juillet il a déclaré que : « Nous approche est fondée sur l’endiguement. Alors, ce que nous faisons c’est que nous nous assurons que nous identifions tous les contacts en impliquant les membres de la communauté qui sont mieux informés. Donc, si un cas se manifeste, nous détectons et nous gérons. »C’est la deuxième fois que cette maladie zoonotique a été détectée en Afrique de l’ouest. La Guinée avait confirmé un seul cas au cours d’une flambée qui avait été déclarée terminée le 16 septembre 2021, cinq semaines après la détection du premier cas.

Avant de faire son apparition en Guinée, la maladie s’était manifestée auparavant en Afrique centrale et en Afrique de l’est.

Selon l’OMS, le virus Marburg est transmis par les roussettes. La transmission entre humains s’effectue par contact direct avec les liquides biologiques des personnes infectées ou par des surfaces et des matériaux contaminés.

La maladie à virus Marburg est une fièvre hémorragique virale hautement contagieuse qui appartient à la même famille que la maladie à virus Ébola, qui est mieux connue.

Lors d’une flambée de la maladie en République démocratique du Congo (RDC) entre 1998 et 2000, un taux de létalité supérieur à 83% a été enregistré.

Emily Lebughe Nzimo médecin à l’hôpital général de Kinshasa, en RDC, peut témoigner du danger mortel que représente le virus Marburg, surtout dans un contexte où les ressources font défaut. Elle a indiqué à SciDev.Net que des mesures de contrôle des maladies devraient être mises en place aux frontières.

« Face à une absence de traitement et de vaccin homologués, nous devons développer des mécanismes de santé publique » a-t-elle ajouté, précisant que « Nous devons déjà renforcer le contrôle des passagers au niveau des frontières. »

L’intéressée explique à SciDev.Net que la gestion de la flambée congolaise s’est révélée difficile, notamment en raison du manque de médicaments et d’équipements de protection pour le personnel de santé .

« La RDC n’avait jamais été préparée pour faire face à une épidémie généralisée sur l’ensemble du pays » a-t-elle souligné avant de poursuivre : « Donc, ce n’est vraiment pas un souhait qu’une épidémie arrive à cette ampleur qu’on a eue. »

Pour Emily Lebughe Nzimo la flambée du virus Marburg à laquelle on assiste doit être traitée comme un problème de santé publique : « Sur les 154 cas de contamination qu’on avait enregistrés en RDC, il y avait eu 128 décès. Donc, même si c’est une maladie rare, Marburg doit être considérée comme un problème de santé publique vu sa sévérité. »

Elle estime que les pays d’Afrique subsaharienne devraient collaborer et mettre leurs ressources en commun afin de combattre la maladie. Pour elle, il y a des leçons à tirer de la façon dont la RDC avait géré le virus :

« L’Afrique, le Ghana et la RDC doivent collaborer en matière de prévention. Dans les pays où l’on constate une flambée, c’est la meilleure approche ».

Elle ajoute que « Le fait que la RDC ait déjà eu affaire à cette maladie peut devenir un atout. Maintenant que nous savons comment la maladie se manifeste et comment nous l’avons gérée, nous pouvons former d’autres professionnels de la santé dans la région. »

Le « grand frère » d’Ébola

Titus Beyuo, secrétaire général de l’Association médicale du Ghana (GMA) a indiqué à SciDev.Net que les services de santé ghanéens ont pris les mesures nécessaires pour contenir la maladie.

Les organismes de santé publique d’autres pays ont aussi tiré la sonnette d’alarme.

Le 14 août, des informations concernant une flambée de maladie à virus Marburg se sont propagées au Nigeria lorsqu’un protocole de l’Hôpital universitaire d’Abuja, intitulé La maladie à virus Marburg : le Nigeria se prépare pour une possible flambée, a été divulgué. L’université a toutefois démenti qu’il y avait eu une flambée de la maladie dans le pays.

Le chargé des relations publiques de l’hôpital, Sani Suleiman, a expliqué à SciDev.Net qu’il n’y avait pas eu de flambée de maladie à virus Marburg dans l’établissement.

Selon lui, le protocole était un document interne transmis au personnel pour lui rappeler de prendre des mesures proactives en cas de flambée à Abuja ou ailleurs au Nigeria :

« Malheureusement, un de nos employés a décidé de le transmettre au grand public, sans ajouter les mesures de précaution que nous avions postées sur notre plateforme. Le message avait l’intention d’évoquer les mesures proactives en cas de flambée au Nigeria vu que le Ghana venait de recenser des cas de la maladie. »

Le responsable des communications au Centre nigérian pour le contrôle des maladies, Yahya Disu, a confirmé à SciDev.Net qu’il n’y avait pas eu de cas de maladie à virus Marburg au Nigeria. Il a ajouté que le pays avait intensifié la surveillance au point d’entrée, afin de réduire le risque d’importation depuis le Ghana.

Yahya Disu précise que le Nigeria peut réaliser des tests de dépistage du virus : « Le Laboratoire national de référence à Abuja et le laboratoire du Centre pour la virologie humaine et zoonotique de l’hôpital universitaire de Lagos ont l’équipement qu’il faut pour dépister et identifier le virus. » dit-il.

Il conclut en affirmant que « au niveau des laboratoires, nous avons la capacité humaine technique et qu’il faut pour reconnaître et gérer la maladie si elle fait son apparition dans le pays. »

Un appel à l’action

Solomon Woldetsadik, responsable des interventions d’urgence au bureau régional de l’OMS pour l’Afrique, a confié à SciDev.Net que si les autorités ghanéennes avaient bien agi rapidement, il fallait faire plus en matière de systèmes de détection et de surveillance :

« La plupart des pays cherchent à faire plus dans le domaine de la surveillance, surtout après Ébola » a-t-il expliqué, ajoutant que « des efforts sont consentis pour identifier et dépister des maladies telles que Marburg, mais il y a encore du travail à faire. »

Solomon Woldetsadik a précisé que l’OMS continuera de travailler avec les pays de la région pour les aider à identifier et endiguer les maladies.

Pour le directeur régional de l’OMS pour l’Afrique, Matshidiso Moeti, « les responsables des services de santé ont réagi rapidement, et ont pris les devants en se préparant pour une possible flambée. C’est une bonne chose car en l’absence d’actions immédiates et décisives, la maladie de Marburg peut facilement échapper à tout contrôle. »Kabinet Kourouma, médecin et chef de projet pour Amref Health Africa, une organisation à but non lucratif basée au Kenya, a confié à SciDev.Net que les voisins du Ghana doivent mettre en place des mesures de sécurité aux frontières, dont le dépistage aux points d’entrée et de sortie, le suivi auprès des passagers pour voir s’ils développent des symptômes, les mesures d’éloignement physique et le respect des conventions d’usage en cas de toux ou d’éternuement.

« Il faut renforcer les mesures aux frontières en prenant les températures, en vérifiant les symptômes » a-t-il expliqué, ajoutant que « d’un autre côté, les pays africains en général et ceux d’Afrique de l’ouest en particulier, ont tous des frontières poreuses, nous ne disposons pas d’une maîtrise totale de nos frontières ; qu’elles soient officielles ou non. C’est aussi un défi. »

Constantin Bashengezi, chercheur en pharmacognosie et directeur général des laboratoires Creppat à Kinshasa, en RDC, a indiqué à SciDev.Net que, vu qu’il n’y a pour le moment ni traitement, ni vaccin, d’autres médicaments pourraient être adaptés pour la gestion de la maladie à virus Marburg.

Il évoque des antiviraux connus localement, à savoir Ebanga, homologué en décembre 2020 pour combattre l’Ebolavirus Zaïre et l’antiviral Doubase C. développé par les laboratoires Creppat.

Pour Constantin Bashengezi, « il suffira d’étendre l’indication thérapeutique des médicaments antiviraux déjà existants à d’autres types de virus comme celui de Marburg ou celui d’Ebola, et des résultats sont possibles. »