30/08/19

Vaccin anti-VIH : Le point sur la recherche

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Les experts conviennent qu'un vaccin efficace est essentiel pour mettre fin à l'épidémie - Crédit image: Ulrike Leone - Pixabay

Lecture rapide

  • Les traitements du VIH se sont beaucoup améliorés, mais aucun vaccin viable n'a encore été mis au point
  • Les experts sont d’avis qu'un vaccin efficace est essentiel pour mettre fin à l'épidémie
  • De nouveaux essais à grande échelle suscitent un espoir prudent au sein de la communauté scientifique

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[Mexico] Malgré les progrès considérables réalisés dans le traitement et la prévention du VIH/Sida au cours des dernières décennies, un vaccin efficace reste inaccessible, même s’il est absolument indispensable pour mettre fin à la pandémie mondiale, qui tue plus de 700.000 personnes chaque année.

Le sida est causé par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et il est l’une des trois grandes maladies qui affectent la population des pays en développement, avec la tuberculose et le paludisme.
 
Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), 37,9 millions de personnes dans le monde vivent avec la maladie, dont 23,3 millions ont accès aux traitements antirétroviraux (ART), le meilleur traitement actuellement disponible.

Cela représente une augmentation de 2,3 millions de personnes sous traitement antirétroviral depuis 2016, selon des données mises à jour à l’échelle mondiale par l'ONUSIDA, en 2018. Mais l’organisation prévient que « l’extension de l’accès au traitement ne doit pas être considérée comme acquise ».

“Le seul moyen de contrôler ou d'éliminer une maladie est d'utiliser un vaccin. Un vaccin coûtera moins cher que toute autre intervention et nous en avons besoin, car nous ne sommes toujours pas près de contrôler le VIH.”

Glenda Gray, présidente du South African Medical Research Council, le Conseil sud-africain de la recherche médicale.

Le problème est que de nouvelles infections apparaissent tout le temps : au moins 1,7 million de plus chaque année, dont 160.000 sont des enfants de moins de 15 ans.

Glenda Gray, présidente du Conseil de la recherche médicale en Afrique du Sud (SAMRC), a déclaré à SciDev.Net que « le seul moyen de contrôler ou d'éliminer une maladie est d'utiliser un vaccin. Un vaccin coûtera moins cher que toute autre intervention et nous en avons besoin, car nous ne sommes toujours pas près de contrôler le VIH. Nous manquons de tous les jalons au niveau mondial et local. »

Larry Corey, chercheur principal au Réseau d'essais sur les vaccins contre le VIH (HVTN), souligne pour sa part l'ampleur de l'épidémie mondiale.

« Le VIH est toujours la pandémie de notre temps. 5.000 personnes sont infectées chaque jour », dit-il. Des chercheurs tels que Larry Corey ont travaillé à la mise au point d’un vaccin contre le VIH depuis les années 1980 et, bien que des progrès importants aient été réalisés, il n’existe toujours pas de protection viable pouvant être étendue à l’échelle mondiale.

Pourquoi est-il si difficile de trouver un vaccin qui fonctionne?

Les vaccins les plus efficaces utilisent des anticorps pour neutraliser les infections virales. Les scientifiques ont toutefois constaté que cela ne fonctionnait pas pour le VIH, car le virus se reproduisait et mutait trop rapidement pour que les anticorps soient efficaces. En outre, des recherches ont montré qu'il existe différents sous-types de VIH répartis dans le monde : alors que le sous-type B est répandu en Amérique du Nord et en Europe, le sous-type C prévaut en Afrique australe et orientale.

Le virus a également évolué pour pouvoir se « cacher » dans des cellules apparemment exemptes d’infection, supprimant ainsi les réponses immunitaires à un stade précoce de la maladie.

De plus, ajoute Glenda Gray, sa diversité génétique est supérieure à celle de tout autre agent pathogène connu à ce jour.

« Le VIH est un virus très difficile », déclare Larry Corey, expert en virologie. « Il se masque de façon jamais vue chez un virus. Il est très intelligent et utilise différents mécanismes pour se soustraire au système immunitaire et persister. Il est plus efficace que n’importe quel autre virus.

« Bien que les modèles animaux aient été largement utilisés pour rechercher l'efficacité des vaccins, ceux-ci sont généralement coûteux et ne garantissent pas que les médicaments fonctionneront chez l'homme. En raison de sa diversité génétique, le virus VIH peut provoquer des infections persistantes que notre système immunitaire n'est pas en mesure de combattre. Un vaccin doit donc faire beaucoup mieux que notre corps.»

Les recherches se sont concentrées sur la compréhension des types de réponses immunitaires à produire pour gagner la bataille contre la maladie.

L'idée est de travailler avec des anticorps capables d'identifier et d'attaquer le virus avant qu'il n'infecte largement le corps. En d’autres termes, savoir quels sont les aspects les plus vulnérables du virus sur lesquels un vaccin peut travailler pour être efficace.

Aucun modèle humain ne permet de guérir le VIH, ce qui constitue un obstacle supplémentaire. « L’une des raisons pour lesquelles nous n’avons pas reçu de vaccin est qu’aucun être humain n’a  jamais guéri du VIH », explique encore Larry Corey. « Zéro sur 72 millions. Pour chaque maladie infectieuse, au moins quelques personnes se soignent elles-mêmes, mais ce n’est pas le cas du VIH. »

Où sommes-nous actuellement ? Les essais et les promesses

Des essais cliniques de grande envergure testant l'efficacité d'un vaccin contre le VIH ont commencé à produire des résultats en 2003 et, bien qu’aucun vaccin ne soit pas encore prêt, des progrès significatifs ont été accomplis.

Parmi les plus de 100 vaccins qui ont été testés chez l'homme, la plus grande réussite à ce jour est l'essai RV144, également connu sous le nom d'« étude thaïlandaise ».

La recherche a montré les premiers résultats prometteurs d’un vaccin expérimental, mais le succès a été partiel : les participants étaient 60% moins susceptibles d’être infectés au cours des quelques mois suivant leur vaccination, mais ce pourcentage est tombé à 50% après trois ans et demie.

Linda-Gail Bekker, ancienne présidente de la Société internationale sur le sida, a déclaré à SciDev.Net : « Il est important de noter que la vaccination peut être réalisée… le vaccin thaïlandais nous l'a appris. Nous avons également trouvé des moyens de sécuriser et de créer des anticorps qui neutralisent très efficacement et se lient au virus. »

Une version modifiée du vaccin thaïlandais est en cours d’essai dans le cadre d’une étude de phase 3 à grande échelle en Afrique australe. On espère que cela réduira le risque d'infection d'au moins 50% et prolongera sa période de protection.

Les résultats seront rendus publics d'ici 2021.Une autre avancée prometteuse a été annoncée en juillet, lors de la 10ème Conférence internationale sur le sida, à Mexico: le vaccin « Mosaico », ainsi appelé parce qu’il est composé de différentes souches du virus.

Ce vaccin s'est avéré efficace dans les tests impliquant des femmes africaines et sera évalué davantage chez les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH) et les populations transgenres aux États-Unis, en Argentine, au Brésil, en Italie, au Mexique, au Pérou, en Pologne et en Espagne.

« Mosaico est le meilleur vaccin que nous ayons vu pour protéger les animaux. Nous devons maintenant voir si cela fonctionne chez l'homme », déclare Larry Corey.

Linda-Gail, directrice adjointe du Desmond Tutu HIV Center, pense que ce vaccin devrait avoir un impact mondial, s'il fonctionne. Les chercheurs de Mosaico sont prudemment optimistes à l’égard de ce nouveau vaccin « mondial », mais d’autres ont déclaré que les attentes devraient être tempérées, car le virus s’est révélé très dynamique et capable de changer rapidement, en évitant toutes les réponses immunitaires.

Selon Larry Corey, une autre solution au cas où Mosaico ne fonctionnerait pas consiste à utiliser des anticorps monoclonaux identiques, afin de déterminer si cela fonctionne mieux que l’approche Mosaico.

« Nous allons examiner les données et voir s’il s’agit de l’une ou de l’autre, ou s’il s’agit d’un peu des deux. Nous avons donc une approche alternative », ajoute-t-il.

Un récent éditorial de Nature conclut : « En définitive, seules des études d'efficacité permettront de déterminer si l'un de ces concepts prometteurs est capable de réduire les taux d'infection ou les niveaux d'infection préexistante. Mais le pipeline d’études cliniques en phase précoce et le rythme accéléré de la traduction vers des études de phase clinique sont des développements très encourageants. »

L'avenir du VIH

Trouver au moins un vaccin partiellement efficace reste d’une importance cruciale pour la riposte au VIH.

Selon l'Organisation mondiale de la santé sexuelle Avert, la réduction la plus importante du nombre de nouvelles infections serait obtenue grâce à une combinaison de prophylaxie orale préexposition (PrEP), de traitement antirétroviral universel pour les personnes vivant déjà avec le VIH et d'un vaccin.

« Un vaccin anti-VIH est une perspective plus réaliste aujourd'hui qu'il y a dix ans et une prévision optimiste quant à la disponibilité du vaccin anti-VIH est qu'il pourrait être disponible d'ici à 2030 » , indique l'organisation sur son site Internet.

Bien que la recherche sur le VIH ait toujours reçu plus de financement que toute autre maladie infectieuse, différents experts ont averti que les investissements permanents étaient menacés.

« Presque toutes les innovations en matière de vaccins sont dans le secteur public ; les sociétés pharmaceutiques et biotechnologiques restent à l'écart », a déclaré Glenda Gray.

« Il s’agit d’une activité très risquée et les entreprises l’ont donc fuie », ajoute Larry Corey.

L’étude Mosaico, un partenariat public-privé parrainé principalement par Janssen Vaccines & Prevention, bénéficie du financement de l’Institut national des allergies et des maladies infectieuses (NIAID) des US National Institutes of Health et soutenu par le HVTN, dont le siège est au Centre Fred Hutchinson de recherche sur le cancer à Seattle, ce qui facilite sa mise en œuvre.

Selon les estimations de Larry Corey, l’investissement le plus important dans la recherche sur les vaccins aux États-Unis reçoit 700 millions de dollars par an du gouvernement et 250 millions de dollars de la Fondation Bill & Melinda Gates.

« C’est vraiment le gouvernement des États-Unis et les organisations philanthropiques qui ont mis leur poids dans la balance pour que nous parvenions à un point où au moins il y a un sentiment d’optimisme quant à la possibilité de développer un vaccin contre le VIH », dit-il.

L’ONUSIDA a déclaré qu’il était urgent d’intensifier la recherche sur les vaccins anti-VIH. « Au cours des dix dernières années, les investissements sont restés stables, à environ 900 millions de dollars par an, ce qui représente moins de 5% du total des ressources nécessaires à la riposte au sida », a déclaré le groupe dans un communiqué en 2018.

« En augmentant les investissements dans la recherche sur les vaccins anti-VIH, en diversifiant les fonds et en attirant les meilleurs scientifiques du monde entier, nous pourrions faire d’un vaccin contre le VIH une réalité. »