30/09/19

Des panneaux de particules à partir de tiges de cotonnier

Cotton Main
Un ouvrier en train de traiter des tiges de coton dans un atelier du projet VATICOPP - Crédit image: Conseil ouest-africain et centrafricain pour la recherche et le développement en agriculture (CORAF).

Lecture rapide

  • Une technologie permet de transformer les tiges de cotonnier en panneaux de particules
  • Mise à l’échelle, elle augmente considérablement les revenus des producteurs
  • Cependant, le financement constitue un défi majeur que les promoteurs envisagent de relever

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Une initiative innovante vise à valoriser les tiges de cotonnier après récolte, en les transformant en panneaux de particules, communément appelés « contreplaqués. »
 
Le projet de Valorisation des tiges de cotonnier pour la fabrication de panneaux de particules (VATICOPP) est financé par l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et parrainé par le Conseil ouest et centre africain pour la recherche et le développement agricoles (CORAF), une composante de la convention UEMOA/CORAF, avec la participation de l’Institut d’Économie Rurale (IER-Mali), de l’Institut Togolais de Recherche Agricole (ITRA) et de l'INRAB (l'Institut National des Recherches Agricoles du Bénin).
 
Pour Emmanuel Sekloka, directeur du Centre de recherche agricole – coton fibre de l’INRAB (CRA – CF) et coordonnateur régional du projet, « la gestion des tiges de cotonnier après la récolte du coton graine est un problème, aussi bien pour le producteur que pour la recherche ».

“Le projet VATICOPP vient répondre à un double objectif : résoudre un problème environnemental, en éliminant le CO2 produit par le brûlage des tiges, et résoudre un problème socio-économique, en augmentant les revenus des producteurs et en créant des emplois.”

Emmanuel Sekloka, coordonnateur régional du projet Vaticopp

Dans une dynamique d’agriculture de conservation, les résidus de récolte sont normalement retournés au sol, comme de la matière organique.

« Or, il se fait que les tiges de cotonnier sont des matériaux très lents à la dégradation, ce qui amène les producteurs à les brûler pour s’en débarrasser », poursuit-il.
 
« Le projet VATICOPP vient répondre à un double objectif : résoudre un problème environnemental, en éliminant le CO2 produit par le brûlage des tiges, et résoudre un problème socio-économique, en augmentant les revenus des producteurs et en créant des emplois », renchérit Emmanuel Sekloka.

Le processus, tel qu’expliqué par le coordonnateur régional, se déroule en une série d’étapes, partant de la collecte et du broyage des tiges de cotonnier.

Le broyat est ensuite passé au tamis, afin de séparer les particules de différentes tailles. Tandis que les particules fines et moyennes serviront à fabriquer les panneaux, les grosses particules seront utilisées pour le compostage.

Suivent ensuite les étapes de dosage et pesage des intrants en fonction de la taille du panneau à fabriquer, de mélange des divers intrants, de passage dans un moule préconçu et de pressage à plus de 100°C, après quoi, le produit fini est obtenu et découpé.

À la phase expérimentale, des panneaux de 30cm x 30cm et de 9, 12 et 18mm épaisseur sont produits et servent à la fabrication de meubles.
En ce qui concerne leur qualité, l’expert certifie qu’elle est bonne, précisant notamment qu’après les tests réalisés en laboratoire, la résistance des panneaux de particules à base de tiges de cotonnier produits dans l’unité pilote du Bénin est meilleure que celle des panneaux importés.

Pour ce qui est de la corrélation entre la quantité de tiges de cotonnier nécessaire à la production d’une quantité donnée de panneaux, Emmanuel Sekloka fait savoir qu’il n’y a pas encore de données empiriques et que la recherche évolue dans le sens de la mise en place d’un modèle précis pour l’activité, intégrant tous les paramètres.

 


« C’est en cela que cette technologie ouvre un boulevard pour la recherche », selon le scientifique. Il souligne notamment que « c’est une phase pilote et dans la phase de mise à l’échelle, ce sont les questions de recherche qui seront abordées », mentionnant par la même occasion, la question de la sélection variétale pour l’obtention de meilleurs panneaux de particules, par exemple.

Pour lui, « cela réorientera la recherche qui est pour l’instant orientée vers la création de variétés produisant beaucoup de fibres et de grosses graines ».

Toutefois, avec les résultats probants obtenus, les chercheurs affirment que la technologie est prête à être déployée à grande échelle, avec de nombreux avantages à la clé.

« Cette technologie permettra de générer des revenus supplémentaires pour les cultivateurs », déclare Emmanuel Sekloka, avant de mentionner la création d’emplois dans le milieu rural, dans l’industrie et dans l’artisanat.

L’expert évoque également l’impact environnemental, car, selon lui, « la production locale de panneaux de particules réduira la pression sur les forêts pour la fabrication des meubles ».

Enfin, selon lui, l’activité devrait réduire les importations massives de panneaux, ce qui agira de manière inéluctable sur la balance commerciale des pays producteurs.

Autant d’avantages qui ravissent les producteurs, à en croire Amadou Ali Yattara, coordinateur national du projet VATICOPP au Mali.

Quoique la technologie ne soit pas encore mise à l’échelle, « les producteurs qui nous ont accompagnés au sein de la plateforme d’innovation sont enthousiastes », fait-il savoir.

Au Mali, la quantité de tiges de coton est en effet estimée à 960.000 tonnes par an, ce qui représente une manne financière potentielle.

Défis

Cependant, « le financement reste la plus grande difficulté de la mise à l’échelle de cette technologie », affirme David Akana, responsable communication et marketing du CORAF.

« L’unité pilote du Bénin a par exemple été installée avec 75.000 USD, soit environ 45 millions de Francs CFA, ce qui demeure une importante somme d’argent difficile à mobiliser par un particulier », fait-il valoir.

Pour sa part, Emmanuel Sekloka souligne qu’il est crucial de financer la recherche pour avancer sur les questions en suspens et qui peuvent amener à améliorer la compétitivité de cette technologie dans un premier temps, puis, dans un second temps, accompagner les équipementiers afin de leur permettre de mettre à disposition des acteurs, des machines répondant aux normes internationales et permettant d’obtenir des panneaux de plus grandes dimensions.