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Depuis quelques années, une métamorphose lente, mais décisive, est en train de se produire dans le village de Ngueye Ngueye, situé près de Bambey, à quelque 150 km de Dakar au Sénégal.
 
Jusqu’au début des années 2010, la plupart des habitants de cette localité faisaient leurs besoins dans la nature.
 
Une ONG spécialisée dans la protection de la nature vint alors promouvoir un programme de construction de latrines dans les ménages pour que les populations cessent de se soulager dans l’environnement.
 
Une fois ce problème résolu, le village se retrouvait sur l’autre versant de cette montagne à problèmes. En effet, pour le chauffage et la préparation des repas, ses habitants recouraient aussi exclusivement au bois recueilli dans la couverture végétale déjà très pauvre de cette région semi-aride.
 
C’est alors qu’Adams Tidjani, professeur de physique nucléaire à l’université Cheikh Anta Diop (UCAD) de Dakar, eut l’idée d’y proposer un programme de construction de biodigesteurs.
 
Il s’agit d’un système de production de biogaz qui consiste en une fosse où débouche une canalisation provenant de latrines.
 
On mélange aux excréments humains ainsi recueillis de la bouse de vache et de l’eau, provoquant alors une réaction (méthanisation) qui produit du méthane.
 
Ce gaz est ensuite acheminé par des tuyaux dans les maisons où il peut alimenter des réchauds et des lampes à gaz.
 
Dans le même temps, le résidu solide, appelé digestat, est pour sa part repoussé hors de la fosse pour être récupéré et utilisé comme compost dans l'agriculture.

“Le compost obtenu du biodigesteur permet d’avoir des rendements agricoles meilleurs même qu’avec l’engrais conventionnel, avec 3 tonnes de mil ou d’arachide à l’hectare contre 800 kg pour l’engrais chimique ; ce qui améliore notre sécurité alimentaire et nous permet de vendre pour avoir de l’argent”

Michel Diouf
Utilisateur du biodigesteur

 
Michel Diouf, habitant de Ngueye Ngueye et un des pionniers de l’utilisation du biodigesteur en mesure pleinement l’intérêt économique aujourd’hui.
 
"Nous ne recourons plus à l’engrais chimique et les économies ainsi réalisées sont utilisées ailleurs", dit-il.
 
L’intéressé constate par ailleurs que le compost obtenu du biodigesteur "permet d’avoir des rendements agricoles meilleurs même qu’avec l’engrais conventionnel, avec 3 tonnes de mil ou d’arachide à l’hectare contre 800 kg pour l’engrais chimique ; ce qui améliore notre sécurité alimentaire et nous permet de vendre pour avoir de l’argent".
 
Ndiabou Diouf, son épouse, s’appesantit pour sa part sur "l’allègement du calendrier trop chargé des femmes qui ne vont plus à la recherche du bois de chauffe et qui préparent plus rapidement les repas. On utilise ce gain de temps pour faire d’autres activités comme le nettoyage de la concession, le lavage du linge et de la vaisselle, etc.".
 
Elle évoque aussi la "réduction de l’exposition à la fumée qui est à l’origine de nombreuses maladies respiratoires".
 
La pleine illustration des avantages de ce sytème est donnée par la concession voisine, chez Ada Diouf.
 
Ici, des sacs de compost sont empilés depuis plusieurs mois, attendant l’hivernage qui marque la période des semis.
 
Ne pouvant pas utiliser à lui seul tout ce stock, l’intéressé prévoit d’ores et déjà de vendre une partie de ce fertilisant qu’il évalue pour l’heure à 255 000 FCFA (464 dollars).

Maintenance

 
Pourtant, l’acquisition d'un biodigesteur n’est pas la chose la plus simple à faire dans ce modeste village. A en croire Adams Tidjani, la construction d’un biodigesteur de 4m3 coûte environ 400 000 FCFA (728 dollars).
 
Dans la cadre du programme mis en œuvre à Ngueye Ngueye, chaque bénéficiaire devait fournir le tiers de cette somme et disposer d’au moins deux vaches.
 
Des conditions si peu évidentes à remplir qu’à ce jour, seulement sept biodigesteurs ont été construits dans le village, tandis que quatre autres sont en chantier.
 
Mais, encore, des sept unités existantes, six seulement sont fonctionnelles ; la dernière étant confrontée à une panne. Or, souligne Ada Diouf, "nous manquons de techniciens pour assurer la maintenance du biodigesteur".
 
Qu’à cela ne tienne, l’espoir est permis ; car, à travers le Programme national du biogaz, le gouvernement sénégalais entend aider à construire 10 000 biodigesteurs dans le pays d’ici 2018.
 
Un projet qui est une sorte de réponse à l’appel à une volonté politique, lancé par Adams Tidjani pour qui ce système permettrait "de générer des millions de tonnes de crédits carbone et de pouvoir les vendre à l’international".