03/09/14

Plus du tiers des reptiles de Madagascar menacés d’extinction

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Crédit image: Hery A. Rakotondravony

Lecture rapide

  • Une récente publication internationale rend compte de la compilation des résultats de recherche couvrant une période de quinze ans
  • Les chercheurs recommandent de nouvelles approches en matière de conservation
  • Une série de rencontres de haut niveau réuniront d’ici la fin de l’année des parties prenantes pour réfléchir sur la biodiversité à Madagascar.

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[ANTANANARIVO] Dans un article intitulé "Extinction Risks and the Conservation of Madagascar’s Reptiles", publié chez PLoS ONE le mois dernier (11 août), vingt-quatre biologistes malgaches et étrangers rendent compte de la situation des 393 reptiles terrestres du pays.

Il s’agit d’une première évaluation systématique des risques d’extinction des espèces endémiques de serpents, de lézards et de tortues de la Grande île. 

Trois différentes initiatives similaires ont eu lieu depuis 2008, mais la dernière en date est considérée comme la plus complète.

Interrogés par SciDev.Net, Hery Rakotondravony et Achille Raselimanana – chercheurs au département de biologie animale de la faculté des sciences de l’Université d’Antananarivo, deux des co-auteurs de l'étude – précisent qu'il s'agit d'une compilation des résultats de recherche couvrant les quinze dernières années.

Les études ont porté sur les stratégies de gestion des ressources naturelles

Elles ont aussi permis d’anticiper les risques auxquels font face les reptiles au regard des effets du changement climatique, entre autres, et de compléter l’évaluation de la conservation des vertébrés de Madagascar, afin de mieux rationaliser le plan de conservation, le suivi et les prises de décision afférentes.

L’extinction guette en effet 39 % des espèces visées à cause de la dégradation de l’habitat naturel, accélérée principalement par la déforestation à des fins agricoles, la coupe clandestine des arbres et les feux de brousse

La situation des 85 espèces de caméléons recensées jusqu’ici et celle d’autres reptiles comme les lézards restent préoccupantes.

Les menaces sont bien présentes à l’intérieur comme à l’extérieur des sites protégés. Les zones dans le nord, l’ouest et le sud-est du pays – autant de centres d’endémisme pour les reptiles et les amphibiens malgaches – sont parmi les plus à risque pour ces animaux et de ce fait doivent figurer parmi les sites de conservation prioritaires.

Neuf des reptiles menacés sont endémiques des aires protégées nouvellement créées.

Le trafic illicite d’animaux sauvages destinés à alimenter le marché international et à la consommation humaine concerne peu d’espèces mais demeure une menace potentielle pour les tortues en particulier.

Recommandations

Pour les dix années à venir (2014-2024), les chercheurs ont formulé une série de recommandations à l’intention des gestionnaires des aires protégées, des responsables gouvernementaux et de bien d’autres entités susceptibles d’être impliquées.

"Beaucoup de parties prenantes et de décideurs se servent de l’information sur le risque d’extinction encouru par les caméléons et d’autres reptiles pour établir des plans d’action et d’y allouer des ressources.

Cela comprend, par exemple, l’extension stratégique du système d’aires protégées et l’atténuation des activités des grandes mines", a déclaré à SciDev.Net Richard Jenkins de l’IUCN à Cambridge, au Royaume-Uni, principal auteur de la compilation.

De l’avis de Hery Rakotondravony, le contexte politique qui a suivi le coup d’Etat de 2009, marqué, entre autres, par la suspension de l'aide internationale et la faiblesse des institutions, a limité la traduction des résultats de la recherche en stratégies de gestion attendues.

"Le nombre de chercheurs venus pour analyser le cas des espèces les plus à risque a significativement baissé. Les améliorations viendront peut-être à partir de 2015", a-t-il souligné.

De son côté, Richard Jenkins a également mis l’accent sur les nuisances causées à la conservation et au commerce légal des espèces par la corruption et d'autres activités illégales.

Achille Raselimanana se montre quant à lui encore plus préoccupé.

"Lorsque vous pénétrez dans les aires protégées, vous vous rendez compte que la conservation pure ne protège rien. Les exemples de la réserve d’Ibora à Mandritsara et de la réserve spéciale d’Ambohijanajary, route de Maintirano, sont des preuves suffisantes. Il n’y a plus rien ou presque qui reste là-bas en ce moment", a indiqué le chercheur à SciDev.Net.

Il a ainsi avancé que les aires protégées pour assurer la pérennisation de la biodiversité à Madagascar pourraient constituer un risque, dans la mesure où certains seraient tentés de croire qu’il suffirait de les créer, sans plus.

6 millions d'hectares d'aires protégées

"Le volume total de nos aires protégées est estimé à plus de 6 millions d’hectares actuellement. Mais si vous avez la possibilité de les examiner une à une, vous trouverez qu’à peine la moitié de la faune et de la flore qu’elles recèlent a la chance de survivre à l’heure actuelle", a-t-il insisté.

Une nouvelle vision de la conservation de la biodiversité malgache s’impose, selon ce chercheur qui, à l’instar de bien de ses pairs, voit d'un mauvais œil l’éternel leitmotiv "conserver pour les futures générations".

"Ce qui est bien, c’est à la fois de conserver et de tirer profit de la biodiversité. C'est un lieu commun de parler de déclin et non d’amélioration, toutes les fois qu’un rapport sur l’état de notre biodiversité fait l’objet d’une présentation. Cela peut alors bien signifier que nous n’avons rien fait, y compris les bailleurs et les différentes ONG œuvrant pour l’environnement", a-t-il déploré.

Une série de rencontres de haut niveau qui se tiendront dans les prochaines semaines seront des occasions pour les différents acteurs de cogiter ensemble sur le devenir de la biodiversité de Madagascar.