27/07/15

Les rivières africaines émettent d’importantes quantités de gaz à effet de serre

Congo River
Crédit image: Flickr/Jbdodane

Lecture rapide

  • Une douzaine de fleuves africains ont fait l’objet de l’étude, menée entre 2006 et 2014
  • Les émissions des cours d’eau équivalent à 2/3 du puits de carbone du continent
  • Ces émissions ne posent aucun problème de santé publique.

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Une équipe internationale de douze chercheurs de l’Université de Liège, de la Katholieke Universiteit Leuven et de l’Institut de recherche pour le développement (Ird) ont fait le point des émissions de gaz dans les rivières et fleuves africains et ont conclu que ces cours d’eau émettent une quantité importante de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.

C’est la toute première fois que des chercheurs ont pu mesurer les émissions de gaz à effet de serre au niveau des écosystèmes tropicaux à l’échelle du continent africain.

On savait que les écosystèmes aquatiques continentaux constituent des “des sources majeures de gaz à effet de serre”, mais il n’y avait aucune donnée disponible sur les émissions par les rivières et fleuves sur le continent africain.

Pour obtenir ces mesures, les chercheurs ont parcouru, entre 2006 et 2014, le continent africain et ont mesuré les flux de dioxyde de carbone (CO2), de méthane (CH4) et d’oxyde nitreux (N2O), les trois principaux gaz à effet de serre que rejettent les eaux intérieures africaines dans l’atmosphère.

“Notre étude montre que les gaz ne sont pas produits dans les rivières, mais plus probablement dans les zones humides et les sols forestiers”

Frédéric Guérin, chercheur à l’Ird

Les enquêtes ont été effectuées sur 12 fleuves africains dont le Congo, le Niger et le Zambèze.

La production de CO2 dans les rivières a été mesurée de façon systématique.

Sur certains bassins versants (Congo, Zambèze, Tana), les flux de carbone organique et inorganique depuis les écosystèmes terrestres vers l’océan ont été quantifiés.

Les résultats des différentes analyses indiquent que les émissions de gaz à effet de serre par les rivières et fleuves sont très importantes, de l’ordre de 0.4 à 0.9 PgC par an et correspondent à 2/3 du puits de carbone continental de l’Afrique.

Selon les chercheurs, ces émissions qui équivalent au puits de carbone de toute l’Afrique, jusqu'à présent estimé à 0.6 PgC par an, ne sont pas produites dans les rivières et fleuves mais sont issus de la dégradation de la matière organique de la végétation terrestre et de la végétation des zones humides.

“Notre étude montre que les gaz ne sont pas produits dans les rivières, mais plus probablement dans les zones humides et les sols forestiers, puisque ceux-ci sont transportés, dissous dans l’eau jusqu’aux rivières où ces gaz sont émis vers l’atmosphère par diffusion“, a expliqué Frédéric Guérin, chercheur à l’Ird et co-auteur de l’étude.

Pas d'impact sanitaire

Les chercheurs affirment que les émissions de gaz à effet de serre par les rivières africaines ne posent aucun problème pour la santé des populations riveraines de ces cours d’eau et ne peuvent non plus être limitées.

“Ces émissions n’ont rien à voir avec les émissions de CO2 par le lac Nyos par exemple”, a indiqué Frédéric Guérin.

Alberto Borges, chercheur au sein de l’Unité d’océanographie chimique à l’Université de Liège et spécialiste des émissions de GES des milieux aquatiques vers l’atmosphère, qui a dirigé l’étude et ses collègues expliquent que ces émissions ne sont pas du tout nuisibles pour la santé et ne peuvent atténuées parce qu’elles sont naturelles.

Selon Alberto Borges, “il n’y a pas de solution pour limiter ces émissions de gaz à effet de serre par les rivières africaines parce qu’elles obéissent à un fonctionnement naturel des écosystèmes aquatiques”.

Les rivières africaines, en dehors de celles situées aux abords des grandes villes, sont globalement bien préservées.

Mais les chercheurs pensent que l’augmentation des populations citadines, les modifications de l’hydrologie de l’occupation des sols et la mise en place de barrages modifieront les émissions par les rivières.

 “Ce résultat implique que les émissions naturelles par ces écosystèmes fragiles seront très fortement impactées par les modifications de l’occupation des sols en cours sur ce continent (assèchement des zones humides du fait de l'irrigation, déforestation pour l’agriculture et l’expansion des villes, mise en place de barrage qui modifieront l'hydrologie) et potentiellement par le changement climatique qui devrait modifier l’hydrologie”, a expliqué Frédéric Guérin à SciDev.Net.

A la question de savoir quelle est la portée de cette étude sur les prochaines discussions sur le climat en décembre prochain à Paris, Alberto Borges a laissé entendre que “cette étude est trop récente pour être intégrée aux discussions, mais à terme, le puits de carbone que l'on a supposé jusqu'à présent pour le continent africain devra être revu à la baisse”.