07/02/16

Bénin: la jacinthe d’eau, source de revenus

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Crédit image: SciDev.Net/Christophe Assogba

Lecture rapide

  • La jacinthe d'eau est une plante invasive nuisible pour l'environnement humain
  • Une entreprise béninoise essaie de la domestiquer et de l'utiliser comme combustible alternatif
  • Mais des experts estiment qu'il faudra plus pour arrêter la pression de la plante

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Grâce à l'entreprise béninoise "Green Keeper Africa" (GKA), David Gnonlonfoun, ingénieur en énergie et Fohla Mouftaou, pédiatre, ainsi que leurs deux autres coassociés, produisent avec la jacinthe d’eau une fibre utilisée pour absorber les résidus d’huiles et d’hydrocarbures.

Ils ont ainsi lancé il y a deux ans une entreprise, avec un fonds de démarrage de 3 millions de Francs CFA et le soutien de l'entreprise mexicaine Tema.

“Il existe d’énormes possibilités d’exploitation de la masse de matières végétales de cette plante, mais la transformation de cette ressource est loin de contribuer à la réduction de la jacinthe d’eau comme fléau”

Peter Neuenschwander
Chercheur – IITA

Pour  exploiter cette ressource, Green Keeper Africa a, dans un premier temps, aidé les femmes de Sô-Ava à acquérir des techniques de collecte et séchage de la jacinthe d'eau sur les berges du lac Nokoué (339 hectares), explique David Gnonlonfoun, dans une interview avec SciDev.Net.
kilogrammes.

"On leur donne des sacs puis on récupère la jacinthe pré-séchée que nous leur rachetons et que nous transportons sur notre site de transformation", poursuit David Gnonlonfoun.

Fibre dépolluante

La start-up dispose d’une unité artisanale à Sô-Ava qui procède à un premier broyage des jacinthes d’eau pré-séchées.

Celles-ci sont ensuite acheminées sur le site de dépollution à Kraké, à la frontière du Nigeria, où elles subissent un second traitement  sans aucun ajout de produits chimiques. Ce traitement final permet d’obtenir une fibre absorbante utilisable comme dépolluant.

Selon David Gnonlonfoun, le processus de dépollution consiste à récupérer des bacs de décantation de tous les déchets d’hydrocarbure auxquels est ajoutée la fibre de jacinthe d’eau qui aspire les déchets pour former une matière végétale solide qu’on peut facilement utiliser comme combustible alternatif.

La société, qui commercialise déjà la fibre absorbante à 12.000  francs CFA les 10 kilogrammes, vise à terme le marché du Nigeria, premier producteur de pétrole d’Afrique, confronté à des dégâts environnementaux liés à la production pétrolière.

Au Bénin, l’entreprise cimentière Lafarge utilise déjà le combustible alternatif dans ses fours, après des tests concluants relatifs entre autres au pouvoir combustible et au taux d’humidité.

Peter Neuenschwander, écologiste et chercheur émérite à l’Institut international d’Agriculture tropicale (IITA), au Bénin,  estime que cette exploitation de la jacinthe d’eau offre une piste intéressante pour des usages alternatifs.

Mais le chercheur, tout comme son collègue Obinna Ajuonu, également chercheur à I'IITA, estime que cette activité ne va pas réduire la pression de la plante dans les régions touchées.

"Il existe d’énormes possibilités d’exploitation de la masse de matières végétales de cette plante, mais la transformation de cette ressource est loin de contribuer à la réduction de la jacinthe d’eau comme fléau", a laissé entendre Peter Neuenschwander.

Les deux chercheurs de l'IITA soulignent qu’il "faut faire une différence entre le combat contre la jacinthe d’eau et l’utilisation de la plante comme ressource alternative."

La lutte biologique

La jacinthe d’eau (Eichhorniacrassipes) est l’une des plantes les plus invasives du monde.

Originaire de l’Amérique du Sud, cette plante ornementale s’est répandue sur le continent à partir de l’Afrique de l’Est où elle a été introduite à la fin du XIXe siècle. 

Comme dans beaucoup d’autres pays d’Afrique, au Bénin, elle a pris d’assaut les marécages, les plans et les cours d’eau.

Selon les chercheurs, au niveau des zones lacustres du pays, elle provoque une très forte eutrophisation du milieu et une anoxie fatale aux ressources halieutiques dont dépendent plus de 150 espèces d’oiseaux et une grande partie de l’économie locale.

Aliments et biofertiliants

Pendant que les entomologistes travaillent pour trouver d’autres ennemis naturels pour compléter la lutte biologique contre la jacinthe d’eau, la start-up de David Gnonlonfoun et ses co-associés continue de produire à partir de cette plante des aliments pour animaux, notamment le lapin et de fabriquer des biofertilisants pour les sols.

Selon Fohla Mouftaou, la fibre pourrait servir à fabriquer des serviettes hygiéniques.

Pour Peter Neuenschwander, la plante a également été utilisée sans grand succès durable pour la fabrication de beaucoup d’objets artisanaux à usage domestique (corbeilles, sacs et paniers tissés).

Son utilisation comme fertilisant, par contre, nécessite un bon contrôle de la toxicité des déchets de la jacinthe d’eau, dans la mesure où la plante a la capacité d’absorber les métaux lourds des eaux polluées.