03/12/07

Biocarburants : Atténuer les risques pour les agriculteurs

Le sorgho à sucre, une plante qui peut servir à la production de bioéthanol Crédit image: IDRC

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Les agriculteurs en milieu aride cultivent de nouveaux produits destinés à la production de biocarburants, mais selon William Dar des recherches sont encore nécessaires sur les rendements, la domestication et les parasites.

A chaque fois que le monde connaît une hausse des prix du pétrole, il se tourne systématiquement vers des sources d’énergie alternatives, à l'exemple de ce qu'on a connu ces deux dernières années dans le domaine des biocarburants.

Les pays qui ont déjà adopté un programme de recherche sur les biocarburants ont redoublé d’effort, tandis que plusieurs autres s’y sont attelés. L’utilisation d’un mélange de biocarburants (jusqu’à 20 pour cent) et de diesel ne requiert pas que l'on change le moteur d'un véhicule, ou ne nécessite que très peu de modifications. Ce mélange permet également de réduire le taux d’hydrocarbure non brûlé de 30 pour cent, le taux de monoxyde de carbone de 20 pour cent et les particules de 25 pour cent. De plus, le contenu en soufre est négligeable.

La culture de biocarburants pour les agriculteurs pauvres

L’Institut international de recherche sur les cultures des zones tropicales semi-arides (ICRISAT) – un institut international de recherche en agriculture qui œuvre pour amélioration de la productivité agricole dans les milieux arides en Asie et en Afrique sub-saharienne – a pour objectif d’aider les agriculteurs pauvres de ces régions à se joindre à la révolution des biocarburants. L’industrie des biocarburants requiérant des économies d’échelle, elle ignore habituellement les petits propriétaires agricoles qui ne peuvent pas produire en quantités suffisantes les principales cultures destinées à la production de biocarburants.  La mise en place, par l'ICRISAT, d'une stratégie de biocarburants favorables aux agriculteurs pauvres permet à ces derniers de se rapprocher de l’industrie et du marché, grâce à des cultures appropriées.

Par exemple, l’ICRISAT fournit des semences de sorgho à sucre à trois groupes d’agriculteurs indiens qui cultivent traditionnellement le sorgho ordinaire, le sorgho à sucre servant également à produire de l’éthanol.  De plus, dans les villages qui ont de grandes superficies de terres stériles, l’ICRISAT aide les pauvres et les sans terre à cultiver le jatropha et à vendre les graines à une compagnie qui produit du biodiesel.

Le jatropha peut être planté dans les régions arides sur des terres stériles ou pauvres. Les semences de jatropha sont faciles à cultiver, tandis que la plante s’adapte facilement, pousse rapidement et ne plaît pas aux vaches et aux chèvres, qui ne la broutent que très peu. La teneur en huile de ses graines peut atteindre 40 pour cent. Bien que les monocultures de jatropha plantées en blocs sont plus vulnérables aux organismes nuisibles et aux maladies, des cultures intercalaires peuvent aider. L’ICRISAT a évalué l’utilité du sorgho, du mil pénicillaire, du pois cajan, du pois chiche, du tournesol et du carthame comme cultures intercalaires. Le rendement des plantes alimentaires assure un gagne-pain et une stabilité économique aux agriculteurs, notamment au cours des premières années, soit avant que la récolte à maturité du jatropha ne procure un revenu grâce à la production de biodiesel.  En revanche, il est indispensable de poursuivre les recherches sur la lutte contre les rongeurs.

Beaucoup de potentiel mais peu de connaissances

Malgré le potentiel du jatropha, l'on manque étonnamment de donnés sur le rendement commercial par hectare de cette culture et aucun programme d’amélioration génétique n’a encore été mis au point. Ceci pourrait être une occasion majeure de réaliser et d’investir dans un nouveau programme de recherche; l’ICRISAT travaille sur ce sujet.

Le jatropha étant une culture à pollinisation croisée, chaque plante est génétiquement différente. Ceci offre un grand potentiel pour la sélection de cultures supérieures lors des programmes d’amélioration génétique. La domestication d’une autre plante à graines oléagineuses, le jojoba, a permis d’obtenir un rendement en semences dix fois plus élevé et a servit à la réalisation de plantations commerciales rentables.

A ce jour, nous avons constaté une grande variation dans la teneur en huile des graines de jatropha, de 25 à 40 pour cent. Nous devons confirmer cette observation sur un plus long terme et dans différents milieux afin de comprendre si les fluctuations reflètent une variabilité génétique ou une simple variabilité environnementale.

De même, des études démontrent que le rendement moyen des semences de plantes individuelles de jatropha peut varier de 1 à 18 sur quatre ans. La productivité des plantes à haut rendement est restée stable au cours des années, suggérant ainsi – sans que cela n’ait été vérifié – une cause génétique plutôt qu’environnementale.

Le Centre national des Biocarburants de l’Association de Recherche pour la Conservation pétrolière (National Biofuel Centre of the Petroleum Conservation Research Association), en Inde, estime que le rendement en semences du jatropha est de 1,5 tonnes par hectare pour les plantations sur les terres stériles, soit environ 500 kg d’huile par hectare après extraction (540 litres). En revanche, le Centre d’Excellence pour la Promotion du Jatropha pour Production de Biodiesel (Centre of Excellence for Jatropha Biodiesel Promotion)] au Rajasthan, en Inde, émet une estimation beaucoup plus élevée pour des plantations soumises à une gestion intense, soit un rendement en semences d’environ 10 tonnes par hectare ou 3.400 litres d’huile. Ces deux organismes prévoient de forts profits à partir du capital investi après cinq ans, lorsque les plantations seront arrivées à maturité et fourniront un rendement en semences maximal. Il semble évident que le jatropha présente un le potentiel de forte productivité.

Les priorités de la recherche

Eu égard à la grande différence entre les estimations du rendement du jatropha, la priorité est à la vérification de ces estimations.  Il nous faut mieux définir le potentiel de cette plante, afin d’effectuer des études de viabilité économique fiables.

Il nous faut également améliorer le système de diffusion des technologies, telles que la multiplication végétative et la culture tissulaire, afin de permettre une multiplication rapide et efficace.  L’autre priorité est l'optimisation, dans le domaine de la recherche, de la gestion des champs.

Le tourteau de jatropha, un sous-produit issu de l’extraction de l’huile, est une source riche en nutriments végétaux.  Il faudrait dès lors étudier plus sérieusement son potentiel en tant qu'engrais organique.  Il pourrait aussi contenir des pesticides organiques.  De même, la recherche devrait explorer la possibilité d’utiliser les tourteaux de jatropha dans la production d’énergie – par exemple, en tant que stock d’alimentation dans les usines de biogaz des villages.

Alors que nous assistons à la révolution des biocarburants, des agriculteurs aux quatre coins du monde plantent du jatropha sur de vastes étendues. Le renforcement, en parallèle, de la recherche scientifique, permettra aux agriculteurs pauvres d'en tirer des profits économiques – sans encourir des risques inutiles.

Dr. William D. Dar est le directeur général de l’Institut international de recherche sur les cultures des zones tropicales semi-arides (ICRISAT) et président du Comité de la science et de la technologie de la Convention des Nations Unies pour la lutte contre la désertification (UNCCD).