26/09/11

Energie nucléaire : Réfléchir avant d’agir

Fukushima Nuclear Power Station
L'accident de Fukushima témoigne de l'importance de la confiance accordée par le public aux responsables de la sécurité nucléaire. Crédit image: Flickr/IAEA Imagebank

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L'accident de Fukushima a soulevé des questions qui doivent être abordées parque les pays en développement qui envisagent de s'engager dans l'énergie nucléaire se doivent d'aborder.

L'accident survenu en mars dernier à la centrale nucléaire de Fukushima, au Japon, a provoqué une onde de choc tétanisant la renaissance de l'énergie nucléaire qui gagnait pourtant du terrain au cours des dernières années. Cette renaissance avait été stimulée à la fois par la hausse dans le prix du pétrole, par une conception plus sûre des réacteurs, et par le réchauffement du globe qui oblige les pays à trouver des alternatives aux combustibles fossiles.

L'onde de choc a été la plus forte dans le monde développé. Plusieurs pays ont réagi à l'accident survenu au Japon – une conséquence directe du tsunami qui a inondé de grandes étendues de la côte nord-ouest de ce pays — en abandonnant des projets de redémarrage des programmes nucléaires, dont certains avaient été suspendus suite à l'accident de Tchernobyl, en Ukraine, il y a plus de 25 ans.

Dans le monde en développement, les réactions ont été plus mitigées. Certains pays comme la Malaisie et la Thaïlande ont certes abandonné leurs programmes nucléaires, mais la plupart poursuivent encore l'option atomique. Si les projets sont souvent annoncés comme étant en cours de réévaluation, peu de pays indiquent qu'ils ont l'intention de changer de cap.

Néanmoins, l'accident de Fukushima a soulevé de nouveaux doutes, et certains enseignements importants en ont émergé. Ces questions doivent être prises en compte par tous les pays qui continuent d'envisager de s'engager dans le nucléaire, en particulier les pays en développement qui n'en sont qu'à leurs débuts dans cette voie.

Les leçons vont de la nécessité de s'assurer que les risques naturels ont été entièrement pris en compte, à l'importance de la confiance du public dans la compétence des organisations (et des individus) responsables de la sûreté nucléaire.

En outre, l'accident de Fukushima a stimulé l'enthousiasme pour des sources d'énergie renouvelables. Chacune de ces leçons doit être minutieusement évaluée par les décideurs dans les pays en développement qui continuent à se demander s'ils doivent opter pour le nucléaire.
 

Les changements d'attitudes


Cette semaine, le Réseau Sciences et Développement (SciDev.Net) publie une série d'articles qui examinent l'impact de l'accident Fukushima sur les projets d'énergie nucléaire dans les pays en développement, et évaluent le l'évolution dans la viabilité de ces projets.

Deux articles plantent le décor. Le premier offre un aperçu de l'état d'avancement actuel des programmes nucléaires dans le monde en développement,enrésumant quelques-uns des changements d'attitudes qui ont eu lieu depuis l'accident, ainsi que les nombreuses dimensions du débat qui comprennent, inévitablement, les attraits – et les dangers – de l'utilisation d'un programme nucléaire civil comme un tremplin pour un programme militaire.

Le deuxième article est un recueil de reportages venant de contributeurs de SciDev.Net dans plusieurs grands pays en développement — à savoir l'Egypte, la Jordanie, le Kenya, le Nigeria, les Philippines, l'Afrique du Sud et le Vietnam — décrivant les réponses sur place à l'accident de Fukushima.

L'un des messages qui se dégage de ces articles est que dans la plupart des cas, aucun changement important d'orientation ne s'est produit. Pourtant, il est clair que l'on assiste à une sensibilité nouvelle et accrue quant aux dangers que l'énergie nucléaire peut représenter. Il convient de rappeler qu'une bonne partie de la population d'aujourd'hui n'était pas née au moment de l'accident de Tchernobyl.  Emerge aussi une prise de conscience des difficultés majeures que réprésente une planification adéquate de ces dangers.
 

Le défi à relever


Ces deux articles de fond sont complétés par trois articles d'opinion d'experts profondément impliqués dans le débat nucléaire pendant de nombreuses années. Chacun souligne un aspect du défi à relever.

José Goldemberg, physicien venant du Brésil et ancien ministre de la science dans ce pays, se penche sur le niveau élevé des investissements requis pour faire décoller un programme nucléaire, et révise les estimations des risques pour un accident majeur, à la lumière de Fukushima. Il suggère que le prestige national est une motivation principale pour le développement de la technologie nucléaire, et que les sources d'énergie renouvelables peuvent, dans de nombreux cas, constituer une option plus rentable (et moins risquée).

Michael J. Mangala, professeur à l'Institut des sciences et techniques nucléaires, à l'Université de Nairobi, au Kenya, montre comment les pays en développement peuvent tirer profit de l'élaboration de programmes d'énergie nucléaire. Mais il prévient que pour que de tels programmes soient efficaces et sûrs, les pays doivent mettre en place une stratégie globale de formation pour produire le personnel technique nécessaire à tous les niveaux.

Enfin, Pervez Hoodbhoy, physicien du Pakistan, soulève des questions au sujet de la capacité des pays en développement à gérer et à payer pour l'énergie nucléaire. Il place également l'accent sur les dangers militaires d'une expansion du recours à la technologie nucléaire, et note que de nombreux pays peuvent choisir de s'engager dans cette voie pour des raisons autres que des motivations sociales, économiques ou environnementales.
 

Un débat éclairé


L'accident de Fukushima, comme ceux qui l'ont précédé à Three Mile Island, aux Etats-Unis, et à Tchernobyl, n'est pas en soi une raison suffisante pour abandonner l'option nucléaire.

En outre, le potentiel de l'énergie nucléaire pour satisfaire les besoins énergétiques des pays en développement sans contribuer de façon significative au réchauffement de la planète reste très attractif.

Mais comme ces articles l'illustrent, des raisons impérieuses existent pour que les pays en développement réfléchissent longuement avant de se lancer dans un avenir énergétique où figure l'énergie nucléaire.

L'accident de Fukushima vient rappeler que l'exploitation sûre des centrales nucléaires peut être entravée par des causes imprévues, même dans un pays aussi soucieux de la sécurité – et ayant autant de raison de se méfier de l'énergie nucléaire – que le Japon.

L'incident a également mis en valeur la nécessité d'un débat public ouvert et éclairé sur les avantages et les inconvénients de l'énergie nucléaire et des sources d'énergie alternatives 'propres' – c'est là un débat trop important pour qu'il soit réservé aux experts techniques, ou déterminé par le résultat d'intérêts commerciaux ou politiques.

Dans l'espoir que ce recueil d'articles contribue à l'atteinte de cet objectif,
 

David Dickson
Rédacteur en chef, SciDev.Net

Le présent article fait partie d'un Dossier sur l'Energie nucléaire dans l'après Fukushima.