20/09/11

Faits et chiffres : L’énergie nucléaire dans l’après Fukushima

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L’énergie nucléaire offre la promesse d’une énergie propre pour les pays en développement. Dave Elliott en trace l’évolution et en décrit les perspectives après l’accident de Fukushima.

Depuis 60 ans, l’utilisation de l’uranium pour produire de l’électricité dans les centrales nucléaires a été promue comme un moyen de fournir une énergie bon marché, propre pour un monde prospère.

L’énergie nucléaire fournit actuellement environ 13,8 pour cent de l’électricité mondiale, avec la plupart des centrales localisée dans les pays développés [1]. Les centrales nucléaires n’émettant pas du dioxyde de carbone, elles sont considérées comme une manière de répondre aux changements climatiques.

Pourtant, les adversaires de cette technologie en dressent les inconvénients : des coûts élevés de construction, d’exploitation et d’entretien des centrales nucléaires, de manipulation de leurs déchets radioactifs, ainsi que des difficultés de réglementation efficace des risques pour la sécurité environnementale et humaine.

L’exploitation minière et le traitement du combustible nucléaire sont en outre à forte consommation d’énergie ; l’ensemble du système nucléaire n’est donc pas sans émission de carbone.

Tout cela crée un dilemme pour les pays en développement, qui ont besoin d’une source d’énergie relativement bon marché. Certains pays en développement ont trouvé en l’énergie nucléaire une option séduisante, et ont investi dans des centrales nucléaires (voir Tableau 1).

Pays

Milliards de kWh

Percentage d’électricité

(2)
6.7
5.9
(2)
13.9
3.1
(14)
71.0
1.8
(5)
20.5
2.9
(21)
141.9
32.2
(2)
5.6
3.6
(3)
2.6
2.6
(2)
12.9
5.2
MONDE
(440)
2630
13.8

Tableau 1: le nucléaire dans le monde en développement
Les productions d’électricité et le pourcentage de l’électricité mondiale générée par des centrales nucléaires dans les pays en développement (le nombre de centrales est indiqué entre parenthèses).

Source: Association nucléaire mondiale 2011 [1]

Pourtant, suite à l’accident nucléaire survenu à la centrale de Fukushima au Japon après le tsunami de mars 2011, d’autres Etats ont tiré un trait sur leur intention de s’engager dans le nucléaire (voir tableau 2).

Pays en développement cherchant à acquérir l’énergie nucléaire

Pays n’étant plus intéressés

Bangladesh
Cuba*
Chili
Koweït
Egypte
Malaisie
Iran
Philippines
Jordanie
Qatar
Kazakhstan
Thaïlande
Kenya
 
Corée du Nord
 
Arabie Saoudite
 
Turquie
 
EAU (Abu Dhabi)
 
Vietnam
 
Venezuela
 

* Cuba  a abandonné son programme nucléaire il y a déjà quelques années.

Tableau 2 : Projets actuels d’énergie nucléaire dans le monde en développement

L’accident de Fukushima a ainsi ébranlé le soutien accordé aux centrales nucléaires dans le monde. Les opinions varient d’un pays à l’autre, mais plus de 60 pour cent des gens sont aujourd’hui opposés à l’énergie nucléaire. (Voir Encadré 1).

ENCADRE 1 : L’opinion publique après Fukushima

Un sondage d’opinion publique réalisé dans 24 pays en mai 2011 [2] a révélé que 62 pour cent des personnes interrogées sont opposées à l’énergie nucléaire — 25 pour cent avaient même changé d’avis, faisant pencher la balance contre l’option nucléaire. Dans certains pays en développement et dans la majeure partie de l’Europe, l’opposition à ce type d’énergie a été très forte.

Protesters at the 2010 anti-nuclear protest in Istanbul, Turkey

Opinions vary from country to country, but most people now oppose nuclear power

Flickr/ anirvan

Ainsi, 81 pour cent des personnes interrogées au Mexique quant à savoir si elles "soutiennent l’énergie nucléaire" comme un moyen de production d’électricité y étaient opposées, 52 pour cent d’entre elles fortement. En Argentine, cette opposition était de 72 pour cent, et de 69 pour cent au Brésil. Elle était également forte en Indonésie (67 pour cent), en Corée du Sud (61 pour cent), en Afrique du Sud (60 pour cent), en Chine (58 pour cent) et en Arabie saoudite (58 pour cent). Dans le monde en développement, ce n’est qu’en Inde que la majorité (61 pour cent) soutenait le nucléaire.

Les résultats des sondages dépendent, bien sûr, des questions posées. Lorsqu’on leur a demande si elles considéraient le nucléaire comme une solution viable à long terme, 50 pour cent des personnes interrogées en Inde ont répondu par la négative ; 50 pour cent également n’y voient pas un moyen de modernisation de la production d’électricité. Les personnes interrogées dans d’autres pays en développement ont toutes donné des réponses plus favorables à ces deux questions, à l’exception de l’Arabie saoudite. Là-bas, 54 pour cent considéraient l’énergie nucléaire comme une solution viable à long terme, témoin d’un optimisme plus prononcé dans cette région.

Manifestement, certains pays en développement ayant besoin d’un approvisionnement en électricité continu, à teneur en carbone relativement faible, continuent à considérer l’énergie nucléaire comme un moyen d’aller de l’avant – et ce malgré les risques et le passé tumultueux du nucléaire.

L’histoire du nucléaire

L’énergie nucléaire civile a émergé à la suite des programmes de développement d’armes nucléaires aux Etats-Unis et l’URSS au cours de la Seconde Guerre mondiale. C’est au cours des années 1960 notamment qu’ont eu lieu des développements majeurs de réacteurs.

Dans les années 1970, la technologie gagnait des pays comme la Chine, l’Inde ou le Japon où des programmes nucléaires civils soutenus soit par les Etats-Unis soit par l’Union soviétique ont été lancé. Certains autres pays en développement ont également fait le choix du nucléaire, notamment l’Argentine, le Brésil, le Mexique, l’Afrique du Sud et la Corée du Sud.

Toutefois, en 1979, un accident nucléaire majeur s’est produit à la centrale de Three Mile Island, au Etats-Unis. Associé aux mauvaises performances économiques du nucléaire par rapport à d’autres options énergétiques comme le charbon, cet incident a stoppé les nouveaux développements du nucléaire aux Etats-Unis. Si les coûts nets du combustible d’une centrale nucléaire étaient inférieurs à ceux d’une centrale à combustible fossile, le coût des investissements est environ trois fois plus élevé, et tend à augmenter à mesure que les exigences de sécurité sont renforcées. [3]

Nuclear warning sign by Flickr/ azkid2lt

Nuclear energy plans stalled after major disasters such as the Chernobyl explosion, which caused a radiation hazard

Flickr/ azkid2lt

Ensuite, est survenue la catastrophe nucléaire encore plus désastreuse de Tchernobyl, en Ukraine, en 1986, provoquant la mort de plusieurs milliers de personnes, bien que le nombre de victimes exact fasse encore l’objet de débats. Beaucoup de pays européens (mais pas tous) ont alors reculé devant l’énergie nucléaire.

A la fin des années 1990, devant les préoccupations grandissantes autour des changements climatiques, l’industrie nucléaire a tenté de reprendre sa position sur le marché. Au début des années 2000, sous le président américain George W. Bush, le programme mondial de partenariat dans le domaine de l’énergie nucléaire dirigé par les Etats-Unis s’est fixé pour objectif de promouvoir l’énergie nucléaire dans les pays en développement.

Le président Obama a abandonné ce programme, mais avant la fin des années 2000, une certaine renaissance mondiale du nucléaire avait déjà émergé, avec la Chine et l’Inde en tête du mouvement. Et au début des années 2010, certains pays de l’UE revenaient sur leur opposition au nucléaire. La Russie développait son programme et les Etats-Unis espéraient démarrer un nouveau programme.

Soucieux de développer le marché davantage, certains fournisseurs de technologie nucléaire ont également cherché ailleurs – du côté de l’Amérique du Sud, par exemple, où le Chili et le Venezuela manifestaient un certain intérêt (la Russie proposant d’aider le Venezuela), et également du côté du Moyen-Orient.

L’Egypte a été un autre acteur majeur dans la promotion de l’option nucléaire, avec l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis. Le Qatar, le Koweït et la Jordanie ont tous exprimé leur intérêt pour l’énergie nucléaire. L’Iran est déjà doté d’un programme nucléaire, tout comme Israël, même si, jusqu’à présent, les deux ne sont pas d’envergure.

Une technologie à double emploi

La plupart des centrales nucléaires dans le monde sont basées sur le modèle de réacteur à eau pressurisée (REP) américain (Voir figure 1). Des variantes telles que le réacteur à eau bouillante (REB), et d’autres — notamment divers modèles russes — sont retrouvées moins fréquemment.

Certaines versions améliorées du REP sont émergent actuellement, comme l’EPR français et l’AP1000 américain.

La plupart des centrales nucléaires modernes ont une capacité de production d’électricité de 1000-1600 mégawatts. Des modèles de mini-réacteurs plus petits produisent de l’énergie dans la gamme 20-300MW. [4]

US Nuclear Regulatory Commission

Figure 1. Croquis d’un réacteur à eau pressurisée type

Source: US Nuclear Regulatory Commission

Le plutonium, un autre élément radioactif, est produit comme un sous-produit inévitable de la fission nucléaire. Il est également le principal matériau utilisé dans les armes nucléaires. Mais l’U235, à bonne concentration, peut également être utilisé pour des armes. Ainsi, pour fabriquer une bombe nucléaire, un système d”enrichissement’ pour concentrer l’U235, ou un réacteur pour produire du plutonium peuvent suffire.

La plupart des réacteurs ayant besoin d’uranium légèrement enrichi pour fonctionner, déterminer si une activité spécifique d’enrichissement est utilisée pour produire du combustible pour les centrales nucléaires civiles ou à des fins de production d’armes nucléaires requiert une étroite surveillance. De la même façon, il peut être difficile de savoir quand, et si, les réacteurs sont utilisés pour produire du plutonium à usage militaire.

Incontestablement, la plupart des armes nucléaires recensées a été mise au point dans des pays déjà dotés de programmes nucléaires civils. Compte tenu du chevauchement des technologies, la plupart de ces pays ont signé le Traité de non prolifération nucléaire (TNP) en 1970, qui cherche à contrôler l’utilisation militaire de la technologie.

Toutefois, l’Inde ne l’a pas signé, et a produit sa propre arme nucléaire, suivie par le Pakistan et, suppose-t-on, par Israël également. La Corée du Nord compte parmi les signataires initiaux, mais le respect du traité est source d’une bataille diplomatique de longue haleine, comme pour l’Iran.

Coûts et risques

Les utilisations civiles et militaires chevauchantes de la technologie nucléaire peuvent provoquer des conflits politiques – c’est là un inconvénient majeur de cette énergie. Mais il en existe également d’autres.

Les centrales nucléaires sont très exigeantes en investissements, en partie en raison de leur complexité et des règles de sécurité strictes. Si les coûts de combustible sont inférieurs à ceux des centrales à combustible fossile, le coût de l’électricité produite peut être plus élevé, en fonction d’un nombre de facteurs différents, dont le coût des emprunts pour financer la construction et la disponibilité des subventions gouvernementales.

Le tableau 3 montre les estimations du coût de l’électricité produite par les centrales nucléaires et les centrales au charbon, en supposant un financement du secteur public (un taux d’escompte de 5 pour cent) et un financement du secteur privé (un taux d’escompte de 10 pour cent). Elles montrent de grandes variations, et les experts ne s’accordent pas sur la façon de présenter intégralement les coûts sociaux et environnementaux plus importants des différentes sources d’énergie.

 Taux d’escompte de 5%, c/kWh
Pays
Nucléaire
Charbon
Belgique
6.1
8.2
Rép. Tchèque
7.0
8.5-9.4
France
5.6
Allemagne
5.0
7.0-7.9
Hongrie
8.2
Japon
5.0
8.8
Corée
2.9-3.3
6.6-6.8
Pays-Bas
6.3
8.2
Slovaquie
6.3
12.0
Suisse
5.5-7.8
Etats-Unis
4.9
7.2-7.5
Chine*
3.0-3.6
5.5
Russie*
4.3
7.5
 
 Taux d’escompte de 10%, c/kWh
Pays
Nucléaire
Charbon
Belgique
10.9
10.0
Rép. Tchèque
11.5
11.4-13.3
France
9.2
Allemagne
8.3
8.7-9.4
Hongrie
12.2
Japon
7.6
10.7
Corée
4.2-4.8
7.1-7.4
Pays-Bas
10.5
10.0
Slovaquie
9.8
14.2
Suisse
9.0-13.6
Etats-Unis
7.7
8.8-9.3
Chine
4.4-5.5
5.8
Russie
6.8
9.0

Tableau 3 : Projections des coûts de production de l’électricité de l’OCDE pour l’année 2010 à  des taux d’escompte de 5 et 10 pour cent, c/kWh

Source : OCDE / AIE AEN 2010 [5]

Les problèmes que connaissent les nouveaux projets rendent les coûts estimatifs irréalistes. Ainsi, un EPR de 1600 MW en cours de construction en France était initialement censé coûter € 3,3 milliards, mais après de grands retards accusés pour sa construction, son coût réel pourrait s’élever à € 6 milliards [6].

La gestion des déchets radioactifs produits et le déclassement de la centrale quand elle arrivée au terme de sa vie utile sont également coûteux. Des projets de conservation des déchets radioactifs à très longue durée de vie dans des couches géologiques profondes existent, mais aucun n’a encore, en fait, vu le jour. Les déchets resteront dangereux longtemps après la fermeture des centrales de production d’électricité, qui ont une durée de vie utile d’environ 40 ans. En effet, il faudra environ 24 000 ans pour que l’activité du plutonium soit réduite de moitié.

Le risque d’accidents majeurs est une autre grande préoccupation — leurs coûts sociaux et économiques pouvant être considérables et durables. Ainsi, le Bélarus estime ses pertes économiques dues aux effets sanitaires et sociaux cumulatifs de la catastrophe de Tchernobyl sur 30 ans à US$ 235 milliards. Et 5 à 7 pour cent des dépenses publiques en Ukraine sont encore consacrés aux programmes de dédommagement liés à Tchernobyl [7].

Plus récemment, le Centre japonais pour la recherche économique a estimé que les coûts de l’accident nucléaire survenu à Fukushima pourraient atteindre US$ 250 milliards, chiffre comprenant l’indemnisation des 180 000 personnes évacuées de la zone [8].

Comme l’illustre l’accident de Fukushima, l’énergie nucléaire pose des défis de sécurité majeurs – au premier plan desquels figurent la réponse aux urgences et le développement des capacités techniques pour faire fonctionner les centrales et leurs infrastructures associées, y compris dans la gestion des déchets, en toute sécurité.

La disponibilité du combustible

Se pose en outre le problème de la disponibilité du combustible. Les principales réserves d’uranium se trouvent en Australie, au Canada, en Namibie et au Kazakhstan, et sont, dit-on, suffisantes pour environ 70 ans, aux taux d’utilisation actuels [9].

De nouvelles découvertes de combustible d’uranium et une nouvelle technologie d’utilisation de ce combustible pourraient permettre de prolonger ce délai. Ainsi, les réacteurs à neutrons rapides pourraient contribuer à prolonger la durée des réserves d’uranium en ‘générant’ du plutonium à partir de l’uranium autrement inutilisable. Quelques prototypes ont été construits, mais jusqu’ici, il s’agit d’une technologie relativement peu développée, avec de potentiels problèmes de sûreté et de sécurité [10].

Compte tenu des éventuelles pénuries d’uranium, certains pays étudient l’utilisation du thorium, qui est trois fois plus abondant que l’uranium. Certains prototypes existent déjà, et l’Inde et la Chine envisagent cette option.

Mais à plus long terme, les perspectives de la fission nucléaire sont inévitablement limitées par la disponibilité d’un combustible dont les sources sont épuisables. Ainsi, la fission nucléaire ne pourra s’étendre suffisamment pour remplacer les combustibles fossiles de façon permanente. Cela semble indiquer que l’énergie nucléaire ne peut pas être l’option la plus appropriée pour faire face aux changements climatiques.

Une option possible pour cela est la fusion nucléaire, puisque le combustible nécessaire est beaucoup moins contraint. Une partie de ce combustible, (le deutérium) peut être obtenue à partir de l’eau de mer, et le tritium, produit à partir du lithium.

Mais ce n’est pas là une solution pour l’immédiat — la fusion étant une technologie encore peu développée. Elle nécessite soit des températures très élevées (environ 200 millions de degrés Celsius) soit des impulsions laser de grande puissance pour entraîner la fusion des noyaux et libérer de l’énergie. Jusqu’ici, il n’a pas été possible de produire plus d’énergie que celle qui est nécessaire pour conduire la réaction, ou de garder la réaction de fusion stable pendant plus de quelques secondes.

Les passionnés de la fusion affirment que, si tout se passe bien avec les programmes internationaux de recherche dotés de plusieurs milliards de dollars, la fusion pourrait fournir environ 20 pour cent de l’électricité mondiale d’ici 2100 [11]. Mais ces affirmations sont sans garantie.

Parmi les autres options énergétiques à un stade plus développé figurent certaines des énergies renouvelables, avec l’utilisation des flux d’énergies naturelles et inépuisables telles que les vents, les marées et le soleil. Les sources d’énergies renouvelables fournissent déjà 20 pour cent de l’électricité mondiale (si on y inclut l’hydroélectricité), et les perspectives pour une expansion rapide sont bonnes — le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat suggère que les énergies renouvelables pourraient fournir 77 pour cent de l’électricité mondiale d’ici 2050. [12]

Qui est ‘in’ et qui est ‘out’

La catastrophe nucléaire de Fukushima laisse l’énergie nucléaire à la croisée des chemins, tout comme l’accident de Tchernobyl il y a 25 ans.

Plusieurs pays développés se sont détournés de l’option nucléaire. Le Japon a décidé d’abandonner ses projets d’expansion et envisage une sortie progressive totale du nucléaire, tandis que l’Allemagne a lancé un programme d’abandon progressif — ces deux pays parient plutôt sur les énergies renouvelables.

L’Italie a également renoncé à ses projets nucléaires, comme l’a fait la Suisse. Même la France traditionnellement pro-nucléaire a déclaré qu’elle examinera une sortie progressive totale du nucléaire d’ici 2050.

La tendance dans le monde en développement est plus mitigée. La Chine réévalue actuellement son programme nucléaire, et envisage de revoir à la baisse l’objectif officiel de mise en place de 80 GW d’ici 2020. Actuellement, la Chine produit moins de 2 pour cent de son électricité à partir de l’énergie nucléaire, mais avait prévu de porter ce pourcentage à environ 4 d’ici 2020. C’est certes un taux faible, mais qui représente un très grand programme, vu la taille du pays.

Pour relativiser, la Chine cherche à tirer 15 pour cent de l’énergie totale dont elle a besoin (pas seulement l’électricité) de la filière des énergies renouvelables et d’autres options énergétiques à basse teneur en carbone d’ici 2020.

L’Inde est un cas à part. En tant que non-signataire du TNP, le pays a parfois eu des difficultés à accéder à l’uranium provenant de l’étranger en raison des restrictions internationales concernant l’accès au combustible nucléaire. Toutefois, et en dépit d’une forte opposition locale, elle persévère dans un ambitieux programme qui portera sa production à 20 GW d’ici 2020.

Dans le Sud-est asiatique, Taiwan et la Corée du Sud réévaluent leurs programmes nucléaires. La Thaïlande et la Malaisie ont, quant à elles, abandonné leurs projets nucléaires. Le gouvernement philippin se pose la question de "réorienter" son budget de GBP100 millions depuis le nucléaire vers les énergies renouvelables. Mais le Vietnam a décidé de poursuivre son projet de 14 centrales nucléaires d’ici 2030.

Au Moyen-Orient, l’Arabie saoudite étudie un programme de US$ 100 milliards pour la construction de 16 nouvelles centrales d’ici 2030. La première centrale d’Abu Dhabi devrait entrer en service en 2017, devant trois autres. Et la Turquie va aussi de l’avant avec son programme nucléaire. Le Koweït, néanmoins, a déclaré qu’il ne veut plus s’engager dans la voie du nucléaire, et le Qatar a fait une annonce similaire.

En Afrique, l’Afrique du Sud tire déjà de 6 pour cent de son électricité des centrales nucléaires, et projetait de développer cette capacité. Mais la crise financière l’a poussé à abandonner ces projets, au moins temporairement, ainsi que son projet de mini-réacteur à lit de ‘boulets’.

Certes l’Afrique du Sud semble vouloir poursuivre son programme nucléaire. Mais le pays considère également que les énergies renouvelables apporteront une contribution encore plus grande à la satisfaction de ses besoins énergétiques futurs.

Le Kenya, en revanche, semble vouloir s’engager très fortement dans l’énergie nucléaire, avec des projets pour un programme de plusieurs milliards de dollars, susceptibles de fournir la majeure partie de l’énergie consommée par le pays au cours des 15 prochaines années.

L’histoire du nucléaire est loin d’être terminée, aussi bien dans les pays développés que dans le monde en développement. A plus long terme, peuvent émerger de nouvelles technologies nucléaires plus sûres et plus rentables, produisant peut-être moins de déchets et utilisant plus efficacement le combustible.

Au stade actuel, l’alternative est le déploiement rapide des technologies des énergies renouvelables, dont certaines sont déjà largement utilisées. Lors de l’examen de l’option du nucléaire pour leur avenir énergétique, les pays en développement se doivent donc d’évaluer les preuves disponibles.

Dave Elliott est professeur émérite de politique technologique à l’Open University, Royaume-Uni.

Le présent article fait partie d’un Dossier sur l’Energie nucléaire dans l’après Fukushima.

Références

[1] World Nuclear Association World Nuclear Power Reactors & Uranium Requirements (2011)
[2] Global Citizen Reaction to the Fukushima Nuclear Plant Disaster  [7.64MB] (Global Advisor, IPSOS, 2011)
[3]
UN Development Programme, UN Department of Economic and Social Affairs and the World Energy Council. World Energy Assessment: Energy and the challenge of sustainability (UNDP, 2011)
[4] World Nuclear Association Nuclear power reactors (2011)
[5] Nuclear Energy Agency Projected Costs of Generating Electricity 2010 (IEA/NEA, 2010)
[6] EDF delays Flamanville 3 EPR project (News, Nuclear Engineering International, 2011)
[7] GreenFacts Chernobyl Nuclear Accident(2006)
[8] News On JapanFukushima cleanup could cost up to $250 billion (2011)
[9] Uranium Resources and Nuclear Energy [404kB] (Background paper, Energy Watch Group, 2006)
[10] Cochran et al. Fast Breeder Reactor Programs: History and Status [1.46MB]. (International Panel on Fissile Materials, 2010)
[11] UK Atomic Energy Authority Fusion: A Clean Future (UK Atomic Energy Authority, 2007)
[12] IPCC Special Report on Renewable Energy Sources and Climate Change Mitigation (SRREN) (2011)