30/06/15

Des cabines solaires pour fournir de l’électricité

I-Kabin
Crédit image: AESP Green Energy

Lecture rapide

  • Le concept est basé sur un système de batteries rechargeables dans des stations solaires
  • Il a été testé dans plusieurs pays africains, dont la Côte d'Ivoire
  • Les promoteurs espèrent en faire un modèle de démocratisation de l’électricité dans un contexte de crise

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Conçue par la jeune entreprise québécoise AESP Green Energy, l’I-Kabin, pierre angulaire du nouveau système de distribution d’énergie électrique, alimente des centaines de foyers en Côte d’Ivoire.
 
Le système a été pensé de façon à servir de station de recharge de batteries fonctionnant à l’énergie solaire et connectée à l’Internet des Objets (IdO).
 
Selon Leo Clarkin, vice-président d’AESP Green Energy, promoteur de l’initiative, les batteries se rechargent en quatre heures et possèdent une capacité d'éclairage d'environ 50 heures avant épuisement.
 
Ceci permet aux foyers d’éclairer deux chambres pendant environ 3 à 4 heures par nuit, à l'aide de deux diodes électroluminescentes de trois watts, également fournies avec un kit de batterie portable.
 
L’I-Kabin est un service prépayé géré par un préposé, comme sa propre micro-entreprise.
 
“Le modèle économique d’AESP est basé sur une livraison de l’I-Kabin en tant que service; l’entreprise ne vend pas les unités de recharge en tant que biens prêts à consommer”, précise Leo Clarkin.
 
AESP noue des partenariats avec des entreprises locales qui, elles, s’occupent de la gestion des I-Kabins.
 
Pour sa part, AESP fournit des services de maintenance par le biais des capacités de connectivité IdO des stations, grâce à des interventions à distance.
 
Les I-Kabins sont livrées aux partenaires à 50% de leur valeur marchande et fonctionnent selon un modèle de partage des revenus négocié au cas par cas.

“Lorsque la demande sera suffisante, nous envisagerons d’installer des usines d’assemblage dans les trois régions-clés d’Afrique sub-saharienne.”

Leo Clarkin, vice-président d’AESP Green Energy

Si le prix unitaire de la cabine est d’environ $ 5000 (un peu plus de 2,5 millions de FCFA) en moyenne, il peut être variable en fonction des besoins exprimés par les clients.
 
Services connexes et Internet

Les promoteurs insistent sur le fait que l’I-Kabin n’est pas qu’une station de recharge: en tant qu’engin connecté à l’IdO, elle constitue également un point d’accès à l’Internet.
 
Il s’ensuit qu’en plus des services de recharge de batteries, elle offre des services connexes, tels que l’accès au wi-fi, qui constitue une autre activité génératrice de revenus.
 
Pour ce qui est des opérateurs de téléphonie mobile, le système permet de faire de l’I-Kabin une station de base pour améliorer les services dans les zones à faible couverture.
 
Enfin, l’I-Kabin peut également servir de station d’alimentation en électricité pour les opérateurs de téléphonie mobile ou de station-relais dans le contexte d’un réseau maillé.
 
“Nous venons en Afrique sans idées préconçues. Nous voulons écouter et adopter une approche innovante, afin de satisfaire les besoins des consommateurs en Afrique sub-saharienne. Lorsque la demande sera suffisante, nous envisagerons d’installer des usines d’assemblage dans les trois régions-clés d’Afrique sub-saharienne", explique Leo Clarkin.
 
“Mais pour l’heure, la priorité est de déployer les I-Kabins aussi rapidement et efficacement que le marché et les opportunités d’affaires le permettent. Nous recherchons activement des partenaires dans un grand nombre de pays, afin de gérer et d’exploiter le service, en remplaçant dans un premier temps, l’utilisation du pétrole lampant comme source d’éclairage par une source d’énergie plus sûre, plus propre et plus efficace”, poursuit le responsable d’AESP Green Energy.

Odyssée

 
De fait, plusieurs pays africains ont déjà été approchés par les promoteurs de l’I-Kabin, dont le Nigeria, la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Bénin, le Togo, le Mali, le Burkina Faso, l’Ouganda, la Tanzanie, le Mozambique, l’Angola et l’Afrique du Sud.
 
Le projet I-Kabin est le résultat d’une évolution de concepts et d’idées de placements sur les marchés africains.
 
L’histoire de la petite cabine jaune a commencé avec des lampadaires hors réseau. 
 
Les ingénieurs d’AESP avaient en effet initialement développé, fabriqué et commercialisé des lampadaires hybrides (éoliens et solaires) autonomes, à la fois pour les marchés canadiens et étrangers. 
 
Ils avaient également pensé à ajouter une touche additionnelle, sous la forme d’une unité de contrôle à distance, à travers des technologies de l’Internet des objets (IdO).
 
"Nous avions aussi pensé que notre solution d'éclairage pourrait répondre aux besoins de l'Afrique sub-saharienne. Donc, nous avons donné des agréments aux marchés d’Afrique sub-saharienne. Mais cette approche a été décevante d’un point de vue commercial sur les marchés hors Canada”, explique encore Leo Clarkin.
 
Pas pour autant découragés, les ingénieurs d’AESP se sont demandé comment ils pouvaient utiliser leurs équipements et la technologie IP pour aider les populations.   Galvanisés qu’ils étaient par de la nécessité de fournir des solutions d'alimentation électrique et d'éclairage sûres et abordables aux quelque 600 millions de personnes sans accès à l'énergie électrique en Afrique sub-saharienne.
 
Une situation qui fait qu’un grand nombre de ces personnes étaient dépendantes de l'utilisation du kérosène, avec à la clé de nombreux problèmes de santé et de sécurité.
 
“Nous avons entrepris une analyse des besoins, avec un accent sur la façon de réaliser un modèle économique durable et rentable. Expliquent les promoteurs de l’I-Kabin. Nous avons ainsi passé un certain temps à voyager à travers l'Afrique sub-saharienne et avons noté l'omniprésence de réseaux de télécommunications mobiles et de services innovants à valeur ajoutée uniques à l’Afrique, tels que les applications mobiles de transfert d'argent.”
 
Et de poursuivre : “Nous avions d'abord pensé qu’une station solaire juste pour recharger les téléphones portables serait un produit ou un service commercialisable, d’autant plus qu'il nous est apparu qu'il n'y avait pas de méthodes dédiées et abordables de recharge des batteries de téléphones portables. Nous avions prévu d’associer à la gestion de ces kiosques les agents des compagnies de téléphonie mobile chargés de la commercialisation des cartes de recharge. Nous avons donc fait part de notre idée à la plupart des opérateurs mobiles du continent.”
 
L’idée était que si les abonnés des opérateurs mobiles disposaient d’un moyen abordable et facile de recharger leurs téléphones, cela augmenterait le revenu moyen par utilisateur.
 
Mais la proposition était reçue presque partout avec des froncements de sourcils.
 
Pas découragé pour un sou, AESP a envoyé une mission en Côte d'Ivoire en avril 2014, à l'invitation d’anciens collègues ivoiriens rencontrés à Montréal et des groupes de discussions ont alors été organisés avec la population, pour comprendre ses besoins.
 
“Nous avons été persuadés d’agir par un certain nombre d’arguments, dont le besoin d’un éclairage pour les maisons, le niveau relativement élevé de revenu, l'utilisation de piles électriques pour lampes torches, et le désir des participants d’avoir des téléviseurs et de l’électricité pour suivre les matches de la Coupe du Monde de football.
 
“Nous avons aussi demandé aux participants de nous donner une estimation raisonnable du coût du service, afin d’en garantir son succès”, poursuit Leo Clarkin.
 
“Dès notre retour à Montréal, nous avons complètement revu notre analyse des besoins pour nous concentrer sur la mise au point d'un produit qui permettrait aux villageois de posséder une petite batterie de recharge portable, avec une capacité suffisante pour éclairer deux chambres pour une durée de 3 à 4 heures par nuit, pendant une semaine environ. Nous avons ensuite conçu le kiosque de recharge maintenant appelé I-Kabin, pour fournir des capacités de recharge à 150 foyers. Le modèle économique est très simple: fournir au client un service d’éclairage bon marché, comparativement aux dépenses engagées pour se procurer du kérosène."
 
Entre avril 2014, date de rédaction de la note de concept de l’I-Kabin et l’arrivée des premières unités en Côte d’Ivoire, il s’est écoulé seulement huit mois pendant lesquels les ingénieurs ont travaillé d’arrache-pied pour donner corps à leurs ambitions: sept stations de recharge ont ainsi été installées dans des villages aux alentours d’Abidjan, pour servir cinq cents clients.
 
Le coût du service est fixé par le partenaire local d’AESP Green Energy, en tenant compte des réalités locales.
 
Par exemple, en Côte d’Ivoire, le prix de la recharge est d’environ 2 dollars (un peu plus de 1 000 FCFA).
 
Bien entendu, le système présente aussi l’avantage d’être moins polluant et plus sûr, sans compter qu’il permet, à l’aide d’un port USB, d’alimenter divers types d’appareils, tels que les téléphones portables et les petits ventilateurs.
 
96% des Ivoiriens utilisent un téléphone portable, mais seulement 30% d’entre eux ont accès à l’électricité.
 
A l’échelle du continent, on estime à 600 millions le nombre de personnes vivant sans électricité.
 
Selon des estimations de la Banque mondiale, 700 millions d’Africains pourraient ne pas avoir accès à l’électricité, à l’horizon 2024.