03/03/09

Les moyens de l’université menacés par les politiques de recherche

Les universités réduisent parfois la charge d'enseignement afin que les professeurs accordent plus de temps à la recherche. Crédit image: Flickr/interplast

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D'après Phuong Nga Nguyen, la recherche génératrice de revenus à court terme peut réduire les moyens des universités, qui sont le creuset du développement économique à long terme.

De par le monde, il est généralement reconnu que les connaissances fondées sur la recherche favorisent le développement économique. Par conséquent, les organismes de financement, notamment les gouvernements, poussent les universités à se focaliser sur les résultats des travaux de recherche ‘utilisables’. La façon dont ils exercent cette pression, au moyen de la ‘gouvernance de la recherche’, peut soit promouvoir et faciliter la recherche universitaire ou constituer une entrave à celle-ci, et parfois nuire aux acquis d’une université.

Par ‘gouvernance de la recherche’ on entend les politiques que les acteurs clés, tels que les gouvernements, les bailleurs de fonds, l’industrie et les organisations non gouvernementales, appliquent dans la gestion et la régulation de la recherche. Ces politiques sont destinées à l’établissement de normes pour la conduite des activités de recherche et la contribution au développement de la qualité éthique et scientifique, ainsi qu’à la promotion de bonnes pratiques.

La pratique de la gouvernance de la recherche, et en particulier les critères qui régissent le décaissement des subventions et le contrôle de leur utilisation par les organismes de financement, varient selon le pays et en fonction des spécificités politiques, économiques et culturelles. Mais leurs conséquences sur les dirigeants des universités et le personnel enseignant sont souvent identiques partout dans le monde.

Des pressions commerciales

Les exigences des diverses parties prenantes ont modifié les rapports au sein des universités et entre les universités, mais aussi avec les bailleurs de fonds et les communautés externes.

Par le passé, les gouvernements et les organismes de financement accordaient des subventions pour le développement de la recherche et le renforcement des capacités. Mais avec l’avènement de l’économie mondiale du savoir, ce financement ‘de base’ a souvent été supplanté par des relations à orientations plus commerciales. Les bailleurs de fonds exigent tant des universités du Nord que de celles du Sud qu’elles s’impliquent davantage dans le monde des affaires. Ils veulent un retour sur investissement dans le domaine de la recherche sous la forme de résultats ou de connaissances susceptibles de contribuer au développement économique et social.

Une attitude qui, à son tour, pousse les universités à mettre l’accent sur la recherche appliquée – parfois au détriment de la recherche fondamentale et des programmes d’enseignement. Tandis que certaines universités accordent la priorité aux projets de court terme pour obtenir des résultats susceptibles d’être brevetés, créant même parfois leurs propres sociétés pour accélérer le développement du produit de la recherche.

L'enseignement est relégué au second plan

Un certain nombre d’organismes de financement ne considèrent plus l’enseignement comme le meilleur moyen de promouvoir le développement économique alors qu’il est traditionnellement au centre des missions de l’université. Une attitude qui pousse certaines universités à modifier leurs stratégies de collecte de fonds en mettant plus d’accent sur la recherche.

Ce qui peut avoir des conséquences sur les mesures prévues par l’université pour récompenser son personnel, sur les activités de tutorat, voire meme les politiques de recrutement. Dans des pays comme la Chine, les chercheurs considérés comme “ayant réussi”, ont des activités de consultants, vendent les résultats de la recherche universitaire à l’industrie ou publient dans des revues d’évaluation par leurs pairs, sont mieux récompensés, sous la forme de bonus ou d'indemnités de déplacement.

Les universités réduisent parfois leurs engagements dans le domaine de l’enseignement pour permettre aux universitaires de consacrer davantage de temps à la recherche. Ce qui nuit à la fois à la quantité et à la qualité de l’enseignement. Même avec une charge d’enseignement réduite, les universitaires ont toujours tendance à négliger leurs responsabilités dans le domaine de la formation des étudiants de premier cycle, en déchargeant parfois leurs tâches d'enseignement sur les étudiants de second cycle. Ce qui semble être particulièrement vrai dans des pays comme la Chine, le Royaume-Uni et les Etats-Unis.

Les moyens diminuent, au lieu de s'accroître

L’accent mis sur l’aspect commercial de la recherche implique que la recherche fondamentale ou pure ne bénéficie plus de l’attention qui lui est traditionnellement accordée. Mais les dirigeants des universités et le personnel enseignant n’oublient pas que ce sont les universités réputées pour la haute qualité de leurs activités de recherche fondamentale, par exemple l’Université de Melbourne en Australie, qui attirent le plus les partenaires industriels et les organismes de financement. Leurs moyens dans le domaine de la recherche fondamentale servent de base solide à la recherche appliquée à laquelle leurs partenaires peuvent se fier.

La majeure partie de la recherche commercialisée dont les universités font la promotion concerne des projets de court terme susceptibles de générer rapidement des bénéfices. Ces projets ne couvrent pas les frais généraux lies à l’utilisation du personnel et des infrastructures essentielles.

Ces activités empechent également les universités d’élaborer des programmes de recherche approfondis et à long terme, ce qui handicape leurs moyens de recherche et compromet leur mission qui consiste à améliorer la qualité globale de la recherche.

Assumer la responsabilité du soutien à la recherche fondamentale

Il existe des actions que les universités et les gouvernements peuvent entreprendre afin de tirer le meilleur parti de la gouvernance de la recherche tout en limitant ses conséquences néfastes.

Les gouvernements et les organismes de financement doivent redéfinir leurs exigences à l’égard des universités. Ils doivent investir davantage dans la recherche fondamentale et suivre les processus et les résultats de la recherche. Ils doivent également allouer des fonds aux universités pour ‘compenser les ressources affectées à leurs travaux’ – développer leurs capacités de recherche, moderniser et assurer la maintenance des infrastructures.

Les universités doivent revoir régulièrement leurs politiques internes afin de préserver un équilibre sain entre la recherche et l’enseignement d'une part, et entre les activités de recherche à court terme et les activités à long terme, d'autre part.

Surtout, les universités doivent inscrire la promotion de la durabilité et du développement de la recherche parmi leurs politiques en finançant la formation du personnel enseignant, surtout celle des jeunes chercheurs, l’achat du matériel nécessaire, des ouvrages et des équipements pour répondre aux besoins des chercheursMais ce sont les critères qui régissent l'allocation et le contrôle des subventions de recherche qui déterminent, en définitive, la façon dont la recherche est menée dans les universités, et fixe les règles pour ce qui est de la motivation des chercheurs. C'est pourquoi les organismes de financement doivent supporter les dépenses nécessaires à la recherche appliquée.

Toutes les parties prenantes doivent donc contribuer à la mise en place de moyens de recherche durables.

Phuong Nga Nguyen est la Directrice du Centre de garantie de la qualité de la formation et de la recherche pour le développement de l'éducation de l'Université nationale du Vietnam, à Hanoi.