30/06/14

L’entrepreneuriat pour réduire le chômage des diplômés du supérieur

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Crédit image: Marc Shoul / Panos

Lecture rapide

  • Les étudiants sortent des universités sans acquérir les compétences qu’il leur faut pour être employables
  • Les programmes doivent être révisés pour y intégrer les connaissances pratiques, et ne pas être limitées à la théorie
  • L’initiation à l’esprit d’entreprise, surtout dans le secteur agricole, permettrait de créer des emplois

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Pour Martin Bosompem, les étudiants ont besoin de compétences pratiques pour être employables, ou s’auto-employer.

La population de l’Afrique est la plus jeune au monde et d’après les estimations, les jeunes représentent 60 à 70 pour cent de la population totale, mais très peu d’entre eux ont accès à l’emploi. Le chômage des  jeunes diplômés est en passe de devenir l’un des fléaux auxquels la jeunesse du continent fait face.

 
L’une des causes majeures du chômage des jeunes découle des lacunes du système d’éducation  qui met trop l’accent sur les enseignements théoriques. La formation pratique nécessaire pour trouver du travail sur le marché de l’emploi ou s’auto-employer n’existe quasiment pas.
 
La solution à ce problème passe par de profonds changements dans la conception du système de formation universitaire par les gouvernements, et l’élaboration de politiques  pour encourager les entreprises à démarrer leurs activités et rester viables.
 

Réviser les programmes

 
La réforme des systèmes universitaires africains doit être axée sur la refonte totale des programmes. Elle doit être orientée vers la pratique et répondre à la demande. Et les programmes de formation doivent initier les diplômés à l’esprit d’entreprise  dans toutes les filières et disciplines.
 
Cette réforme est d’une  importance capitale étant donné que pour l’instant, la formation pratique est tellement inadaptée que de nombreux diplômés ne sont pas employables, même pour les rares offres disponibles. Très souvent, les employeurs sont obligés d’utiliser leurs propres ressources pour former à nouveau les diplômés qu’ils recrutent afin de les rendre opérationnels.  

“La mise en œuvre de politiques facilitant la création d’entreprises, couplée à la réforme du système universitaire contribuerait beaucoup à réduire le chômage des diplômés du supérieur en Afrique subsaharienne.”

Martin Bosompem

En plus de la refonte des programmes, les systèmes universitaires doivent être dotés de ressources suffisantes sur le plan des infrastructures et du personnel nécessaires à la formation des étudiants. Et dans le cadre de leur formation, les étudiants doivent se frotter aux industries et aux entreprises par l’intermédiaire des programmes de stages.
 
La formation à l’entrepreneuriat est rare dans la plupart des systèmes universitaires d’Afrique subsaharienne. Lorsqu'elle existe, elle est orientée  surtout vers les étudiants en économie et gestion, alors qu’elle doit être partie intégrante du système dans toutes les filières – des arts aux sciences pures, en passant par l’agriculture, les sciences sociales et même les écoles de médecine.
 

Créer des pépinières d’entreprises au sein des universités

 
L’initiation à l’entrepreneuriat doit surtout aider les étudiants à élaborer des projets d’entreprise viables qu’ils peuvent commencer à mettre en œuvre dès leur sortie. L’une des stratégies pour y parvenir consiste à créer des pépinières d’entreprises au sein des universités. Ces pépinières peuvent servir de cadre où les étudiants élaborent leurs idées de projet et leurs plans et les testent même à travers des micro-ventes avant de les lancer dans le monde réel.
 
La pépinière d’entreprises de l’Université de Cape Coast, au Ghana où j’enseigne en est une parfaite illustration. Elle met à la disposition des étudiants des infrastructures constituées d’un bureau et du matériel et leur apporte un appui technique et financier.

Bien que la pépinière soit logée dans l’Ecole de commerce, elle assiste les étudiants de toutes les filières de l’Université, à condition que l‘étudiant ait une idée de start-up  solide. [1]
Tout programme de formation à l’esprit d’entreprise dans l’enseignement supérieur doit mettre l’accent sur l’agriculture et l’agro-industrie qui, selon le dernier rapport de la Banque mondiale sur l’agro-industrie en Afrique, doivent être les moteurs de la transformation économique en Afrique subsaharienne d’ici à 2030.
 
Les programmes de promotion de l’agro-industrie devront être axés sur  l’agriculture mécanisée et les  technologies modernes de production agricole, comme l’agriculture de précision, des systèmes de gestion agricole basés sur les TIC. Ils doivent par ailleurs insister sur la transformation, la conservation, la valorisation des produits et d’autres aspects de la chaîne de valeur agricole 

Elargir l’appui aux start-ups

Mais la création d’entreprises, surtout dans le secteur de l’agro-industrie ne doit pas être promue uniquement à travers les politiques  de l’enseignement tertiaire. Elle doit être promue par les gouvernements africains à travers des réformes politiques plus larges.
 
La plupart des pays africains se sont dotés de politiques et de lois réglementant la création d’entreprises,  comme la législation en matière de droits d’auteur ou de brevets, mais elles sont rarement appliquées. Plusieurs innovateurs voient leurs travaux copiés, et même volés, sans que les institutions chargées d’appliquer la loi ne viennent à leur secours.
 
Et la protection de la propriété intellectuelle n’est pas le seul défi à relever. Mes recherches montrent que de nombreux diplômés en agronomie hésitent à créer leur propre entreprise à cause des risques liés à une telle initiative. [2] Les institutions financières ont une attitude similaire et rechignent souvent à accorder des prêts à ceux des diplômés ou à d’autres catégories d’entrepreneurs suffisamment téméraires pour créer une entreprise. Par ailleurs, dans plusieurs pays africains, il n’existe pas de  régimes d’assurance susceptibles de protéger l’agro-industrie dans les moments difficiles.
 
La mise en œuvre de politiques facilitant la création d’entreprises, accompagnée des réformes du système universitaire, notamment l’élaboration de programmes pratiques orientés vers les besoins du marché et la promotion de l’esprit d’entreprise peuvent contribuer à réduire le chômage des diplômés du supérieur en Afrique subsaharienne.
 
Martin Bosompem est enseignant au Département d’économie et de vulgarisation agricole à l’Ecole d’agriculture de l’Université de Cape Coast au Ghana. Il peut être contacté à l’adresse [email protected]  et sur Twitter @mbosompe  

Cet article fait partie du dossier spécial sur les stratégies pour rendre l’enseignement supérieur utile pour l’Afrique.

Références

[1] World Bank Growing Africa: Unlocking the potential of agribusiness (World Bank, January 2013)
[2] Martin Bosompem and others Perceived entrepreneurial competencies of undergraduates and self-employment creation after graduation: implications for youth policy in Ghana (International Journal of Business and Management Studies 2013)