29/04/19

Q&R : Un centre pour la culture scientifique par les jeux

Aboa
Anne Frédérique Aboa, présidente de l'Association Aide à l’équipement scolaire et culturel (AESCO) Côte d’Ivoire. Crédit image: SDN/Mamadou Traoré.

Lecture rapide

  • Le centre a pour objectif de susciter l’amour de la science chez les jeunes et même chez les adultes
  • Les jeux scientifiques qui y sont disponibles concernent la robotique, les maths, l’astronomie, etc.
  • Le centre projette d’organiser des caravanes scientifiques pour vulgariser la culture scientifique

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L’Association Aide à l’équipement scolaire et culturel (AESCO), basée en France, a récemment ouvert dans la capitale économique ivoirienne, Abidjan, un centre ludique destiné à susciter l’amour de la science chez les enfants à travers le jeu.
 
Anne Frédérique Aboa, la présidente d’AESCO en Côte d’Ivoire, est une Française d’origine ivoirienne qui vit en France depuis une quarantaine d’années. À travers les jeux, elle pense que tout est possible, en s’appuyant sur sa propre expérience. « Je ne suis pas scientifique de base, mais c’est en jouant, en m’amusant avec les enfants que j’ai acquis un savoir scientifique », dit-elle.
 
Dans un entretien accordé à SciDev.Net, Anne Frédérique Aboa revient sur l’origine, les activités et les perspectives de cette initiative.

Quelle est l’origine de ce projet et quel en est l’objectif ?

Le fondateur de l’AESCO, Gervais Loëmbe, délégué du préfet de Val-de-Loire en France, à la fois mathématicien, physicien, pilote, astronome et chimiste, est parti du fait que les jeunes issus de l’immigration s’orientent automatiquement vers des filières littéraires, alors que l’Afrique a besoin d’une émergence qui passe nécessairement par l’industrialisation. Mais pour que le continent soit industrialisé, il faut qu’il y ait de jeunes ingénieurs, chercheurs, techniciens. Ainsi, la question qui s’est posée à nous était de savoir comment amener les jeunes à aimer la science. L’objectif de ce projet est de susciter l’envie chez l’enfant de faire de la science de manière ludique. Il faut permettre aux jeunes de certains quartiers de ressembler à leurs grands frères. C’est un projet citoyen. A un niveau personnel, j’ai jugé logique que je vienne réaliser un tel projet dans mon pays d’origine, la Côte d’Ivoire.

Quelles sont les activités menées pour susciter l’éveil scientifique des enfants dans ce centre?

D’abord, je voudrais préciser que le centre est animé par des bénévoles qui s’engagent à accompagner ce que nous faisons, en plus de quelques partenaires. Cela dit, nous avons quatre principales activités que nous proposons aux enfants. D’abord, l’astronomie : nous leur apprenons des notions dans cette discipline, et leur faisons comprendre que sans les satellites aujourd’hui, il serait difficile de bénéficier de la technologie dont on dispose. L’astronomie a permis aussi de fragmenter le temps, elle est primordiale pour l’Afrique, il faut que les enfants l’apprennent, mais dans un contexte de jeu. Il y aussi la connaissance du système solaire, qui consiste en des activités orientées sur les constellations, les fusées à eau, la micro-fusée, pour leur permettre de comprendre qu’à part la terre, il existe plusieurs autres planètes. Nous avons aussi la robotique, l’informatique et les mathématiques, qui permettent aux enfants de développer leur sens de l’invention et de la créativité, mais aussi leur sens de la logique avec des jeux éducatifs ou cérébraux. Enfin, nous avons les activités expérimentales, qui portent, entre autres, sur la pression atmosphérique, la chimie, la physique et la biologie. Tout cela, dans une atmosphère de divertissement qui permet à l’enfant d’apprendre, de se former tout en s’amusant. Nous voulons faire savoir aux enfants que la science est partout autour de nous, et nos activités ludiques sont en lien avec notre quotidien. Un autre pan de notre mission est de rapprocher les jeunes ingénieurs des jeunes et enfants de quartiers populaires, comme nous l’avons fait en France avec de jeunes ingénieurs polytechniciens.

Quelles sont les conditions d’accès à ce centre ?

Le centre est ouvert à tous, peu importe la couche sociale. Les enfants peuvent y avoir accès à partir de l’âge de cinq ans. Mais il n’y a pas d’âge maximal pour y adhérer, car même des adultes peuvent venir au centre s’ils le souhaitent. Des cartes d’adhésion sont disponibles, en fonction du statut de l’adhérent, qu’il soit élève ou étudiant. Une séance de deux à trois heures coûte à partir de 3000 FCFA, et est également fonction de la taille de la famille et de l’activité qui sera menée par l’adhérent.

Quelles difficultés rencontrez-vous dans la conduite de ce programme ?

Notre première grosse difficulté est de faire comprendre l’intérêt de telles activités à la population. On n’a pas l’habitude d’envoyer nos enfants dans un centre de loisirs. Les gens pensent que quand on parle d’une ONG, c’est synonyme de gratuité. On a besoin de financements. On est obligés de solliciter un droit d’adhésion. Le besoin de financement est crucial. Par conséquent, le centre sollicite un droit d’adhésion, en attendant que le montage du dossier de subvention soit effectué. Le nombre d’adhérents est encore faible. L’AESCO compte demander le sponsoring de certaines grosses sociétés via la RSE [Responsabilité sociétale des entreprises, NDLR], pour promouvoir l’éducation scientifique. L’autre problème est de former des personnes qui n’ont pas forcément une formation scientifique, sur des activités scientifiques.

Quelles sont les perspectives du centre ?

Pour les années à venir, l’AESCO envisage de créer des antennes dans chaque commune d’Abidjan, dans le souci d’être plus proche des populations. Elle compte effectuer une caravane scientifique pour rendre la science accessible à tous. Nous souhaitons en outre recruter de jeunes étudiants pour animer plus tard les centres. Ce qui pourra résoudre le problème du chômage. Nous envisageons aussi d’organiser un séjour scientifique en juillet-août prochain qui permettra à de jeunes Ivoiriens de visiter des sites scientifiques français, ainsi que la signature d’un partenariat entre les étudiants polytechniciens d’Orléans et l’INPHB, pour la mobilité de jeunes scientifiques.

Quel message souhaiteriez-vous adresser à la jeunesse et aux autorités africaines ?

Je souhaiterais dire que le développement commence par soi-même. J’aimerais ensuite les exhorter à arrêter la politique de la main tendue. Chaque parent doit prendre conscience qu’il lui revient la responsabilité de l’éducation de ses enfants avant de demander de l’aide à un tiers.