27/04/16

Q&R : L’histoire d’un professeur de sciences dévoué

Gerard Kwake
Crédit image: Gerard Kwake

Lecture rapide

  • Gerard Kwake a exprimé dans un journal son rêve d’enseigner avec des outils modernes
  • Un habitant et des élèves de Rock Hill se sont cotisés pour lui venir en aide
  • Il a donc acheté ordinateur, microscope, projecteur qu’il utilise désormais en classe

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A la faveur du Teaching excellence and achievement program (TEA) organisé par le gouvernement des Etats-Unis pour renforcer les capacités d'enseignants triés sur le volet à travers le monde, Gerald Kwake Azamah qui enseigne depuis 7 ans la biologie, les mathématiques, la chimie et la physique au lycée de Mendong à Yaoundé (Cameroun) a récemment séjourné dans la ville de Rock Hill aux Etats-Unis.
 
Au terme de ce partage d’expérience qui a duré six semaines, il a reçu des dons évalués à plus de 1000 dollars (580 000 FCFA) de la part d’une habitante de Rock Hill qui a apprécié, à travers un article dans la presse locale, ses intentions de perfectionner ses techniques d’enseignement.
 
A la suite de cette donatrice, les élèves de l’une des classes qu’il a visitées pendant son séjour se sont cotisés pour près de 200 dollars (116 000 FCFA) pour le soutenir dans ce même projet.
 
Avec tout cet argent, cet enseignant a acheté du matériel didactique (tableaux, ordinateur portable, projecteur, microscope, etc.) dont il se sert aujourd’hui pour dispenser ses leçons, pour le grand bonheur de ses élèves.
 
Dans cet entretien qu’il a accordé à SciDev.Net, Gerald Kwake Azamah qui est âgé de 30 ans, revient sur les détails du programme et les conditions d’obtention des dons qui lui ont permis de révolutionner sa manière d’enseigner.
 

Vous étiez récemment aux Etats-Unis où vous avez expérimenté l’enseignement des sciences dans les écoles de ce pays. Dans quel cadre y étiez-vous ?

 
Je suis allé aux Etats Unis d’Amérique en tant qu’enseignant de biologie dans le cadre d’un programme sponsorisé par le Département d’Etat des Etats-Unis qu’on nomme TEA (Teaching excellence and achievement Program), qui réunit des enseignants sélectionnés dans différents coins du monde pour un renforcement de leurs capacités professionnelles. Pendant le programme, les enseignants renforcent leurs capacités d’enseignement dans leurs matières principales, et dans l’enseignement en général, à travers de nouvelles techniques pour planifier et dispenser les cours, ainsi que par l’utilisation de la technologie dans l’enseignement. A cette occasion, les enseignants font beaucoup d’échanges et ils augmentent leurs savoirs sur la culture des Etats-Unis. C’est un programme de développement professionnel de six semaines constitué d’heures de cours intense et de 40 heures d’expériences de terrain dans des collèges et lycées de la place.

“Je prépare mieux mes leçons ; je télécharge les vidéos et les photos expliquant clairement les concepts dans ma matière pour mieux faire comprendre les leçons à mes élèves. Vous savez qu’en écoutant, en observant, en pratiquant et en écrivant en même temps, l’élève assimile mieux la leçon.”

Gerald Kwake Azamah 
Professeur de biologie, Yaoundé – Cameroun

 

Comment vous est alors venue l’idée d’acheter des équipements modernes pour dispenser vos leçons ?

 
L’idée d’acheter ces équipements était déjà dans mon esprit ; mais les moyens ne me permettaient pas de le faire. J’ai toujours rêvé d’utiliser un ordinateur et un projecteur dans ma classe et j’espérais avoir l’opportunité de les acquérir un jour. Déjà, avant d’aller pour ce programme aux Etats-Unis, j’utilisais de temps en temps un ordinateur portable emprunté pour expliquer certaines leçons complexes à mes élèves, en utilisant des images et des vidéos. Ils se regroupaient pour voir sur le petit écran de l’ordinateur portable ; c’était assez difficile pour mes élèves et moi-même.
 

Concrètement, comment utilisez-vous un seul microscope, un seul ordinateur portable ou un seul projecteur dans des salles de classe de 140 élèves ?

 
L’utilisation de si peu d’équipements d’enseignement avec beaucoup d’élèves est vraiment difficile ; ça fait perdre beaucoup de temps ; puisque les élèves doivent s’aligner pour observer les organismes dans un seul microscope par exemple. L’ordinateur portable sert pour préparer mes cours à la maison et pour enseigner. Parfois, je le connecte à mon projecteur pendant les cours. Le projecteur qui est rechargeable et qui utilise le Wifi pour se connecter aux appareils me permet de projeter les images élargies au mur (ou à un écran) et les élèves peuvent voir à distance, si la salle est sombre. Mais j’ai beaucoup de difficultés, puisque nos salles de classes n’ont pas de fenêtres qu’on peut fermer. J’ai donc dû acheter des tissus pour bloquer la lumière pour que la salle soit un peu sombre. Mais jusque-là, ce n’est pas parfait. J’espère qu’avec le temps, je vais avoir une meilleure solution.
 

Vous avez aussi acheté des tableaux blancs alors que vous avez un tableau noir dans la classe. Pourquoi ?

 
Concrètement, je vois mes tableaux blancs comme une nouveauté qui apportera une motivation supplémentaire à mes élèves qui se croient désormais dans une salle moderne. Aussi, comme ils sont portables, je peux les déplacer dans la salle de classe comme je veux pour le bien de mes élèves. En particulier, quand ils travaillent en groupe, ils ne sont plus obligés de regarder dans une seule direction. En plus, je peux les emporter sur le terrain pour les cours pratiques. Ces tableaux peuvent aussi être utilisés avec des papiers de conférence si bien que mes élèves et moi-même pouvons faire des présentations sans souci. Enfin, avec un tableau blanc, un enseignant ne peut plus se plaindre d’être sali par la craie. Avec le tableau noir, certains enseignants préfèrent expliquer plus et démontrer moins, parce qu’ils ne veulent pas trop se salir les mains avec de la craie ou inhaler sa poudre.
 

Quelles sont les facilités que ces nouveaux équipements vous apportent dans la préparation de vos leçons ?

 
Je prépare mieux mes leçons ; je télécharge les vidéos et les photos expliquant clairement les concepts dans mes matières pour mieux faire comprendre les leçons à mes élèves. Vous savez qu’en écoutant, en observant, en pratiquant et en écrivant en même temps, l’élève assimile mieux la leçon.
 

Comment vos élèves réagissent-ils justement face à ces nouveaux équipements ?

 
Je n’ai pas encore enseigné pendant un mois depuis que je suis rentré des Etats-Unis. Mais avec la participation et l’excitation de mes élèves, j’anticipe et je suis convaincu qu’ils vont mieux travailler. Je croise les doigts et je suis optimiste.
 

Quelle a été la réaction des responsables de l’établissement lorsque vous avez apporté ces équipements à l’école ?

 
Mes censeurs au lycée sont vraiment fascinés. Ils ont bien accueilli cette idée. Ils aiment la nouveauté et ils m’ont encouragé beaucoup à les utiliser comme source de motivation pour mes élèves. Le chef du département de biologie est particulièrement fier de moi et m’exprime son soutien à chaque moment. D’ailleurs, beaucoup de mes collègues veulent que je les aide à acheter aussi ces mêmes projecteurs ; mais c’est très difficile parce que ces projecteurs ne sont pas vendus au Cameroun, et Amazon (Entreprise américaine de commerce électronique, NDLR) ne livre pas au Cameroun. Les inspecteurs pédagogiques nationaux m’ont beaucoup apprécié pour ces idées et m’ont demandé de bien utiliser ces équipements tout en partageant ces technologies et leurs avantages avec mes collègues.
 

A part les dons que vous avez reçus, qu’est-ce que vous avez gagné de ce voyage du point de vue professionnel ?

 
J’ai appris de nouvelles techniques d’enseignement et d’évaluation, ainsi que comment motiver et gérer de grandes salles de classe. Donc, je pense vraiment que ça va m’aider à mieux enseigner. Par ailleurs, je me suis fait beaucoup d’amis qui enseignent aussi la biologie et on va faire des échanges d’idées sur la manière de dispenser les cours.
 

En temps normal, comment se déroule l’enseignement des matières scientifiques au Cameroun en général et dans votre école en particulier ?

 
L’enseignement au Cameroun est plus théorique que pratique. Dans le système anglophone pas exemple, au premier cycle (cinq classes), on fait beaucoup de théorie. Les élèves n’ont pas l’opportunité de voir les vidéos de certains sujets complexes; et, des fois, même pas de photos. Ils se contentent de ce qu’ils ont dans leurs livres et de ce que l’enseignant leur explique. C’est au second cycle (deux classes seulement) qu’on fait un peu de pratique. Alors qu’au Etats-Unis par exemple, la pratique commence dès la première année au collège. Mais avec l’introduction du nouveau système d’enseignement au Cameroun, avec l’approche par compétence, les enseignants vont être obligés de faire beaucoup de pratique à tous les niveaux. Ce qui n’est pas facile avec peu de matériel didactique à leur disposition…
 

Quels sont les problèmes qui caractérisent l’enseignement des disciplines scientifiques au Cameroun ?

 
Il y a peu d’enseignants de matières scientifiques et il y a un manque d’environnement et de matériels pour les cours pratiques. Nous connaissons aussi une insuffisance du matériel didactique et l’absence des facilités pour utiliser la technologie dans les salles de classe. Enseigner les disciplines scientifiques est donc difficile, mais pas impossible.