10/12/08

Le ‘droit à la science’ mérite d’être mieux soutenu

Les malades ont un droit humain d’accès à une science vitale. Crédit image: Flickr/Julien Harneis

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Nous devons clarifier comment le 'droit à la science' s'insère dans les droits de l'homme – et rappeler aux gouvernements leur obligation de le protéger.

Vers la fin de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme (signée il y a 60 ans ce décembre) se trouve niché un article peu célébré qui stipule que "toute personne a le droit de prendre part librement … au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent".

En 1976, le Pacte international relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) entre en vigueur afin de mettre en œuvre les aspirations de la déclaration. Ce pacte reconnaît tout autant le droit de chacun "de bénéficier du progrès scientifique et de ses applications".

159 pays ont signé ce pacte – un fait qui mérite d’être mieux connu. Le pacte constitue ainsi un moyen précieux pour rappeler aux gouvernements qu’ils ont déjà consenti au principe de mettre la science à la disposition des pauvres, autant qu’aux riches.

Des droits contradictoires

Mais un certain nombre d’obstacles viennent perturber les efforts visant à mettre en œuvre cet engagement. L’un des plus grands concerne l’incertitude qui perdure au sujet de la signification du texte du pacte en termes pratiques – notamment lorsqu’il garantit l’accès aux connaissances scientifiques et parle dans le même temps de la protection de la propriété intellectuelle.

Si certains articles, à la fois de la déclaration et du pacte, précisent le droit de jouir des bénéfices du progrès scientifique, ils comportent également une clause séparée qui donnent aux individus le droit de protéger les "intérêts moraux et matériels" découlant de leur production scientifique.

Cette approbation de la propriété intellectuelle se pose en obstacle à ce que chacun puisse jouir des fruits de la science. Elle donne aux inventeurs le droit de contrôler l’accès à leurs résultats et à leur recherche, excluant de ce fait les plus démunis, ceux qui n’ont pas les moyens de payer les frais imposés par ces inventeurs.

Ce même problème s’inscrit au coeur des campagnes visant à faire baisser les coûts des médicaments essentiels dans les pays en développement. Ceux qui militent pour cette réduction soutiennent que le droit de jouir des résultats des la science biomédicale devrait passer avant les droits des firmes pharmaceutiques à profiter de leurs découvertes. Mais le fondement juridique de cette approche reste chaudement disputé – d’autres clarifications devront venir éclaircir la manière dont ces clauses, dans la déclaration et le pacte, devraient être évaluées l’une par rapport à l’autre.

Le contexte moral

Nous devons également clarifier comment le droit à la science s’insère dans les droits des personnes, notamment lorsque cette science risque la contradiction avec les croyances religieuses ou les valeurs morales – autour des problématiques comme le développement d’armes nucléaires ou la recherche sur l’utilisation médicale potentielle des cellules souches embryonnaires.

Les partisans de la recherche sur les cellules souches se réfèrent à la déclaration et au pacte pour soutenir leur cause : si la science permet de traiter les maladies très graves, argumentent-ils, les personnes souffrantes ont le droit d’y accéder.

On leur répond que la science ne peut être bénéfique qu’à condition d’être développée dans un cadre moral. Ainsi, les expériences atroces dans les camps de concentration nazis ont entraîné l’adoption d’une gamme complexe de règlements éthiques internationaux régissant les essais cliniques dans le domaine de la recherche biomédicale.

Plus récemment, les droits de l’homme se sont vus invoqués pour justifier l’action contre le changement climatique causé par l’homme (voir ‘Les droits de l'homme sont un outil d'évaluation des politiques en matière de changement climatique’). Ainsi, au cours de ces dernières décennies, lorsque les droits de l’homme sont cités à propos de la science, il est surtout question de protéger les individus des conséquences d’applications potentiellement non éthiques.

Une perspective plus large

Toutefois, le droit des individus à jouir des bénéfices de la science ne peut être poursuivi (ou protégés) obstinément. Il doit s’accorder avec d’autres considérations tout aussi importantes, que ce soit la protection de la propriété intellectuelle, de la moralité humaine ou de la durabilité de l’environnement.

Néanmoins, ces préoccupations ne doivent pas être érigés afin d’entraver entièrement les engagements pris par les Etats à rendre disponible les progrès scientifiques, sans quoi l’innovation technologique, la protection de la santé, ou même le développement économique durable seraient impossibles.

Protéger le droit des personnes de bénéficier des progrès de la science moderne peut venir s’associer à d’autres demandes faites aux gouvernements, comme la création d’un environnement propice au développement de la science. L’amélioration de la capacité juridique des pays à produire et à procurer la science, et la communication d’une manière compréhensible et la vulgarisation des bienfaits scientifiques sont autant de besoins dans ce domaine.

Exiger que les gouvernements soient fidèles à leurs engagements n’aura pas pour effet immédiat de garantir le ‘droit des personnes à la science’ – pas plus que la condamnation internationale de la torture n’a fait disparaître cette pratique.

Mais soutenir ceux qui exhortent aux gouvernements de respecter leurs obligations serait certainement utile.

David Dickson
Director, SciDev.Net